@Mikey Chinen

Il y a toujours ce poids dans sa poitrine, quand la nuit laisse place au jour, comme si les ombres recelaient plus de danger. Mais le brun sourit, comme à son habitude. Seul le mouvement involontaire, un peu saccadé de ses mains, de ses pieds est un signe. Il n'est pas si facile à lire que cela. "Cling click cling". Les perles colorées à ses poignets, voila une douce musique, rassurante. Il est en vie, il respire, et pourtant, n'est-ce pas ce souffle qui lui broie les côtes, cette boule qui refuse de s'en aller. Il prétexte une fatigue extrême, va même jusqu'à s'étirer comme un gros chat, étirant sa colonne, faisant craquer ses doigts avec le flegme qui peut parfois le caractériser, alors qu'il s'échappe, avec l'agilité d'un petit courant d'air. Feu follet disparaît dans sa chambre sans que Bertrand ne se pose plus de question que cela. L'aîné du groupe -du moins en apparence, parce que n'allons pas nous mentir, Mallory, bien que sensiblement du même âge, fait extrêmement jeune, ne serait-ce qu'avec son vernis vert canard, ses barrettes en forme de dinosaure dans les cheveux, mais après tout, l'âge est un sujet tabou-.

Le jeune homme ferme précautionneusement la porte. Parfois, son passé le rattrape, bouffée toxique. Il se rappelle de la moindre procédure, de la manière de se désinfecter les mains, de la manière de faire des points avec une rapidité et une efficacité incroyable. Il aurait pu être bon, si il avait eu les épaules. Il aurait pu apporter la fierté à sa famille. C'était ce que son père avait dit et répété, le jour où il s'était ramené à la maison avec la mine basse. C'est ce qu'il n'avait cessé de répéter jusqu'à ce que Mallory se barre, prenne ses distances, pour espérer survivre, et vivre, surtout. C'était une bouffée d'oxygène, cette vie qu'il s'était créer. Mais parfois... Oh parfois ses vieux démons revenaient à la charge, avide, les bras de plus en plus longs. "ça va aller." Qu'il se murmure alors qu'il fouille d'une main tremblante. "Tout va s'arranger." Qu'il marmonne alors qu'il trouve finalement cette vieille boîte de clope en ferraille, et qu'il en extrait un joint roulé par ses soins. Il ouvre la fenêtre de sa chambre, s'installant sur le chambranle de sa fenêtre, l'allumant avec un zippo argenté sur lequel un petit papillon est gravé. L'odeur tubéreuse est toujours la même.

Si quand il était adolescent, il crapotait cette merde pour faire comme tout le monde, bien vite, les problèmes d'adulte l'ont séparé de cette vision festive, de ces fous rires entre amis, de ces soirées passés autour d'une pizza, d'un vieux nanard débile, et d'un joint qu'on se passait autour de la table. C'était moins dangereux que les soirées ouijas qu'ils avaient essayés de mener. Aujourd'hui, c'était vitale, semble t-il, pour libérer ses poumons, pour, paradoxalement, lui permettre de reprendre son souffle, confectionner à nouveau ce masque, cette protection derrière laquelle il se glissait. Il ne savait pas pourquoi il se planquait, comme un gosse qui avait peur d'être pris sur le fait. Peut être parce que c'était avouer une faiblesse, une épine qui se frayait un chemin sous sa carapace parfaite. Sortant de sa chambre, son plaid sur les épaules, il relève le regard, manquant d'emboutir un de ses colocs.

"Mik, mon petit chat, tu ne dors pas ?" Que tu lances, avec le sourire habituel, celui qui te faisais ressembler à un petit soleil. Et peut être que si tu y ressemblais assez, tu en deviendrais intouchable, tu pourrais te défaire de ces foutus souvenirs. Il avait toujours cette allure calme et sereine, après avoir consommé, comme si il avait entamé un étrange voyage, comme si il était à la fois présent et absent, dans ce constant entre deux qui peut parfois déchirer le corps. La distance était la clef.