Prendre son courage à deux mains. // Shay

Prendre son courage à deux mains.
@Shay Williams

Poppy relisait encore et encore la lettre reçue pour sa date de scanner. Laissant son café refroidir dans sa main. Elle ne réalisa même pas quand ses collègues arrivèrent et eu juste le temps de ranger le papier pour leur sourire et prétendre que tout allait bien. Elle était douée pour ça. Elle envoya un message à Ellen et Nina pour leur dire, elle préviendrait Lily plus tard. Harry… Il n’avait pas à savoir tant qu’elle n’en savait pas plus elle-même. Elle préférait en parler aux femmes, à des personnes qui pouvaient la comprendre. Poppy se sentait plus à l’aise comme ça. Il ne servait à rien d’inquiéter son ami sans raison. Rien que pour le scan, elle allait devoir débourser une petite somme. Une nouvelle opération voulait dire taper encore dans ses économies. Depuis qu’elle avait appris pour son endométriose, elle avait mis de l’argent de côté sur un compte spécial.

Prenant les clés du corbillat, elle termina sa tasse et emporta avec elle un stagiaire. Ils avaient un corps à récupérer à la morgue de l’hôpital. Un homme était venu la veille pour demander les services de la maison : Poppy s’était occupée personnellement de lui. Sur la route, elle mit sa playlist habituelle : ne laissant pas le choix à son employé de dire quoi que ce soit, mais en voyant son sourire de temps en temps c’était qu’il n’était pas si embêté. Poppy le briffa sur la conduite à tenir, sur ce qu’il pouvait dire, mais surtout ne pas dire. C’était important. Misha ayant au final refusé de l’aider pour l’enterrement, elle devra utiliser son apprenti pour prendre la place de la personne manquante. Il semblait content de cette opportunité : pour sûr qu’au moins il allait voir toutes les facettes du métier.

Se présentant derrière l’hôpital, elle avait toujours eu à cœur d’être la plus discrète possible. Beaucoup n’étaient pas confortables avec la vision de ces voitures qui portent les morts. Celle de sa maison funèbre était discrète : personne ne pourrait croire que c’est un corbillard. Poppy gara la longue voiture en marche arrière près de la sortie, coupa le moteur et fit signe à son stagiaire de la suivre. S’approchant de l’agent de sécurité, elle lui sourit :

“Poppy Crane, de Crane's Funeral House. Je viens chercher Madame Brown.” Elle tendit le dossier et ses accréditations. L’homme hocha la tête et lui indiqua le chemin de la morgue, même si elle connaissait le chemin. Ce n’était pas le premier corps qu’elle venait chercher. Les procédures étaient fastidieuses, mais nécessaires. Tout devait être vérifié pour être certain que Poppy n’embarque pas le mauvais corps. Les tags, les nombres, les noms devaient coïncider.

S’enfonçant dans les boyaux de l’hôpital, la partie cachée où vie et mort se côtoie : elle eut une révélation. Elle tourna les talons et demanda au stagiaire de l’attendre avant de ressortir. Poppy chercha dans la poche de son jean noir et en sortit une lettre. Celles sur les informations pour identifier ses frères ne la quittaient jamais. Poppy avait toujours à cœur de les trouver et de tenter sa chance d’avoir une famille… D’avoir un lien comme Harry et Lily pouvaient avoir. Le but ultime. Peut-être que sa vie chaotique serait plus facile avec des frères pour couvrir ses arrières…

“Excusez-moi…” Elle se racla la gorge. Hésita. “Le S sur votre badge… C’est pour Shay ?” Poppy se sentait incroyablement idiote. Toute petite. Elle devait y aller au culot. “Vous n’auriez pas un père qui avait pour nom de famille Millers…?” Et si elle se trompait ? Ma foi, elle rirait nerveusement et irait passer sa journée avec les morts avec qui au moins elle ne peut pas se ridiculiser.

Le train de tes injures roule sur le rail de mon indifférence.

- La classe américaine

prendre son courage à deux mains w/ @Poppy Crane and Shay Carter

« Poppy Crane, de Crane's Funeral House. Je viens chercher Madame Brown. » C’est avec un hochement de la tête que je suis venu saluer cette femme qui est venue se présenter à moi, ainsi que le jeune homme qui l’accompagne. Je ne peux m’empêcher de voir le statut hiérarchique se mettre en place sous mes yeux, avec un stagiaire, en plein apprentissage du métier des pompes funèbres, sous la direction de Poppy Crane, qui a en juger le nom qu’elle a pu me donner, est la propriétaire de cette entreprise, je n’arrive pas à croire que cela puisse être celle de son père, ni même d’un frère ou d’une soeur. « Prenez le couloir qui est sur votre droite, vous aurez l’ascenseur au bout, vous trouverez la morgue au moins deux. Quelqu’un s’occupera de vous pour que vous récupériez Madame Brown. » C’est une information que je suis en train de prononcer en même temps que je referme le dossier qui se tient dans mes mains, celui qu’elle m’a transmise en arrivant, pour tous les renseignements dont j’ai besoin, un dossier que je suis en train de lui rendre.

« Excusez-moi… » C’est avec le café à mes lèvres, pour me laisser porter par la chaleur de la boisson qui me fait le plus grand bien après une soirée merveilleusement bien arrosé la veille, un peu comme chaque soirée, que je me retourne en direction de celle qui est en train de s’adresser à moi. Poppy Crane, une nouvelle fois, est en train de me faire face, elle est beaucoup moins à son aise dans cette prise de parole, elle est remplie d’hésitation, elle se racle la gorge, comme pour se donner du courage. « Le S sur votre badge… C’est pour Shay ? » Je ne peux contrôler ce froncement de sourcil qui se présente à mon visage, pour un regard qui ne quitte pas la demoiselle un peu trop curieuse sur l’origine de cette lettre présente sur mon badge. Sans doute est-elle stressée par ce qu’elle semble avoir l’envie de me donner, mais c’est cette emprise qui a le dessus sur elle, qui ne lui laisse pas le temps de me permettre de lui répondre, qu’à nouveau elle reprend la parole, pour une toute nouvelle question. « Vous n’auriez pas un père qui avait pour nom de famille Millers…? » Un père, elle est réellement en train de me parler de mon père ? C’est quelque chose que j’ai bien du mal à croire, quarante années passées et jamais je n’ai entendu parler de l’homme qui est mon géniteur. « Pourquoi ? C’est comme ça que s’appelait votre père ? » Je ne suis pas connu pour être aussi accessible en termes de réponse pour des questions aussi personnelles, principalement parce qu’il m’est difficile de pouvoir dire clairement les choses, je ne sais absolument rien de mon père. Mes iris sont posés sur la demoiselle qui est devant moi, alors que je pose mon café sur le côté, laissant un léger sourire, avec cette pointe d’arrogance, se présenter à mon visage. « Si vous cherchez la trace d’un frère, vous ne vous adresserez pas à la bonne personne. Si on vous a donné mon nom, la personne qui vous dit cette information ou qui vous l’a écrit, c’est trompé. » Je ne suis pas connu pour être l’homme le plus diplomate de cette planète, je ne suis pas Shay Williams, si je ne fais pas preuve de cette arrogance qui me qualifie tant, je ne fais pas preuve de cette manière de tout observer en permanence, trouver des réponses en les cherchant à travers les réactions de Poppy, du moindre de ses gestes, de cette hésitation qui l’habite encore.

☽☽ Un : les démonstrations se plantent toujours. Et deux : La probabilité qu’elles se plantent augmente de façon exponentielle avec le nombre de personnes qui les regardent

Prendre son courage à deux mains.
@Shay Williams

Elle connaissait les lieux, ce n'était pas la première fois qu'elle faisait le chauffeur pour un cadavre. Poppy avait emmené avec elle son stagiaire. Ils se faisaient de plus en plus rares. Au moins, ceux qui étaient intéressés étaient des passionnés et cela était important pour la gérante. C'était à son tour de transmettre à la nouvelle génération. Donnant tous les papiers à l'agent de sécurité, elle s'enfonça dans les boyaux de l'hôpital avant de faire demi-tour, car prise d'un doute. Elle reverra donc sur ses pas en espérant que l'agent soit encore là. Ou pas. Et cela l'arrangerait : comme ça, elle n'aurait pas à faire la conversation. Ni à passer pour une idiote. Parce que oui, il y avait de grandes chances pour qu'elle se trompe et qu'elle doive survivre à l'humiliation. Poppy en avait vu d'autres heureusement.
La réaction de l'agent à sa question la rend perplexe. Cela lui apprendra à écouter son instinct. Elle n'attendit pas réellement la réponse de l'étranger. Elle sauta à pieds joints dans le malaise. Quitte à y être. Autant y être jusqu'au cou. Poppy n'était plus à ça près. Au point où elle était.

"Oui." Répondit-elle. Elle n'avait pas honte. "Un géniteur plus qu'autre chose." Corrigea-t-elle. Au moins la réponse était claire. Ni une, ni deux, Poppy se referma sur elle-même. "Merci S. Williams." Et elle repartit aussi rapidement qu'elle était venue. Il avait répondu à sa question.

De retour avec son stagiaire, elle récupéra le dossier et alla parler à l'accueil. Poppy rentra dans la morgue et vérifia le tag accrocher au pieds, puis ouvrit le reste du sac pour regarder la patiente. Une fois tout en ordre, elle parla avec le médecin pour savoir si Madame Brown avait des dents en or, prothèses, pacemaker : cela lui éviterait de potentiellement casser son crématorium. Les formulaires signés, il était temps de repartir. Le cadavre fut mis dans un cercueil faut en carton. La famille ayant respecté le souhait de la défunte. À dire vrai, Poppy avait rencontré cette femme. Elle avait elle-même choisi ce cercueil.

Laissant son stagiaire pousser le brancard, à la sortit l'agent était encore là. Poppy représenta les papiers et demanda - par politesse plus qu'autre chose : "Vous voulez vérifier ?" Beaucoup refusaient poliment. "Arthur, va chercher le corbillard et approche le en marche- arrière." Elle lui lança les clés et reporta son attention sur l'agent : une main sur le cercueil des fois qu'il bougerait ou serait volé. C’était sa responsabilité maintenant.

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« Oui. Un géniteur plus qu'autre chose. Merci S. Williams. » C’est le visage absent de toute émotion, que mes iris sont posés sur cette parfaite inconnue, à la recherche de son paternel, à la recherche de potentiel frère ou sœur dans son arbre généalogique. Se confronter à un Shay Williams qui a mis derrière lui, depuis bien des années, toutes marques d'affections à l’encontre de l’homme, qui a pris ses jambes à son cou, pour abandonner ma mère et sauter d’autres femmes, ont disparu des émotions que je suis capable de ressentir. Je ne suis pas agréable avec cette Poppy Crane, elle ne mérite sans doute pas que je lui coupe l’herbe sous le pied de cette façon, mais je ne serais pas cet homme à la réputation d'arrogance, si je l’avais accueilli à bras ouvert. « Mademoiselle Crane. » Ou bien madame, peu m’importe, de toute façon, je ne prends pas le moindre risque, alors qu’aucune alliance ne soit à son annulaire. Ce n’est pas quelque chose que je puisse dire en retour, pour qu’instinctivement mes doigts viennent jouer avec cette alliance que je ne peux me résoudre d’enlever, cela malgré le tragique décès de ma femme deux ans au par avant.

« Vous voulez vérifier ? » Une fois de plus, je suis dans la possibilité aujourd’hui de venir poster mon attention sur cette femme qui est en train de s’adresser à moi, je ne peux masquer ce sourire qui est en train d’étirer mes lèvres. Poppy Crane, cette femme qui a eu le courage de croire à ce que l’on soit de la même famille tous les deux, celle qui s’est retrouvée enfoui dans un malaise qu’elle n’a pu cacher, face au mur qu’elle s’est prise en retour. « Arthur, va chercher le corbillard et approche le en marche arrière. » A nouveau je tiens entre mes mains le dossier qu’elle a pris soin d’apporter avec elle, les différents formulaires lui permettant de venir retirer le corps de la morgue de l’hôpital, l’accord de la famille du défunt. « Vous m’avez déjà posé une question, c’est à mon tour désormais … » Une première prise de parole, que je suis en train d’accompagner, d’un tampon que je suis en train de mettre sur la première feuille du dossier qu’elle est venue me transmettre, confirmant la sortie de ce corps de l’hôpital. « Pourquoi vouloir retrouver des enfants que votre géniteur à pu avoir en sautant n’importe quelle femme à qui il a vendu du rêve, avant de se tirer ? » Une question qui met en suspend mon tamponnage, pour venir à nouveau porter mon regard sur cette femme qui a semblé me croire être son frère, quelle idée stupide. « C’est un pari risqué, c’est pas en les retrouvant que ça vous garantira d’avoir des frères et sœurs. » Bien évidement, il y a des gênes de mon père qui sont en train de couler dans mes veines, sans doute doit-il y avoir d’autres enfants à lui au sein des états-unis, mais c’est une partie de moi qui n’existe pas, je porte probablement ses gênes, mais je n’ai pas la moindre chose de lui, je ne suis rien de lui.

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Prendre son courage à deux mains.
@Shay Williams

Ne cherchant pas à en savoir plus sur cet homme, elle partit sans demander son dû. Pourquoi continuer à poser des questions ? Il ne semblait pas enclin à lui répondre. Refroidit par toute la situation, Poppy était retournée à ses occupations pour mettre derrière elle ce qui venait de se passer. Il avait mieux pour tout le monde. Dans des gestes et paroles mécaniques : elle fit les démarches nécessaires pour récupérer le corps de Madame Brown, pour commencer le processus et suivre les directives funéraires de cette dame. Dehors, elle demanda à son stagiaire d'aller chercher le véhicule mortuaire et en profita pour demander à l'agent qui l'avait envoyé sur les coquelicots s'il voulait également vérifier le contenu du cercueil. Sa voix est distante professionnelle. On ne la connaissait pas pour faire deux fois la même erreur.

Arquant un sourcil, Poppy passa en revue dans sa tête toute la paperasse : rien ne devait manquer pourtant. En le voyant mettre le premier tampon, elle souffla de soulagement même si cela n'était que de courte durée. "Qu'est-ce que ça peut vous faire ?" Répliqua-t-elle : "Vous avez été clair, vous n'avez rien à voir avec ça." Elle aussi savait être directe, mimant souvent le comportement de son interlocuteur. Un mécanisme de défense prit durant son enfance pour survivre dans un monde inconnu pour elle. "Je n'ai pas besoin de famille. J'en ai déjà une et des amis." Poppy sortit un paquet de chewing-gum et en glissa un entre ses dents. Cela lui évitait de trop fumer. "Mais savoir qu'on n'a pas été les seuls à avoir été abandonnés est une pensée réconfortante." Pour elle tout du moins. Faisant signe à Arthur, elle le guida dans sa marche arrière laissant l'agent finir son travail tout en gardant un œil sur le cercueil. Le coffre ouvert, elle reporta son attention sur S. Williams. "Tout est en ordre ? Ou vous avez autre chose à demander."

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« Qu'est-ce que ça peut vous faire ? » Je ne peux masquer ce sourire qui est en train de prendre place sur mon visage, un sourire amusé qui est en train d’étirer les traits de mon visage, mais surtout un sourire enfantin, un peu comme si je viens tout juste de parvenir à atteindre la croque mort. « Vous avez été clair, vous n'avez rien à voir avec ça. » Nous sommes bien loin de l’hésitation qu’elle a pu avoir en venant m’aborder tout à l’heure, désormais elle se trouve dans une tentative de défense en utilisant l’attaque, exactement le genre de situation qui me plait, sur laquelle je prend un malin plaisir à intervenir, pour preuve, j’en viens arrêter de tamponner les dernières feuilles restantes. « A moi ça ne peut rien me faire, c’est vrai. A vous par contre, ça vous permettrez d’arrêter de protéger incessamment la petite fille, pour ne pas qu’elle se sente atteinte encore plus qu’elle ne l’est déjà. » Au vu des premières informations que je peux avoir au sujet de Poppy Crane, nous avons une enfance similaire, son père, comme le mien, n’a pas répondu présent à ses devoirs, il a brillé par son absence, mais elle semble n’avoir jamais été en mesure de passer au dessus ou alors vient-elle de le découvrir. « Je n'ai pas besoin de famille. J'en ai déjà une et des amis. » Je ne peux empêcher mes iris de se poser à nouveau sur elle, de concentrer pleinement mon attention sur elle, de l’écouter attentivement, de me concentrer sur chaque mots qui peuvent sortir de sa bouche, parvenir à mes oreilles. « Mais savoir qu'on n'a pas été les seuls à avoir été abandonnés est une pensée réconfortante. » C’est un passé similaire que nous avons en commun par rapport à celui qui n’a pas été notre père, malgré qu’elle pense que l’on puisse partager le même géniteur, ce qui me semble toujours absurde, mais nous ne vivons pas le présent de la même manière, nous n’avons pas les mêmes attentes. « Vous en avez rien à faire, ça j’en ai conscience, mais je vais vous le dire quand même. » Loin d’être une excuse suffisante pour arrêter l’ancien profiler que je suis depuis toujours. « Ne vous concentrez pas sur la pensée réconfortante de ne pas être la seule, concentrez vous sur votre famille et vos amis, avant qu’il ne soit trop tard, sinon vous passerez chaque seconde de votre vie à regretter de ne pas l’avoir fait. » Un conseil sur lequel je ne peux pas être le plus sincère, un conseil que j’aurais sans doute pas plus écouté il y a quelques années en arrière, mais que j’aimerais pouvoir mettre en action aujourd’hui, j’aimerais avoir cette chance de pouvoir apprécier la présence de ma famille à mes côtés. « Tout est en ordre ? Ou vous avez autre chose à demander. » Elle ne semble pas décidée à rompre sa méthode de défense en jouant de l’attaque, sans doute cette méthode à tendance à marcher habituellement pour elle, mais je suis bien loin de suivre le chemin qu’elle m’indique. « Tout est en ordre. » Une affirmation que je suis en train de lui donner, alors que je suis en train d’apposer le tout dernier tampon, avant de venir lui rendre les feuilles dont elle a besoin, de garder celles qui reviennent de droit à l’hôpital, ne cherchant pas à la retenir, j’ai la certitude au fond de moi, que je n’en ai pas besoin, elle va revenir d’elle-même.

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