pinky swear 恋人 or 敵

dans les brumes du temps, les souvenirs de son enfance s'estompent peu à peu, mais ce n'est pas tant par une faille de sa mémoire que par la nature de ces souvenirs eux-mêmes. il n'y a guère de moments enchanteurs, car les parents de sora étaient constamment absorbés par les exigences de l'épicerie familiale. depuis son plus jeune âge, sora se souvient nettoyer les étagères de l'épicerie le soir venu, alors même qu'elle accomplissait ses devoirs dans l'ombre de l'arrière-boutique, tandis que ses amies s'évadaient au cinéma ou à d'autres divertissements. sa vie n'est qu'une litanie de routines moroses, parsemée çà et là de querelles avec ses frères, eux-mêmes pris dans l'insouciance de leur jeunesse, incapables de se soucier des tâches domestiques. ils cherchent à vivre une adolescence normale, tandis que sora, elle, endosse le rôle de seconde mère, aspirant elle-même à être protégée, aimée. au fond d'elle-même, elle sait que sa véritable essence aurait dû s'épanouir dans un autre corps, de préférence masculin, afin de se dérober à cette charge mentale trop lourde pour ses épaules juvéniles.

dans l'obscurité silencieuse de la nuit,
sora erre, son âme cherchant la lumière,
seule parmi les ombres, perdue dans sa détresse,
un écho solitaire dans l'univers austère.

dans le vacarme étourdissant du monde,
elle se tait, son cœur lourd de mots non dits,
incomprise, ses pensées se dérobent,
dans un silence pesant, elle se replie.

beautiful monster   this is not a game

l'adolescence de sora s'écoule tristement, teintée de désirs éphémères : elle aspire à être une pom-pom girl, à se maquiller, à être populaire, à se perdre dans les fêtes arrosées. pourtant, elle se retrouve rangée parmi les "nerds", se cachant dans les pages d'un livre dans l'enceinte de la bibliothèque. c'est là qu'elle croise le chemin de son unique amour, bien plus en vue qu'elle - doté de l'allure d'un mannequin, mais lié à elle par une connexion commune pour la culture japonaise. ainsi, elle devient la fierté de ses parents, déjà rêveurs d'un avenir radieux pour elle, puisque monsieur était plus aisé qu'eux, et brillant élève. leur amour se nourrit au fil des jours, son cercle d'amis s'élargit, mais elle se sent parfois comme un trophée, exhibée de couloirs en couloirs. sora, belle à n'en point douter, mais qui l'ignorait, car son attention n'était guère portée sur son apparence, mais son visage de poupée n'était pas sans attirer les regards. quant à son copain, trop souvent absent pour percevoir les ombres d'envie qu'elle suscitait autour d'elle.

illusion tell me, do i get blessed or do i get cursed?

un jour, une promesse lui fut faite, celle d'intégrer l'université de ses rêves, yale, car les bourses lui étaient refusées mais papa et maman avaient promis de réaliser son rêve. mais tout s'effondra lorsque la priorité absolue fut donnée à l'un de ses frères. ainsi, son destin fut tracé par des individus qui ne lui vouaient même pas d'affection. à mesure que les jours passaient, elle se repliait davantage sur elle-même. son absence se faisait remarquer, passant la majeure partie de son temps en compagnie de fréquentations douteuses. privée du droit de mener sa propre existence, elle s'éloignait peu à peu de l'image qu'on lui avait collée. elle grandissait, se rebellait. le tabac et l'alcool devinrent des compagnons pour se sentir acceptée, et étonnamment, cette dépendance lui plaisait. c'était un moyen d'oublier qu'elle serait contrainte de poursuivre des études qui ne la passionnaient guère, oublier la musique qui l'enchantait tant, d'une certaine manière.

( i wanna feel it
i bet on losing dogs )

la crainte de se rebeller et de s'exprimer la tenaille. cette affection à sens unique semble l'écraser, mais elle se sent captive, pas encore prête à assumer une telle responsabilité d'être adulte, de tenir un appartement. elle se sent redevable envers ses parents, et donc reste. elle s'investit pleinement dans la gestion du magasin, cherchant à exceller en tout point. pour apaiser son esprit tourmenté, elle se plonge dans les mélodies envoûtantes de son artiste préférée, mitski, une admiration de longue date. pianiste comme elle, elle aspire à mener une vie similaire à la sienne. à la bibliothèque ou chez elle, les chansons de mitski bercent son esprit. cette artiste représente un rayon de lumière dans l'obscurité persistante qui l'entoure.

elle se tenait là, dans le magasin, toujours prête à aider les clients, offrant son assistance avec un sourire aimable. dans le quartier, elle était la voisine serviable, distribuant le courrier même lorsqu'il ne lui était pas destiné. à l'école, elle était celle qui tendait la main à ceux en difficulté, offrant son aide avec bienveillance. mais derrière ce masque de serviabilité et de sourires, personne ne percevait la douleur qui la rongeait, la solitude qui la consumait. son dévouement sans faille et son attitude joviale dissimulaient habilement ses tourments intérieurs.

au fil des années, une étrange certitude grandissait en elle. Bien qu'elle soit toujours avec son compagnon, fréquentant la même université, la même promotion, quelque chose semblait différent... la seule évolution notable au cours de ces années était celle de leurs sentiments. alors que son partenaire demeurait attaché à elle, sora se retrouvait perdue, déçue par des attentes trop élevées par rapport à ce qu'il lui offrait. les disputes s'enchaînaient, rien n'était sain, et pourtant elle hésitait à mettre un terme à cette relation. du moins, c'est ce qu'elle croyait jusqu'à cette soirée. elle s'éloignait, puis revenait. mais il semblait ne pas remarquer la différence, absorbé par son propre avenir alors qu'elle sombrait, rêvant d'abandonner tout pour devenir pianiste, sans devoir se cacher.

à la faculté, un lieu propice à l'exploration de soi-même, c'est ainsi qu'elle le perçoit. elle nourrit l'espoir de s'y épanouir enfin, mais se retrouve toujours entourée du même cercle d'amis depuis le lycée, ceux qui préfèrent sécher les cours pour s'adonner aux soirées. sora reste l'une des rares à ne pas se laisser influencer, mais elle trouve de plus en plus d'excuses pour éviter d'aider au magasin familial, préférant fuir la réalité en fumant et en buvant avec ses amis. son désir est simple : s'amuser et rattraper le temps perdu.

ainsi, elle ouvre un compte tiktok, transformant le piano qui prend la poussière chez elle en vedette de chaque vidéo. capturant sa véritable essence, elle fait face aux remarques désobligeantes de sa famille, qui la rabaisse. elle brave le pire, mais encaisse. dans sa chambre, elle monte pour allumer une cigarette et envoyer un message à cette personne qui lui procure un sentiment d'être aimée afin d'oublier la misère.