Disney, nous voilà (bientôt) ! | Ft. Eve

Entre un enterrement et une crémation, Eugene avait le droit à un moment de répit dans sa journée pour aller déjeuner dans un restaurant sympa en centre-ville avec sa cousine préférée. Ils s’étaient vu chez leur grand-mère le week-end juste avant, et avaient décidé de manger ensemble dans la semaine pour pouvoir mieux parler sans avoir les oreilles indiscrètes de leurs mères dans les parages.
Ils devaient parler de certaines choses ensemble. Le principal à l’ordre du jour était l’organisation de leur futur séjour à Disney à Anaheim avec leurs amis. Au fil des semaines, ce projet se concrétisait peu à peu dans leurs esprits sans que ça ne se traduise dans la pratique. Comment ? Quand ? Par quels moyens ?
Eve et Eugene s’étaient donné rendez-vous aux alentours de midi dans un restaurant pas très loin de leurs lieux de travail respectifs. Eugene arriva le premier, et s’installa donc d’abord seul à une table. N’ayant que des cérémonies funéraires prévues ce jour-là, il était venu de son costume gris anthracite approprié pour ces occasions. Il n’avait pas jugé pertinent de se changer juste pour aller manger, et espérait juste ne pas se tâcher. Eve ne tarda pas à le rejoindre, le repérant rapidement dans le restaurant alors qu’il lui faisait signe.
« J’ai failli t’attendre ! » lui dit-il comme salutation avant d’y mettre d’avantages les formes en se levant. « Salut. Tu vas bien ? »
Il se rassit en même temps qu’Eve s’installa.
« Nous avons un peu moins d’une heure trente devant nous. Je dois être au funérarium pour quatorze heure. »
Il supposait, peut-être à tort, que les horaires d’Eve étaient bien plus flexibles que les siennes car elle faisait un travail de bureau qui, en soit, pouvait être fait à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. La vérité était qu’Eugene n’avait qu’une vague notion des réalités d’un travail de bureau.

Ce n’était un secret pour personne dans l’entourage proche d’Eugene : il était un socialiste convaincu. Le système américain capitaliste et individualiste, chacun pour soi et Dieu pour tous, l’horripilait. Comment était-il possible qu’on laisse des grandes entreprises telles qu’Amazon, Shein ou McDonald’s rafler des sommes astronomiques d’argent pour leurs dirigeants en laissant à peine des miettes pour les petits travailleurs (entre autres choses) ? Il n’y avait aucun moyen pour qu’Eugene accepte de financer ces géants, n’était-ce pas ?
Eh bah si. Puisque Eugene avait le projet très concret d’organiser un petit séjour à un parc Walt Disney avec sa cousine et des amis. Walt Disney, ou le poster child du capitalisme culturel. Chacun avait ses contradictions. La société Walt Disney à travers tous ses films et ses parcs d’attraction avait fait l’enfance d’Eugene, comme beaucoup d’autres personnes. Il avait une relation à la fois étrange et très commune avec cette marque dans laquelle il l’aimait autant qu’il la critiquait pour les nombreux défauts qu’il lui trouvait. Et Eugene avait accepté ça. Il n’allait pas changer la société à lui tout seul, et il ne voulait pas se priver de quelque chose qu’il aimait.
Eve arriva à leur rendez-vous de planification plus ou moins à l’heure convenue. Mais Eugene, par pur esprit de contradiction similaire à celui qu’un frère aurait avec sa sœur, ne put s’empêcher de la charrier sur sa ponctualité perfectible. Mais le sujet fut vite évacué.
« Je sais ! J’ai l’air très professionnel. Toi, il te faudrait un petit tailleur pour faire un peu plus illusion. »
Ça le surprenait un peu qu’Eve ne l’ait encore jamais vu dans cette tenue. Mais, en même temps, il n’en avait pas le souvenir non plus. Il était assez rarement négligé dans son style vestimentaire, mais il ne portait pour autant pas de costume cravate en dehors du travail et des grandes occasions.
« Les morts n’attendent pas, et c’est en quelque sorte vrai. »
Croyez-le.
« Oui, au vues des soixante longues secondes pendant lesquelles je t’ai attendue, j’ai eu largement le temps de choisir. »
Il n’avait même pas encore regardé le menu et allait probablement prendre la même chose qu’Eve. A moins qu’elle se décide à prendre un met bizarre et douteux.
« Au final, qui vient à Disney, à priori ? Il y a toi, moi, Wendy, Esther, Val et… ? »
Pas Rudy.