(rudy) haven't met you yet

Haven't met you yet
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Eve fixait le panier à ses côtés avec instance. Seule dans l'habitacle de sa Jeep, la jeune femme se savait en avance pour sa rencontre avec Rudy Becker, fils de la mairesse Ellen Becker -Eve avait été voir le portrait de la femme... belle mais intimidante, parfait- et amie de sa mère, co-conspiratrice de ce grand moment de solitude pour la brune. Les deux femmes s'étaient mises en tête de faire rencontrer leurs enfants comme si être amie et avoir des enfants célibataires justifiaient de leur organiser des rendez vous galants dans leur dos. Pour Beth Leroy en tout cas c'était logique... Eve était célibataire, pourquoi ne pas y aller ? La jeune femme avait d'abord regarder sa mère comme si c'était la première fois. Un maman t'as bu ou quoi ? avait failli lui passer les lèvres mais elle avait su se retenir. D'abord parce qu'Eve savait que Beth ne buvait pas. Pas une goutte en 7 ans. Et surtout que c'était typiquement le type de sa mère. N'avait-elle pas rencontré Lewis par sa faute ? 5 ans de relation en avaient découlé. Pour finir sur une rupture qui était à la fois douloureuse et finalement pas tant que ça.

Eve n'avait donc que secoué la tête, soupiré et fini de dîner sans faire d'autres commentaires sur le sujet. Sa mère était revenue à la charge le lendemain en lui donnant un nom et un numéro de téléphone, en offre de paix. C'était une façon pour elle d'admettre que l'idée était certes saugrenue mais aussi à envisager. Et que si Eve ne prenait pas un peu de contrôle sur la situation, Beth et sûrement la mère de son rendez-vous se feraient un malin plaisir à tout organiser à leurs dépens. Alors elle avait envoyé un SMS. Rien de bien méchant, une introduction et l'admission de sa consternation face au plan des deux femmes. La réponse n'avait pas tardée et la conversation qui avait suivi avait surpris la brune. Pas qu'elle s'attendait à tomber sur un con ou quelqu'un qui au contraire d'elle serait vraiment intéressé par la démarche. Elle ne s'attendait juste pas à.. Rudy. Ses réponses l'avaient faite sourire, rire parfois et rassurer surtout. Il n'était pas bizarre, il n'était pas méchant ou désagréable et surtout il avait l'air aussi dépassé qu'elle par la situation.

Mais malgré leurs échanges et le fait d'avoir découvert en la personne de Rudy un allié face aux plans étranges de sa mère, Eve était un énorme noeud de stress et d'angoisse à l'idée de le rencontrer. Dans son panier, une tarte aux pommes, des beignets et un plaid. Rien d'extravagant, mais rien que le fait de cuisiner pour quelqu'un, pour un homme qu'elle n'avait jamais vu, avait suffit à la transformer en un paquet de nerfs. Sa mère avait essayé de l'aider à cuisiner mais Eve l'avait chassé de la cuisine, mis de la musique et s'était concentrée sur sa tâche en espérant réussir ces pâtisseries qui habituellement étaient naturelles pour elle. Puis il avait fallu qu'elle s'habille et encore une fois, une anxiété incompréhensible l'avait prise. Il s'agissait d'une rencontre, pas d'un rendez vous. En tout cas seules leurs mères voyaient ça comme ça. Oui ils seraient seuls, oui ils ne seraient que tous les deux, oui ils ne s'étaient jamais vus et oui la première impression a un impact sur la suite mais... la suite de quoi ? Eve avait fini par attraper une robe confortable en maille et des baskets blanches, jetant sur ses épaules une veste pour se parer aux températures automnales de Klamath Falls. Un coup de brosse pour redonner un aspect correct à sa frange et elle avait sauté dans la voiture refusant de demander son avis à sa mère ou sa grand mère.

Tout cela pour finir là, en avance, avec une boule dans l'estomac et la sensation qu'elle devrait rentrer elle, se cacher sous ses couettes et regarder Orgueil et Préjugés en oubliant le monde. Mais son téléphone flasha avec une notification et Eve se rappela qu'elle ne rencontrait pas un étranger, en tout cas pas totalement. Coupant le moteur, elle sortit de la Jeep et fit le tour pour récupérer ses affaires et sa part du pique nique. Une fois sa veste remise sur le dos, elle prit le chemin du lac en écrivant un court sms :

Quand tu arriveras/si tu es arrivé, je suis la fille brune avec une robe beige et l'air complètement perdue. Vraiment, je suis même pas sûre d'être au bon endroit (rudy) haven't met you yet 1093008419

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Il est un peu stressé Rudy, alors qu’il s’avance vers l’entrée du parc, aux alentours de 11h30. Les dates, c’est déjà pas son truc en temps normal, alors quand celui-ci est organisé par sa mère, c’est encore plus compliqué. Lui qui manque tellement d’assurance avec les femmes. Comme si elles l’impressionnaient trop. Surtout quand elles sont jolies, et c’est le cas de celle qu’il rejoint aujourd’hui. Elle, Eve, elle ne sait pas qu’il s’est renseigné un chouilla sur elle, via une amie qu’ils ont en commun, Izaline. Mais faut dire que leur “match” après l’échange de plusieurs sms l’a beaucoup intrigué. Eve, elle est comme son reflet dans le miroir, mais au féminin. Et c’est pas tous les jours qu’on est confronté à autant de points communs. Le pire dans tout ça, c’est le timing. Eve qui tombe du ciel, alors qu’il commence à un peu trop discuter avec Mikey. Eve qui sème le doute. Etant facile à enticher, il est vite à se poser des questions-là ou il n’y a pas lieu d’en avoir. Mais à présent, il en était là, à ne plus trop savoir si le chemin qu’il doit prendre est celui de Mikey, ou de cette mystérieuse brunette. La solution de facilité serait Eve, évidemment. Pouvoir fermer les yeux sur cette étrange attirance envers le même sexe, qu’il n’assume pas et qui l’angoisse. Pourtant le doute persiste. Et pourrait lui en donner la migraine. Ça ne devrait pas, il n’est engagé avec personne. Ce n’est que du flirt. Néanmoins, ça le turlupine.

Ce n’est peut-être pas dans ses habitudes, mais il est donc en avance. Pour poser le plaid au sol, et sortir toute la nourriture de son sac à dos. Des sandwichs et des salades, même bien trop pour deux personnes, mais il n’était pas certains qu’elle aime tout ce qu’il a préparé. Des sodas, de l’eau, des chips, tout le salé que l’on pourrait attendre d’un pique-nique. Puisqu’elle, elle se charge du dessert. Nageant dans l’inconnu, il vérifie que tout est en place, quand son téléphone fini par sonner, annonçant l’arrivée d’un sms. Est-ce qu’elle pourrait annuler au dernier moment ?! Nerveusement, il attrape son téléphone, qu’il manque même de relâcher alors qu’il déverrouille l’écran. Il se sent rassuré quand il lit les lignes du message d’Eve. Et instinctivement, relève le nez pour scruter autour de lui. Y’a pas grand monde par ici, juste à quelques mètres plus loin, une famille avec trois enfants, qui ont visiblement eu la même idée qu’eux. Quelques promeneurs qui ne font que passer leur chemin, des coureurs, et des chiens en laisse. Puis le bleu de ses yeux se pose finalement sur une silhouette, beaucoup plus loin, vers l’entrée du parc. Celle d’Eve, il en est certain. Il a assez scrollé son instagram pour la reconnaître entre mille. Et puis nul doute, la petite robe beige.

Nerveux, il se lève du plaide, et lui fait signe de la main, espérant que malgré la distance, elle le repère. Il ne veut pas s’éloigner trop de son emplacement, que personne ne vienne se servir, ou qu’un chien renifle de trop leur nourriture. Mais il s’approche tout de même un peu, quelques pas après son installation, puis renfournant son téléphone dans la poche arrière de son jean, il observe Eve qui approche. Cœur battant d’anxiété, à la simple idée de pouvoir la décevoir. Pourtant l’un comme l’autre n’attendait pas grand-chose de ce rendez-vous, qui était dans la finalité, plus amical. C’était bizarre de se mettre autant la pression.

_ “ Salut ! “

Qu’il lance tout simplement, ajoutant un léger signe de sa main, alors que la brune se dresse enfin devant lui. Mains qu’il rabat rapidement derrière son dos, tandis qu’il lui sourit nerveusement.

_ “ J’espère que t’es pas trop déçu ? “

Il se désigne lui-même, de ses mains, de haut en bas, pour bien souligner qu’il parlait de son apparence. Parce que techniquement, à moins qu’elle ait triché comme lui, elle ignorait royalement à quoi lui pouvait bien ressembler. Et loin de se ranger dans la case des beaux-gosses selon lui, Rudy a toujours eu un énorme manque de confiance envers lui-même. Et remontant son attention vers Eve, il colle cette fois ses deux mains dans son dos, et sourit plus franchement encore.

_ “ T’es plus jolie encore que j’aurais imaginé je crois ! “

Les mots sortant bêtement de sa bouche, sans qu’il n’y réfléchisse, il pince fort ses lèvres l’une contre l’autre en réalisant que c’était un peu stupide de dire ça, pour un rendez-vous amical. Mais la franchise candide du brun n’est plus vraiment surprenante pour ceux qui le connaissent bien. Un vrai enfant, qui dit tout ce qu’il pense, sans même se rendre compte que parfois, c’est gênant. Alors rapidement, embarrassé, il se tourne vers le pique-nique qu’il a préparé.

_ “ Tiens, j’espère que ça va te plaire ! “

Il se faufile vers tout ça, un bras en arrière et les doigts en mouvement vers elle, pour lui faire signe de le suivre.

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La nervosité qui la traversait avait deux sources : son absence d'expérience en terme de romance et le fait que l'homme qu'elle retrouvait était un inconnu total. Totalement non bien sûr, ils avaient suffisamment parlé pour qu'elle puisse dire avec quasi certitude qu'elle apprécierait Rudy dès que les premières gênes de la rencontre seraient passées. Le souci c'était qu'elle était incapable de dire ce qu'elle attendait vraiment de cette rencontre Eve. Bien sûr, comme elle l'avait dit à Joséphine et comme elle en avait parlé au premier concerné, la brune serait heureuse de se faire un ami. Quelque chose en elle était avide ce genre de connexion. D'une amitié qui lui donnerait l'impression d'être une participante, une actrice active et impliquée, qui la ferait rire et sourire, la remplirait de ces choses qui lui ont manqué dans les amitiés superficielles de Los Angeles. Mais d'un autre côté, après s'être séparé de Lewis, Eve s'était retrouvée face au fait qu'elle n'avait pas été célibataire pendant tout son temps en Californie. Arrivée à 18 ans, elle avait eu tout juste un an de liberté en tant qu'adulte, qu'elle avait passé à se faire au soleil de la côte Ouest et à son deuil profond, puis il avait été dans sa vie. Et aujourd'hui Eve se demandait si elle n'avait pas perdu quelque chose dans cette histoire. Si peut être, être avec lui toutes ces années ne l'avaient pas empêché de trouver qui elle était sans quelqu'un à ses côtés.

Alors elle stressait parce qu'Eve savait qu'elle ne voulait pas retomber dans de nouveaux bras, mais en même temps c'était une amoureuse de l'amour. Ses années avec Lewis lui avaient appris ça aussi : Eve aimait aimer. Et si Rudy avait le malheur d'être un tant soit peu gentil et charmant avec elle, la brune n'était pas sûre de savoir retenir son cœur. Et puis il y avait aussi la question de l'apparence. Pas celle de Rudy, mais la sienne. Une forme de gêne, de conscience accrue de son apparence, un embarras injustifiable la prenait alors qu'elle sortait de la voiture. Il n'avait pas à la juger par sa façade, physique ou comportementale, bien entendu. Et de ce qu'elle avait vu dans leurs échanges, il n'avait pas l'air d'être de ce genre. Mais elle pouvait se tromper n'est-ce pas ? Que ferait elle si elle ne lui plaisait pas ? Eve se demandait pourquoi la question était importante.

Marchant doucement, panier à bout de bras, la brune envoya son message avant d'avancer en regardant autour d'elle. Bien sûr, elle ne savait pas trop qui elle cherchait. Mais au fond, elle espérait le reconnaître juste comme ça. Dans son esprit, Eve voyait quelqu'un d'agréable à approcher, de souriant, de… Ses yeux se posèrent sur une figure masculine semblant tournée vers elle, une main levée comme pour faire un signe. Un sourire gêné courba ses lèvres et Eve fit un signe de la main en s'approchant, tentant de relaxer son visage. Avoir l'air aussi contente d'être là qu'elle le ressentait au fond. Une fois plus proche néanmoins, son sourire devint une façade pour cacher la panique en elle. Rudy était comme elle l'avait imaginé, certes. Mais aussi bien plus beau ? Ou peut être que beau n'était pas le terme. Il y avait quelque chose dans son apparence qui était charmant, attirant d'une façon qu'elle n'avait pas vu souvent. Et cette information, cette réaction interne qu'elle ressentait, la frappait de plein fouet.

« Hey ! » dit-elle, entendant sa propre voix prendre une intonation bien plus aigüe que d'habitude. Son sourire la fit rosir un peu, son visage se réchauffant alors qu'elle se forçait à ne pas le dévisager de haut en bas. Gigotant un peu, elle prie son panier contre elle puis décida de le poser par terre, tentant de retrouver sa maîtrise d'elle même. « déçue d... hein ? » Eve le fixa d'un coup, surprise mais n'eut pas le temps de vraiment répondre qu'il était encore plus beau qu'elle ne l'imaginait, il lui renvoya sa propre remarque à la figure et Eve sentit son visage brûler d'un coup. Échec mission. L'envie de s'enfuir la traversa soudainement et la brune aurait pris ses jambes à son cou si elle n'était pas plus inquiète d'heurter les sentiments de Rudy. Eve profita qu'il se retourne pour se tâter les joues, ayant l'impression d'avoir le visage en feu. Quel genre de rendez vous était-ce ? Etait-il un charmeur qui s'ignore ou avait-il dit cela pour qu'elle lui fasse un compliment en retour ? N'étaient-ils pas censés sympathiser... comme des amis ? de futurs amis en tout cas. Milles questions traversaient l'esprit de la brune qui cligna des yeux en l'entendant parler et le suivit vers le plaid et le picnic déployé au bord du lac. « oh Rudy c'est parfait ! merci d'avoir installé tout ça ! » Eve passa une main dans ses cheveux, tentant de retrouver une part de son calme en posant son panier au sol. Tout en respirant doucement elle sortit le dessert et une couverture supplémentaire qu'elle avait amené avant de regarder Rudy avec un grand sourire « je suis sûr que ça sera parfait ! et je suis pas déçue. Désolée j'étais surprise par la question. Tu es très beau, au cas où on ne te l'a pas dit récemment. » Un rire gêné lui passa les lèvres et elle se détourna en espérant que son visage n'était que chaud et pas rougeoyant. A force d'échanger ce genre de civilités un peu gênantes, elle allait se transformer en tomate. « j'espère que ça te plaira aussi... les gâteaux ! »

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Le pauvre était loin de s’imaginer qu’il ferait autant d’impression à la jolie brunette. Elle bégaie, puis rougit alors qu’il la complimente, certes un peu vite, mais Rudy n’est pas connu pour une quelconque hypocrisie. Au contraire, il est franc, quitte à l’être trop, comme ce matin. Presque gêné de l’avoir déstabilisé, il se retourne pour l’entraîner vers le plaid et son piquenique, qu’il lui présente fièrement. “ oh Rudy c'est parfait ! merci d'avoir installé tout ça ! “ C’était vraiment pas grand-chose en réalité, loin d’une belle table s’il avaient décidé de manger en tête à tête dans son salon. Et il aurait été contraint de faire de la grande cuisine, lui qui n’est clairement pas un grand chef. Il hausse alors les épaules, reposant ses yeux sur elle qui s’est déjà accroupie pour sortir les desserts. Plats qu’il z’yeute avec gourmandise, un peu surpris qu’elle aussi y ait tant mis du cœur. Et finalement, leurs regards se croisent à nouveau. “ je suis sûr que ça sera parfait ! Et je suis pas déçue. Désolée j'étais surprise par la question. Tu es très beau, au cas où on ne te l'a pas dit récemment. “ Si ça lui semblait normal de le dire à une fille, l’entendre en retour le surprend beaucoup. Et c’est à son tour de rougir légèrement, se redressant quelque peu ne pouvant rester immobile. Une envie de gigoter dans tous les sens, embarrassé, et pourtant bien incapable de le faire réellement, tant ses jambes semblent menacer de l’abandonner. Les mains dans son dos, redressé, il hoche donc la tête négativement, médusé.

_ “ Heu... Non. Enfin, je... J’crois pas. “

Flatté et plus que jamais, il s’assoit hâtivement, les yeux fuyant vers la nourriture, s’imaginant qu’ainsi, elle ne verrait pas le rouge recouvrir ses joues. On ne peut nier qu’il flirt d’un peu trop prêt avec Mikey ces derniers temps, mais Mikey est quelqu’un de distant, qui n’aime pas montrer, ni dire, ses ressentis. Alors il n’est pas du genre à flatter le cœur de Rudy, qui peut-être, en manque réellement.

_ “ Sauf ma mère, mais.... Ça compte pas. “

Qu’il rajoute nerveusement, soufflant un petit rictus moqueur envers lui-même. Habituellement, il n’aime pas trop rire ou mettre en avant sa relation un peu trop “étouffante” avec sa mère, de peur d’être mal jugé. Le fils à maman revenant un peu trop souvent. Mais Eve vivant la même exaspération avec sa propre mère, il savait que la confidence du sujet ne serait nullement jugée. Bien au contraire. “ j'espère que ça te plaira aussi... “ Ca ne dure que quelques secondes, mais assez pour qu’il pense qu’elle parle d’elle-même, de son apparence, de ce rendez-vous. Y’a une tonne d’angoisses qui prennent possession du pauvre Rudy, une panique intérieure à la simple idée de faire un pas de travers. Pourquoi d’ailleurs, pourquoi paniquer là-dessus, alors que ce n’était pas un rendez-vous galant, avaient-ils dit ? La respiration lui manquant, il dresse son visage vers elle, sa bouche s’ouvre mais aucun son n’en sort. Et heureusement, parce qu’elle n’avait tout simplement pas terminé sa phrase. “ les gâteaux ! “ Les gâteaux, elle parlait des gâteaux ! Sa respiration se relâche, sa bouche se referme, ses épaules tombent d’un niveau, tant le soulagement se fait sentir. Moins de pression Rudy, moins de pression. Il souffle entre ses lèvres, le plus discrètement possible, tout en se laissant tomber en tailleur sur le plaid, à côté de la brunette.

_ “ Evidemment que ça me plait. “

Qu’il répond enjouer, relevant les yeux vers elle, croisant même les siens au point qu’il sent encore la chaleur lui monter aux joues. Si seulement il pouvait un minimum contrôler ça. Mais impossible, c’est nerveux, dès qu’elle pose ses prunelles sur lui, son corps réagit sans qu’il n’y puisse rien faire.

_ “ Les gâteaux, j’veux dire, les gâteaux me plaisent ! “

Qu’il ajoute réalisant que lui aussi, il pouvait avoir des phrases tendancieuses. Et que c’était clairement pas son attention. Mais après réflexion, elle pourrait aussi penser qu’il dit ça, parce qu’elle, elle n’est pas à son gout ?! Alors qu’en toute franchise, elle l’était. Même peut-être un peu trop, sachant que dans sa situation à lui, ça allait mettre le bordel dans sa tête. Coup de panique, nouvelle chaleur aux joues, il fixe la belle, tout en secouant nerveusement la tête.

_ “ Mais toi aussi hein, j'disais pas ça pour... “

Ho bordel, il s’enfonce non ? Il ferme sa bouche, tendu comme jamais, respirant bien difficilement. Puis il finit par se racler la gorge, et empoigner un sandwich, qu’il tend à Eve, bien mal à l’aise.

_ “ Avant qu’je m’enfonce un peu plus... “

Qu’il grimace, tout en souriant nerveusement pour s’excuser de ses paroles qui sortent bien trop vite de sa bouche.

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Une chose à laquelle Eve ne s'était pas préparée en venant rencontrer Rudy c'était la possible qu'il puisse lui plaire. Non pas qu'elle pensait que sa mère lui aurait proposé de rencontrer quelqu'un de désagréable ou qui ne lui plairait pas... Beth Leroy avait un talent pour ce genre de chose et surtout, après Lewis, Eve avait dû admettre qu'elle pouvait faire confiance en sa mère pour la pousser dans des bras qui ne lui déplaisaient pas. D'où la panique soudaine de son cœur quand ses yeux tombèrent sur Rudy Becker, son sourire adorable et son air de garçon trop gentil pour son bien. Son apparence superposée avec les échanges, longs, drôles et surtout agréables qu'ils avaient eu, était une surprise qu'Eve se devait de digérer. Et en attendant, son visage était en feu alors qu'elle balbutiait son contentement de l'avoir retrouvé tout en trouvant une place sur l'installation au bord de l'eau. L'idée du pique nique était tellement plus relaxant qu'un restaurant, contexte guindé et demandant plus de décorum. Ici elle pouvait respirer puis s'enfuir si jamais elle n'arrivait pas à calmer la chaleur de son visage ou la vitesse de son palpitant. Mix d'embarras, de surprise et de pur attirance qu'elle n'admettrait sûrement pas, même à bout de fusil, Eve vivait les émotions qui la traversaient comme un signe qu'elle n'aurait pas dû prendre ce rendez-vous -galant ou amical- à la légère.
Agenouillée sur la couverture, se demandant si elle avait fait un bon choix de tenue vestimentaire finalement, elle reprit un peu de composition -juste un peu- et regarda Rudy pour lui rendre son complément. Bien sûr, elle pensait chaque mot, mais quand elle vit son expression, la brune regretta presque son honnêteté. Puis elle décida contre ce regret et offrit un sourire plus tendre. « et bien.. maintenant, ta mère et moi te l'ont dit. » le rose lui restait aux joues et elle balbutia quelques remarques supplémentaires en regardant son panier pour sortir une à une les pâtisseries qu'elle avait passé la soirée précédente à faire. Sa mère avait trouvé les préparatifs suspicieuses, des idées de mariage et de célébration lui traversant sûrement l'esprit vu le penchant romantique et impatient de sa mère mais Eve avait refusé de commenter. Elle qui avait toujours tout dit à sa mère, jusqu'à lui parler de sa sensation de vide suite à sa rupture et sa peur de ne jamais retomber amoureuse, elle s'était refusée à parler de son rendez vous avec Rudy. A moitié pour éviter de révéler qu'ils avaient décidé que tout cela resterait amical -avaient ils été aussi radicaux ? peut être pas tout à fait- et elle ne voulait pas décevoir sa mère. Et maintenant qu'elle présentait sa tarte aux pommes et ses beignets, fait avec plus d'amour qu'elle n'en avait eu à donner ces derniers mois, Eve sourit tendrement. Il n'y avait pas de quoi paniquer, tout se passerait bien. Jusqu'à ce qu'il lui réponde et qu'elle repique un far en levant les yeux sur lui avant de rire gêné. La clarification lui fit quelque chose et seul rire pouvait calmer la sensation. Et alors qu'Eve pensait avoir atteint le summum de la nervosité, les mots rajoutés par Rudy finir de redonner une teinte vermeille à son visage. La bouffée de chaleur lui donna envie de tourner la tête et la seule raison pour laquelle elle ne se détourna pas vivement était le sandwich tendu vers elle. Son sourire s'étendit et Eve le prit en soupirant un « merci.. » avant de reposer les yeux sur Rudy en souriant « merci d'avoir préparé tout ça. J'avais pas fait de pique-nique depuis un bail en plus ! » Elle posa le sandwich sur le tissu étendu sous elle et s'installa un peu mieux avant de regarder autour d'eux, cherchant un peu de réconfort dans la présence de gens sans être au milieu de la foule avant de reposer les yeux sur son compagnon de repas « c'est un superbe endroit en plus. Merci pour la découverte. » Le rythme de son coeur se calmait peu à peu, à mesure qu'elle observait le garçon - l'homme- assit à ses côtés. Echanger des SMS n'était jamais à la hauteur du réel, mais maintenant que la première surprise était passée, Eve était heureuse de voir qu'il était comme elle aurait pu l'imaginer si elle s'était laissée le droit de fantasmer un peu. Bien sûr, elle aurait aussi pu demander une photo avant, ce qui lui aurait sûrement évité de sentir son visage tourner cramoisie en croisant le regard bleu comme un ciel d'automne de Rudy. La couleur était presque aussi frappante que le reste de son visage, et Eve essayait de se dire qu'il allait falloir qu'elle s'y fasse sans rougir à chaque sourire. Une conversation ne serait pas viable sinon. « c'est toi qui a tout préparé alors ? désolée c'est nul pour commencer une conversation mais.. » un rire nerveux lui passa les lèvres et Eve remit une mèche derrière son oreille avant de regarder son sandwich prête à manger « j'avoue ne pas avoir l'habitude de rencontrer des gens comme ça. »

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“ Et bien.. maintenant, ta mère et moi te l'ont dit. “ C’était peut-être bon signe. On dit toujours que dans la vie, y’a deux femmes pour un homme. Sa mère et son épouse. Faut croire que si elles s’entendent déjà bien, avant même de se connaître, c’est un bon signe du destin. Mais penser à ça dans un rendez-vous amical, c’était peut-être un peu dépassé ? Elle remercie alors deux fois, pour le rendez-vous, le repas. Il sourit flatté, un peu gêné. Il aime les compliments, comme tout le monde, mais ça a toujours le don de le mettre mal à l’aise, qu’on lui dresse des lauriers. Alors il continue de sortir le déjeuner pour ne pas avoir à regarder en face le sourire trop joli d’Eve. “ c'est toi qui as tout préparé alors ? désolée c'est nul pour commencer une conversation mais.. “ Il échappe un léger rictus, soufflé, avant de relever le bleu de ses yeux vers elle. Il hoche la tête, les joues encore rosies par la conversation précédente. Espérant que cela ne se voit pas beaucoup, parce qu’il sent bien la chaleur sur son visage. Bien qu’il en ait beaucoup moins honte, sachant que Eve est toute aussi colorée. Et ça lui va bien. Elle est encore plus mignonne, le rouge aux joues.

_ “ Je suis pas un très grand cuisinier, mais ça c’était pas compliqué. “

C’est peut-être même pas qu’il n’est pas doué en cuisine, plutôt qu’il n’en n’a pas la patience. Et que sa mère étant un vrai cordon bleu, il n’a pas l’habitude de lui voler le rôle. Il préfère manger les plats de sa mère, sans se fatiguer. Et son attention se tourne vers un sandwich, qu’il empoigne pour croquer dedans et ainsi vérifier le gout de son travail. Pas mal, de toute façon, faudrait juste des ingrédients de mauvaise qualité pour rater ça. Et il a tout fait avec le frigo de sa mère, qui n’achète grand dieu, jamais rien de mauvais. C’était bon, et frais. " j'avoue ne pas avoir l'habitude de rencontrer des gens comme ça. " Ho lui non plus, les rendez-vous galants c’est pas un domaine dans lequel il excelle. Plutôt doué pour bégayer, et se rendre maladroit. Il sourit alors, cachant ses dents parce qu’il avale une grosse bouchée du casse-croute. Plat que d’ailleurs, il repose au sol avant de poser ses mains un peu derrière lui, et de s’y appuyer, pour se pencher légèrement en arrière, profiter ainsi du soleil. Et être peut-être aussi, un peu plus proche d’Eve.

_ “ Moi non plus, j’suis pas très à l’aise en fait, dans ce genre de rendez-vous... “

Il tourne le visage et l’attention sur elle, ses lèvres s’étirant en un charmant petit sourire. Un peu moqueur de lui-même, amusé de la situation. Bien qu’elle soit loin d’être amusante, parce que son manque d’assurance en drague, fait de lui un homme avec bien trop peu d’expérience pour son âge. Deux histoires sérieuses seulement, bien que Rose ait été si furtive, qu’il ne sait même pas s’il peut la caser dans les sérieuses. Et seulement trois femmes dans sa couche. Ça fait pas beaucoup pour un homme dépassant le quart de siècle.

_ “ J’suis pas très bon dragueur. “

Il sourit de plus belle, soufflant un léger petit rire à peine soufflé.

_ “ Et j’fais souvent trop de maladresse parce qu'j’suis mal à l’aise. “

Heureusement pour le moment, il s’en sortait pas trop mal. Peut-être parce qu’il était persuadé qu’Eve ne serait pas intéressée par sa personne, à la vue de leurs discussions précédentes. Et que ça rendait les choses un peu plus facile. Si ce n’est que la beauté de la brunette, le déstabilisait grandement. Et finalement, c’était presque décevant qu’ils ne se voient pas dans l’optique de quelque chose...

_ “ Ça doit être pour ça que ma mère m’arrange des rendez-vous, elle doit s’imaginer que je pourrais pas me débrouiller tout seul. “

Il lève les yeux au ciel, parce que ça c’était un peu pathétique. Mais il en avait l’habitude, et l’avantage, c’est qu’Eve est dans la même situation. Au moins ça, ça ne le fait pas totalement passer pour un empoté. Il soupir discrètement et ramène son attention sur Eve, qu’il étudie quelques secondes de ses prunelles, avant de reprendre :

_ “ Y’a une explication, à pourquoi ta mère espère te caser super vite ? “

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Une fois les premiers échangés gênés et déstabilisés, la conversation finit par commencer maladroitement et sans le vouloir un rire cristallin échappe à Eve en écoutant Rudy parler de maladresse parce qu'encore une fois elle se retrouve dans les mots qu'il emploie, dans sa façon d'être à son égard, dans son attitude aussi. Un sentiment étrange pour l'Anglaise qui avait si souvent le sentiment d'être seule même au milieu d'une foule. En présence de Rudy et malgré le début de l'échange ou même les raisons inconventionnelles qui les avaient amenés à se rencontrer, elle se sentait étrangement peu seule. Eve se sentait presque visible pour une fois. Une sensation qu'elle ne pensait pas trouver sous le regard d'un garçon dont elle ne connaissait rien quelques jours auparavant. « et la mienne doit se faire la même idée. » un petit rire lui échappe puis elle le regarde avec un sourire toujours ancré bien que moins jovial. Pourquoi sa mère l'embarquait dans ce type de situation ? Elle avait une petite idée, mais Eve ne tenait pas à faire l'étalage de sa dernière peine de coeur à un homme qu'elle venait de rencontrer. Bien entendu s'ils se revoyaient et passaient du temps ensemble, le sujet d'anciennes relations à chacun finirait par venir sur le tapis. Juste parce que des amis peuvent, vont souvent, parler de ces choses là. En amitié comme ailleurs, l'honnêteté était presque aussi importante que la communication. Et si par chance leur amitié était le début d'autre chose, il lui faudrait admettre ces parts d'elle même qu'elle ne montrait jamais. Avait-elle vraiment discuté de sa rupture avec qui que ce soit ? Pas vraiment. Alors Eve ne prit pas ce tournant dans la conversation admettant doucement « ma mère est amoureuse de l'amour. C'est juste ça. Elle est tombée sur mon père, un jour en plein Covent Garden et ne l'a plus lâché. Elle n'a aimé personne depuis son décès.. et je sais que c'est tout ce qu'elle me souhaite. Ce genre d'amour » un sourire gêné mais honnête orne ses lèvres et Eve secoue la tête avant de croquer dans le sandwich offert par Rudy. Elle ne veut pas qu'un silence étrange ne pèse entre eux et mâche sa petite bouchée rapidement avant de le complimenter sur sa préparation et essayer de lancer la conversation sur un des derniers échanges qu'ils ont eu. Bien qu'elle ne s'attendait à rien entre eux, elle s'était rapidement retrouvée à lui écrire plusieurs très longs messages tous les jours. Des passions communes, des aspirations à réaliser, des mots d'encouragement, des conseils, de simple partage d'information... tout y était passé. Et avec chaque message elle s'était convaincue que le destin se jouait d'elle. Qu'il tentait de la faire sentir plus à l'aise qu'elle ne l'était à KF en lui offrant sur un plateau d'argent un garçon qui lui donnait l'impression de regarder dans un miroir et n'avoir que son apparence comme différence avec qui elle était. Il y avait tant de choses dans ses mots, ses réactions, son humour, qui lui rappelaient ... elle même. Dans les mots écrits par Rudy, Eve retrouvait une part d'elle qu'elle ne laissait pas toujours voir parce que ce n'était pas ça qu'on demandait d'elle avant. Mais quand il lui parlait, elle voulait être cette fille. Et maintenant qu'il se trouvait face à elle, beau et avec un charisme né d'un naturel agréable, adorable. Quelque chose de tendre dans son être qui lui donnait envie de ne pas laisser le repas passé ou le temps s'écouler. « mais bon, l'amour ça se trouve pas comme ça je suppose. Et elle le sait. Je pense que ceci.. » elle fit un signe du doigt entre eux deux « est plutôt sa façon de me pousser à rencontrer des gens.. voir si quelqu'un à Klamath pourrait me faire rester. » La réponse peut paraître étrange mais comme elle avait expliqué son dilemme avec la ville à Rudy, Eve parait du principe qu'il devait comprendre.. Et sans aucun problème il renchérit sur le sujet et une conversation mêlée de rires de moins en moins nerveux, de rosissement inarrêtable et d'anecdotes sur les plans étranges de leurs mères les gardent engagés. Les sandwichs sont bientôt remplacés par des échanges de boissons puis de dessert, Eve applaudissant ravie en le découvrant si friand des gâteaux qu'elle avait préparé. Malgré elle, la brune passe un moment qu'elle ne veut pas voir finir. Alors qu'il lui explique une référence de Xmen qu'il avait sorti par SMS, elle se rend compte que potentiellement cette rencontre avec Rudy pourrait être la première d'un grand nombre ou la dernière. Une anxiété qu'elle ne veut laisser s'installer en elle, tente de la prendre aux tripes et la journaliste se force à profiter du moment présent. Chaque mot, chaque sourire, chaque rire, chaque détail que lui offre Rudy la met en joie et il lui paraît clair qu'il n'est pas utile de s'inquiéter d'autre chose que cela. De toutes ses amitiés (et 1 relation) ce qui l'a tout fait sentir bien c'est de perdre la notion du temps avec l'autre. Et quand son téléphone sonne 13h30 et sa mère apparaît à l'écran avec un sms demandant si elle serait revenue avec sa voiture d'ici 16h, il est impossible pour Eve de ne pas être surprise. Le temps s'était écoulé sans qu'elle ne fasse vraiment attention et voyant la surprise de Rudy face à l'heure il lui semble qu'elle n'était pas seule. Rien de particulier ne s'était pas une fois la première impression -et son effet ingérable sur les battements de son coeur ou le rougissement des joues de l'infirmier- ils avaient parlé sans cesse et profité de leur picnic sans se poser de questions. Le monde avait continué d'avancer, mais ils étaient coincés dans une bulle à eux même. Où l'on pouvait parlé de sa fratrie, de sa mère, du travail, de la passion pour les moments au lac, du soleil de Californie et la pluie de Londres, d'amis d'enfance et de la vie dans une petite ville.. et avant qu'ils ne puissent se rendre compte de combien de temps leur seule alchimie les avait volé. La conversation était restée amicale et agréable, et pour Eve c'était une très bonne raison de le revoir aussi alors qu'ils se mettaient à ranger du fait de l'heure et leurs obligations à l'un et l'autre, elle sourit « Tu as mon numéro si tu veux recommencer. Je ferai un autre gâteau ! » Son rire était sincère et la réponse de Rudy lui confirma qu'elle avait trouvé une personne avec qui elle ne doutait aucunement qu'elle passerait du très bon temps et de ne jamais manqué de choses à partager... Un cadeau du ciel - et un peu de sa mère - qu'elle bénirait une fois seule chez elle.

[FIN]