Voici deux années que toute une vie est en train de me glisser entre les doigts, sans que je ne sois en mesure de pouvoir reprendre le contrôle de la situation. Non, ce n’est pas un rêve, c’est exactement ce que je ressens, Shay Williams, l’arrogance en personne est dépassée par la totalité de sa vie. Je ne suis plus ce profiler aux prouesses qui pardonne ses excès de confiance, de part ces coups qui lui permettent toujours de mener une danse improbable, cet homme ce n’est plus moi, je n’ai plus réellement l’impression de l’avoir été un jour. Je ne suis que l’ombre d’un homme qui fut pendant trop longtemps autant admiré que exaspérant auprès des fédéraux américains, une ombre qui est en train de lancer au travers de la pièce dans laquelle je me trouve, cette bouteille d’alcool que j’avais il y a encore quelques secondes dans ma main. Il ne faut pas longtemps pour que l’impact avec le mur ne vienne créer de nombreux morceaux de verres qui sont en train de voler en éclat, sans doute une merveilleuse vidéo au ralenti, avec l’alcool s’envolant, que je n’ai pas pris soin de venir avaler. J’ai comme l’impression de devenir un homme complètement fou, je ne peux m’empêcher d’apporter mes mains à mon visage, de passer mes doigts dans mes cheveux et de les agripper, alors que je tombe sur le sol de mon loft. Ce logement qui est devenu le mien, mais qui manque cruellement de personnalité ou encore même de vie, parce que ce n’est pas uniquement le décès de ma femme qui a réussi à renverse cet homme qu’on a tant de fois prévenu de se méfier, c’est également la lourde absence de mon fils. Je ne peux pas contrôler les larmes qui sont en train de couler, je ne peux pas contrôler ces râles de pleurer que je suis en train d’expulser de mon corps, sans pour autant apaiser ma souffrance. Je suis le père d’un adolescent, en plein dans la découverte du monde des adultes, qui n’a pas la chance d’avoir son père à ses côtés, qui est en train de vivre quelque chose sans que je ne puisse l’aider. Je suis responsable de la mort de sa mère, il est impossible à ses yeux de pouvoir me pardonner, sans doute est-ce son avis à mon sujet qui m’empêche depuis vingt-quatre mois de parvenir à obtenir à nouveau la garde de mon enfant, de retrouver un semblant d’une famille brisée à jamais.

« Ooooh … » C’est dans un profond grognement que je suis en train de m’exprimer, alors que j’apporte ma main à mon visage, ressentant les effets d’une gueule de bois étrangement plus légère qu’habituellement. Je peux sentir cette douleur montrer sa présence en cognant doucement contre mon crâne, laissant les secondes défiler sans que je ne sois pour le moment capable de réaliser que je ne me trouve pas dans mon loft, je ne suis pas chez moi et je n’en ai même pas conscience. C’est avec l’absence de souvenir que je suis en train de me réveiller, que je suis en train d’ouvrir les yeux, pour réaliser doucement que la pièce dans laquelle je me trouve ne se trouve pas chez moi, que je suis dans un lieu complètement inconnu. « J’suis où ? … » Une question que je ne peux m’empêcher de prononcer à haute voix, alors que je viens prendre appuis sur mes coudes, pour me relever légèrement, sans doute qu’en prenant de la hauteur, la totalité de cette pièce va reprendre l’apparence de ma chambre, pourtant, rien ne change, chaque meuble reste à la même place, aucun ne semble avoir la moindre ressemblance avec les miens. « Naya ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Une question que je ne peux contrôler, qui franchis la barrière de mes lèvres, alors que mes yeux sont posés sur elle, sur cette femme qui vient tout juste d’entrer dans cette chambre, avec son allure de séductrice. « Ou … Qu’est-ce que je fais là ? » C’est une question qui mérite des réponses, je n’ai pas le moindre doute, je ne me trouve pas dans mon loft et je vais avoir besoin de comprendre comment est-ce que j’ai pu me retrouver dans cette chambre, en présence de celle avec qui je ne peux m’empêcher d’entrer dans un merveilleux monde de séduction permanente. La réalité c’est qu’après mon coup de sang, après mes sanglots, je suis venu rejoindre Naya avec la ferme intention de ne plus penser à mon passé, de ne plus lui laisser la possibilité de penser à son passé, simplement de profiter des heures qui se trouvaient devant nous.