I won't take the easy road - Flea

Elle terminait tôt aujourd'hui, simplement qu'elle n'assurait pas le shift du soir pour une fois. Il était 18h et elle déposa l'argent récolté sur le comptoir de la caisse, indiquant au responsable qu'elle quittait. Discrètement, elle se faufila ensuite en cuisine, question de quémander une pizza gratos, comme elle avait l'habitude de faire pour réjouir quelques potes ou se remplir l'estomac elle-même. La plaçant soigneusement dans un carton, elle récupéra son sac au vestiaire, puis elle quitta le restaurant par la porte de derrière. Une casquette sur la tête, palette par-derrière, elle monta à bord de sa voiture de livraison. Celle-ci lui servait de véritable voiture depuis toujours et ça lui allait de ne pas payer l'entretient du véhicule. Mason déposa la pizza encore fumante sur le siège passager, avant de reprendre la route. Elle avait déjà une petite idée de qui visiter en cette fin de journée. Allergique au silence, elle alluma bien vite la radio, montant le son jusqu'à un décibel suffisant pour couvrir sa voix si elle chantait. " I don't know if I'm scared of dying but I'm scared of living too fast, too slow " L'air imperturbable, la brunette se faufila entre les voitures présentes sur la route, détestant devoir attendre derrière ceux qui n'étaient pas foutus d'avancer et qui se déplaçaient en touristes égarés. " I try not to hold on to what is gone, I try to do right what is wrong. I try to keep on keeping on " Oh allé putain de merde, c'était quoi cette folie de la lenteur? Elle poussa un soupir exaspéré, avant de prendre un raccourci en direction du cimetière, la destination la moins visitée de la ville. « I won't take the easy road » Et une petite claque sur le volant au passage pour suivre le rythme. Apercevant finalement sa destination, elle ferma la radio pour de bon, avant de se garer sur la rue. Vêtu d'un jeans troué et d'un hoodie mauve, Mason enfila son sac à dos remplis de bombe de peinture, puis elle attrapa en vitesse le carton de la pizza. D'un mouvement du pied, elle claqua la portière, puis traversa la rue en coup de vent.

Et ouais, elle rendait une petite visite au type le plus louche du coin, monsieur gardien du cimetière lui-même. Sans trop porter attention aux pierres tombales qui jonçaient le sol comme une macabre décoration de terrain, la rebelle chercha du regard la silhouette de Flea. Il ne devait pas être bien loin de toute façon. Certes, elle n'avait pas pris la peine de l'informer de sa venue, mais elle savait qu'en s'invitant avec une pizza, il y avait peu de chance pour se faire jeter dehors. C'était après tout l'avantage numéro un de son job. Son pied écrasa soudainement une rose fraîche, lui arrachant un grognement au passage. Qu'est-ce que... putain de merde. C'était quoi cette idée de balancer des roses aux morts? Qu'est-ce qu'ils en avaient à foutre des fleurs anyway! Elle reprit aussitôt sa route, jusqu'à enfin trouver ce qu'elle cherchait. « Hey! Ouais toi, l'gars super louche » Mason étira un large sourire en guise de salutation, avant de tendre son offrande au watcher des morts. Une bonne pizza toute garnie. « Au fait, c'est ton vrai nom ça, Flea? » Bha quoi, elle s'était toujours posé la question. Armée de sa franchise habituelle Mace posa ses fesses sur un banc. « T'as faim j'espère » D'un geste habile, elle ouvrit le carton sans plus attendre, fière de ce qu'elle lui apportait. D'ailleurs, elle comptait bien en manger elle aussi. « Il est creusé l'trou de Vinnie? Parce qu'il cherche sa mort ces temps-ci j'te jure, une plaie » Mais bien sûr qu'il était son ami! Pas le droit d'en douter, okay? Elle plaisantait merde! Un peu d'humour noir ne tuait pas personne. Un sourire mesquin aux coins des lèvres, elle mordit dans une pointe encore chaude, appréciant ce goût familier en bouche. Hummm le bon gout d'la connerie, heu d'la pizza ouais.

C'était vêtu d'un pantalon à rayures verticales et d'un débardeurs à carreaux que Flea terminait de creuser la tombe dont il avait eu pour mission de creuser. Demain, un enterrement aura lieu ici et il valait mieux préparer le terrain à l'avance. Il ne restera plus qu'à y insérer la boite en bois contenant le macchabée, une cérémonie et l'affaire était réglée. C'était assez triste quand même, quand on y pensait. Il avait participé à un nombre incalculable de cérémonie d'enterrement depuis qu'il avait commencé à bosser dans le milieu, attendant sur le côté, vêtu de noir et à peu près bien correctement, il y en avait eu qu'une qui l'avait assez atteint au cours de sa vie. Celle de sa tante. Même s'il s'était plu à croire qu'il ne l'avait plus sur le dos désormais, toujours était-il que sa présence omniprésente autrefois avait soudainement disparue et que forcément, ça ne l'avait pas laissé indifférent. Lorsqu'il avait vu son cerceuil descendre dans le trou, il l'avait fixé avec attention, réalisant qu'un jour, ce sera son tour. Enfin... différement, parce que lui souhaitait se faire incinérer. De la poudre à jeter dans un champs et on n'entendait plus parler de lui. Il préférait disparaitre en poussière plutôt que d'être jeté dans la fosse commune comme un miséreux et être totalement oublié de tous. C'était humiliant, selon lui. Alors que lorsqu'on était de la poudre, au moins, il ne restait plus rien. On disparaissait pour de bon, évaporé dans la nature, comme la moitié de la planète au coup de doigts de Thanos dans l'avant dernier film des Avengers. C'était plus poétique selon lui. Le fait de pourrir dans un cercueil l'avait toujours terrorisé d'ailleurs. Quand sa tante lui avait expliqué le principe, ça l'avait même dégouté. Il n'arrivait pas à concevoir l'idée de se désagréger peu à peu, sans parler des problèmes d'eau et d'insectes qui rendait la chose particulièrement dégueulasse. Bref, l'incinération était la solution idéale, c'était presque même étonnant que les gens ne se dirigeaient pas majoritairement vers ce principe là. Question de tradition, certainement.
Il venait de terminer et de se fumer une clope, le corps à moitié boueux, lorsqu'il entendit quelqu'un s'approcher. Il se tourna vers l a silhouette qui s'approchait mais il ne s'inquiéta pas. Elle avait une dégaine familière et même s'il la reconnut qu'après coup, cela ne l'empêcha pas de sourire lorsqu'il la vit le rejoindre. Elle, parce que c'était une fille, l'accueillit en le désignant comme le type super louche comme le faisait la majorité des habitants de cette ville et lui demanda au passage si Flea était son réel nom. Il prit expulsa une grande bouffée de fumer de sa cigarette avant de lui répondre.

"Ouais, depuis quelques années."

Il était vrai que c'était peu commun. Son prénom de naissance n'était pas le même, mais il avait fini par reconnaitre le surnom attribué de manière officielle un peu avant le décès de sa chère tante. Cette dernière avait même appuyé sur le dossier, argumentant que s'il avait été expulsé de son vagin et non celui de sa soeur, elle l'aurait appelé ainsi et qu'étant donné qu'elle l'avait eu à charge... Bref, longue histoire pour si peu, finalement. Lui, il en était ravi. C'était pas glorieux pourtant, mais le simple fait de s'appeler comme le surnom du bassiste des Red Hot, son groupe préféré (qu'il avait connu justement à cause de son surnom), suffisait à son bonheur.
Elle n'était pas venue seule, Mace. Il n'était pas surpris qu'elle avait apporté la meilleure chose que le monde avait pu inventer dans toute l'Histoire de l'humanité : La pizza. Ca sentait bon d'ailleurs. Il ignorait quelle en était sa composition, mais il s'en foutait, son estomac s'était réveillé tout seul tant l'odeur était alléchante.
Il fronça les sourcils, adoptant une mimique faciale bien à lui, pour lui répondre.

"A vrai dire, je n'ai pas faim, non. Je suis affamé." précisa-t-il. "On peut dire que tu tombes à pic, même si ça renforce mon image de sans abri. Mais après tout, où es le mal?"
Il secoua les épaules avant d'enfoncer d'un coup sec sa fidèle pelle dans le tas de terre à côté du trou creusé, de se frotter les mains dans l'infime tentative de les rendre un peu plus propre et de s'approcher de son invitée inattendue.
"T'aurais pas... une serviette, un mouchoir ou une merde dans le genre?" lui demanda-t-il. "J'vais me débarbouiller mais pas avant une première part. J'ai trop faim."
Il s'assit à ses côtés, laissant tomber d'un coup sec son corps sur le petit banc blanc qui ne servait pas à grand chose d'ailleurs mais qui était là car il devait certainement avoir une utilité. Pour les vieux peut être, à la limite.
Elle lui demanda ensuite s'il avait creusé le trou de Vinnie étant donné que ce dernier semblait chercher la mort ces derniers temps. Flea émit un rire, amusé avant de s'arrêter entre pour demander naturellement.
"Vinnie?"
Ce prénom lui rappelait quelque chose, autre que le nom très proche d'un célèbre Ourson de Disney, mais ça ne lui venait pas immédiatement.

Physiquement, en apparence seulement, il n'inspirait pas la confiance. Tout comme de son côté, elle inspirait aux gens cette image de petite crapule qui traîne dans les rues à la recherche des problèmes ou de passants innocents à qui voler leur portefeuille. Oh elle ne cherchait pas du tout à entrer dans le moule de toute manière. Très peu pour elle, l'image de l'étudiante universitaire en quête de son diplôme pour démarrer dans la vie ou encore l'image de la jeune entrepreneur engagée, débordante de motivation. Non merci. Les gens comme Flea et elle, ils avaient au moins le mérite d'être vrai et d'être fidèle à eux-mêmes sans chercher à plaire aux autres. Ils en avaient rien à foutre de ce qu'on disait à leur sujet. S'il voulait s'habiller comme un personnage sorti d'un film de Tim Burton, grand bien lui fasse. S'il se lavait ou pas, whatever. Il était gentil et à ses yeux, c'était suffisant. Puis son job au cimetière, elle trouvait ça cool. À son commentaire sur le fait qu'il passait sans doute pour un sans-abri, elle haussa les épaules. Meh. Qu'il le soit ou non, son offre de pizza gratuite tenait toujours. Tout le monde savait que Mason détestait les riches. Elle savait les flairer et les repérer de loin, question d'être bien certaine de les éviter comme la peste. Fuck les cuillères en or, ça ne l'intéressait pas. La richesse, c'était pour les pauvres esprits. « J'ai l'air d'une princesse p'être? » Une serviette ou un mouchoir? What? Elle ne venait pas de la haute, ni de chez les nobles. Désolé pour lui, mais elle n'avait pas vraiment songé à lui prendre un truc pour se laver les mains, qu'elle devinait être couverte de terre. Logique. Son regard passa rapidement de la pelle à lui, réalisant enfin la tonne de saleté poussiéreuse qui le recouvrait. Hum. Elle croyait que ça faisait partie du style de ses vêtements ou truc du genre. Qu'il se serve une pointe, sale ou non, ça lui éviterait la torture d'attendre...

La bouche pleine, elle leva les yeux de nouveau dans sa direction à la mention de Vinnie. Lui, son petit crétin d'ami qui n'avait pas manqué de lui raconter sa sortie au cimetière. Pour lui rafraîchir la mémoire, elle lui présenta une photo trouvée sur instagram, avant de la lui coller sous le nez. Ce Vinnie là, oui. « Si tu manques de corps à enterrer, j'peux aussi te proposer celui de Misha Kane » Mais ça, c'était une tout autre histoire. Et honnêtement, ça ne se racontait pas autour d'une pizza non. Ce serait beaucoup trop long à expliquer. Et puis de toute façon, la liste des pires crapules de cette ville était en constante évolution. Il n'y avait pas assez de terrain ici pour tous les foutres sous terre. Dommage. Un petit ménage ferait sans doute du bien. D'un mouvement du menton, elle désigna ensuite son sac à dos. « J'ai des bombes de peinture avec moi, j’espérais que t'ailles un petit mur vierge quelque part par ici qu'on pourrait décorer un peu » Autre que les nombreuses pierres tombales ennuyeuses du secteur. C'était trop petit pour en faire une œuvre de toute manière. Miss Mason adorait dessiner, mais son vrai truc à elle, c'était le street art. Encore une fois, tout le monde le savait, ou presque. Les flics le savaient en tout cas, au nombre de fois qu'elle s'était fait arrêter injustement pour vandalisme. Putain de merde sérieux. Elle faisait de l'art, pas du vulgaire vandalisme! Non seulement elle évoluait dans un monde qui ne voulait pas d'elle, mais en plus de ça, son unique talent était réduit à un acte criminel. C'était franchement lourd parfois. Mais le mouton noir de la meute avait toujours plus de fun que l'reste du troupeau, c'était connu. Avalant la croûte de sa pointe (on ne gaspille rien, merci bien) elle poursuivit d'un ton toujours aussi tranquille et détaché. « Tu fais quoi de toute façon après le boulot, hum? » Est-ce qu'il avait des hobbies? Ou des vices, peut-être. Sûrement rien qui pouvait réellement la surprendre. Avait-il un autre boulot, de la famille, une petite amie? Elle n'en savait rien.

Cela faisait depuis longtemps que Flea avait appris à se passer de l'opinion des gens sur lui. S'il s'en préoccupait, il aurait gâché sa vie tant il y avait de chose à dire. Mais comme il avait prit l'initiative de vivre comme bon lui entendait, il avait fini par ne pas en tenir compte. Toutes les piques sur son apparence et comportement, il les envoyait promener. Il connaissait ses valeurs, l'opinion des autres l'importait peu. Cela dit, ce petit côté libre et indépendant pouvait aussi séduire. Mine de rien, il était plus sociable. Enfin, pas trop. Il n'aimait pas les gens, mais il ressentait quand même le besoin d'avoir du monde autour de lui pour ne pas mourir d'ennui et de solitude. Et puis mine de rien, un peu de compagnie, c'était tout de même agréable. Comment pouvait-on réellement s'amuser seul? C'était kiffant le temps que ça durait mais le plaisir était tout de même décuplé lorsqu'il était avec quelqu'un. Un peu comme le sexe, finalement.
Il émit un rire lorsque Mace lui demanda si elle avait l'air d'être une princesse. Il la dévisagea du regard, un sourcil arqué, et secoua les épaules.

"Cela dépend de quoi, mais du coup, oui." finit-il par répondre. "Après tout, les filles ne sont elles pas toutes des princesses?" lui demanda-t-il alors en tournant la tête vivement vers elle, curieux de la réponse. "Vous avez quatre heures."

En tout cas le repas qu'elle avait apporté était délicieux. Flea aimait la pizza, elle faisait parti de ses mets récurrents. Rares étaient les fois où il les faisaient lui même - entre autre parce qu'il ne possédait pas de four - mais quand il était tard et qu'il avait la dalle, sentir l'odeur suffisait à le faire céder. C'était aussi le plan parfait lorsqu'il n'avait pas envie de préparer la popotte.
En tout cas, Mace lui présenta la photo du jeune homme qu'elle baptisait Vinnie. Aussitôt, le souvenir de sa rencontre avec cet énergumène lui revint en tête et il poussa un soupir désemparé.
"Ah oui, lui. Comment j'ai pu oublier son prénom d'ourson" exprima-t-il le regard perdu droit devant lui, toujours dans son souvenir. Puis il tourna la tête vers Mason. "Tu le connais? Remarque, ça m'étonne même pas vu le phénomène. Tout comme ça ne m'étonne pas que tu me demandes si son trou est creusé."
Il eut une expression amusée à l'idée de creuser la tombe de l'ourson maléfique en question puis elle ajouta que s'il cherchait des corps à enterrer, elle lui suggérait le nom de Misha Kane. Il manqua de s'étouffer en mangeant le reste de sa part.
"Hey, j'suis fossoyeur moi, pas tueur à gage. Je choisis pas qui j'enterre, et heureusement pour l'humanité d'ailleurs. Déjà, rien que la quasi totalité de la ville serait six pieds sous terre" rétorqua-t-il avec l'air de s'être perdu dans un fantasme. Heureusement qu'il avait pas mal tourné car il aurait fait un excellent tueur en série. Par moment, ce choix de ne pas suivre la voix du mal était un regret, mais le meurtre et l'idée d'être poursuivi n'était pas quelque chose qui l'excitait.
En tout cas, Mace lui signala qu'elle avait apporté des bombes de peinture et lui proposa de trouver un petit mur tranquille aux alentours pour exprimer leur talent artistique. Flea se frotta les mains après avoir terminé sa part et secoua la tête pour faire comprendre qu'il était séduit par cette idée. Il avala avant de répondre :
"Y'a le mur de la chapelle en face, blanc soyeux, qui ne demande que ça" répondit-il du tac au tac. A chaque fois qu'il venait ici il passait devant et à chaque fois il se demandait comment ça rendrait s'il faisait exploser des barils de peintures dessus et donner l'illusion qu'il ait été désigné par Desigual. Il sortit une petite boite en fer qui enfermait une petite panoplie de joint qu'il avait préalablement et soigneusement roulé. Il en tendit un à son amie avant d'allumer le sien.

"Rien du tout. De toute façon, j'ai fini ce que j'avais à faire" répondit-il lorsqu'elle lui demanda ce qu'il avait à faire après le boulot. "Ca fait longtemps que tu planifies cela ou tu t'es levée ce matin en te disant que c'était une bonne idée?" l'interrogea-t-il, réellement curieux. Il aimait cela, les gens qui avait l'envie de vouloir se faire remarquer en cassant les codes, en provoquant. Il en faisait partie après tout.

Elle aimait bien dire à qui veut bien entendre oh combien elle avait mauvais caractère et qu'elle était insupportable. De cette façon-là, les gens n'avaient pas d'attente envers elle. Pas que ça lui posait problème de décevoir quelqu'un, mais depuis qu'elle était kid, elle avait appris à se débrouiller par elle-même et à ne compter que sur elle-même. Aucune maman, aucun papa, littéralement, elle n'était personne. On l'avait juste balancé dans le système à l'âge de 3 ans espérant ainsi lui offrir une belle vie loin des problèmes et de la criminalité. Une famille d’accueil par ici, une autre par là... on ne pouvait pas vraiment dire qu'elle en avait quelque chose à chier du terme famille. C'était elle sa famille et c'était un sort qu'elle avait appris à accepter avec le temps, jusqu'à s'en détacher totalement. Il y avait pire que ça dans la vie après tout. Et surtout, elle avait fait le choix de ne pas être une victime. Malgré sa tendance à vouloir repousser tout ce qui s'approchait un peu trop près d'elle, Mason avait malgré tout développé de nombreuses amitiés. Peut-être une manière de se reconstituer un semblant de famille, qui sait, ou juste parce qu'elle n'était pas aussi mauvaise et méchante qu'elle aimait le faire croire. C'était chiant à dire, mais elle avait quelques qualités. Très loyale, à l'écoute, observatrice et un peu trop protectrice par moment. Elle n'hésiterait pas à se mettre en danger pour un ami. Ça sonnait très noble dit ainsi, mais en vérité, sa peur terrible de l'abandon prenait le dessus sur la logique de quoi faire ou ne pas faire dans certaines situations. Perdre un proche serait juste trop difficile à encaisser.

Flea, de son vrai ou faux prénom (parce qu'au fond, à part être curieuse, la réponse lui importait peu) était le portrait craché du mec qu'on évite généralement de fréquenter. Un outsider, si on peut dire. Peut-être parce qu'une tonne de gens était mal à l'aise vis à vis de la mort. Après tout, il bossait comme fossoyeur. Rien qui ne lui fasse peur à elle. Qu'est-ce qu'il y avait à craindre des morts anyway? Qu'ils se réveillent? "Après tout, les filles ne sont elles pas toutes des princesses?" Okay. Il était malin oui. Elle haussa les épaules, la bouche pleine de pizza. Son regard se tourna vers le trou fraîchement creusé. Il devait être en forme avec ce genre de boulot, n'empêche. Pas besoin d'aller au gym. À la mention du nom de Vinnie, elle hocha la tête. « C'est mon ami » Elle blaguait en disant qu'elle aimerait l'enterrer, ce serait en blague si ça avait lieu un jour mais bref. « Insupportable, mais pas méchant » C'était sa façon à elle de le décrire. Après tout, il était aussi amusant et attachant, comme un petit chien. Un sourire mesquin étira ses lèvres à cette pensée. « Okay je note, pas tueur à gages alors » Décevant, mais ça valait bien le coup de le demander. Elle aurait pu lui fournir un genre de liste de gens à punir. Par chance, il était prêt à la laisser faire de la peinture sur son lieu de travail et ça, c'était vachement une bonne nouvelle. Elle leva les yeux dans sa direction, apercevant tout à coup le joint qu'il lui tendait comme s'il s'agissait d'une réglisse inoffensive. Hum. Free stuff. Autant le prendre, mais elle le glissa vite dans la poche de sa veste. Pour plus tard. La brunette récupéra ensuite son sac à dos qui contenait la peinture en aérosol. Elle se leva ensuite, avant de répondre à sa question d'un ton détaché. « Je me lève tous les jours avec ce genre d'idée » Ou comme elle aimait dire à Vinnie, elle était le cerveau, lui les bras. « Sauf que les flics considèrent ça comme un trouble à l'ordre public ou shit de ce genre. Ils n'ont aucun humour et très peu de goût en matière d'art »

Sans plus attendre, elle prit la direction de ce fameux beau mur blanc bien soyeux. « Tu viens? » Il pouvait toujours apporter la pizza s'il avait encore faim. Se faufilant entre quelques pierres tombales, elle s'arrêta une fois face à sa toile vierge. Lentement, elle en calcula mentalement la largeur et la hauteur. Hum. Pas mal du tout. Flea avait frappé dans le mile. D'un petit air sérieux, elle posa les mains contre ses hanches, réfléchissant rapidement à ce qu'elle pourrait bien y peindre. Les possibilités étaient infinies après tout. « Tu crois que ce serait trop cliché de peindre la Faucheuse? » Cette grande faucheuse, personnage célèbre lorsqu'il était question de mort. « En version moderne, genre hoodie coloré, des souliers Nike aux pieds et au lieu d'une faux, pourquoi pas un téléphone portable. Question de faire quelques selfie avec ses victimes » Et oui, elle venait d'inventer ça, là maintenant. La grande faucheuse en mode influenceur. Why not. Il avait peut-être un compte instagram ou facebook, qui sait. Mace déposa son sac à dos, avant d'en sortir les bombes de peinture. « Tu sais faire? » Elle leva les yeux vers lui, voulant bien entendu le faire participer. Question de partager le plaisir, ce serait plus juste. « J'te montre sinon » La seule chose qu'elle ne pouvait pas lui apprendre, c'était le talent en dessin. Le sien était presque inné, de mémoire. Elle adorait dessiner depuis toujours. Son imagination débordante pouvait ainsi avoir un sens. Et son sens de l’humour bizarre. « Mon humour choque uniquement les vieilles Karen de toute façon...» Pourquoi s'empêcher de s'amuser dans ce cas-là, hum? Une simple peinture ne pouvait pas tuer.

Il avait beau le dire et le penser, c'était vrai. Le monde était petit, surtout dans une ville comme celle ci. Tout le monde, ou presque, se connaissait. D'où la légitimité de la question qu'il avait posé à un Vinnie bien trop défoncé et énervé à la fois pour répondre, lorsqu'il lui avait demandé comment cela se faisait qu'ils ne se connaissaient pas. Mais, cela arrivait quand même, en particulier quand il s'agissait de mioches de riches. En effet, le monde dans lesquels ils vivaient étaient tellement différents que les probabilités pour qu'ils se rencontrent ou entendent parler l'un de l'autre étaient très faibles. Flea était reculé du monde. Seul depuis deux ans, dans son mobil-home à l'entrée (ou la sortie?) de la ville, il était bien. Tranquille, sans personne pour venir l'emmerder. Même son lieu de travail n'était pas dans le centre même de la ville, ce qui lui permettait d'éviter de rencontrer trop de monde. Ses anciens boulots, il s'en souvenaient. Tous voués à l'échec. Triste résumé de sa vie, d'ailleurs. Et son boulot actuel, sans l'aide de Poppy, il était certain qu'il l'aurait perdu également. Flea n'était pas fait pour ce monde. S'il avait pu, il aurait réellement vécu en ermite, rejoignant la civilisation uniquement pour chercher à manger lorsqu'il ne pouvait ne pas se démerder lui-même. Il n'était pas sur le point d'être Mowgli ou Tarzan, mais par moment, il enviait fortement cette vie-là. Mais malheureusement, il n'a pas été élevé par un loup ou un gorille, mais plutôt par par un Ours humain ou du moins, dans le même tempérament. Et ça n'était pas tellement la meilleure chose qui pouvait arriver à un enfant, loin de là. Il lui était arrivé de s'être demandé comment aurait été sa vie si ses parents avaient été encore en vie. Il n'avait jamais vraiment entendu parler d'eux, son ours de tante n'étant pas dans la grande sensibilité. Memories are nice, but that's all they are. Dans un sens, c'était pas plus mal ainsi, son rapport à l'attachement étant différent que s'il avait été élevé dans un foyer réellement aimant. Ca l'aidait à se préserver, d'une certaine manière. Ca ne l'empêchait pas d'avoir des liens plus ou moins profond avec des gens d'ici. Par exemple, Mason. Il l'aimait parce qu'elle lui apportait des pizzas chaudes, mais en discutant avec elle, il voyait en elle quelqu'un dont la compagnie était agréable. Elle semblait avoir vécu des dingueries, elle aussi et bien qu'il ne la connaissait pas en profondeur, la surface lui convenait. Peut être que ça changera à l'avenir, peut être qu'ils allaient renforcer leur amitié, ou peut être la détruire. Même s'il ne voyait pas comment, cette éventualité n'était pas à exclure. Toutes personnes que l'on s'autorise à entrer dans nos vies sont des personnes dont on prend également le risque de perdre. Ca, il l'avait bien retenu. A la mort de sa tante, il avait fait mine d'être particulièrement heureux. Au fond, sa présence lui manquait, même s'il était beaucoup trop fier pour l'admettre. Passant d'un foyer avec quelqu'un à complètement seul, cela changeait pas mal de chose : les habitudes en tout premier, la façon de penser, la façon de se tenir à l'écart de ce genre de chose... En présence de quelqu'un, on est plus fort. Seul, on est déjà plus vulnérable.

Lorsque Mason avait parlé de Vinnie, l'étrange énergumène qui avait croisé sa route il y a quelques jours peu après Halloween, elle lui expliqua qu'ils étaient amis. Elle précisa juste après qu'il était peut être insupportable, mais pas méchant. Flea roula des yeux sur les côtés, se remémorant leur rencontre.
- Nah, c'est sûr, il n'est pas comme moi, assura-t-il en faisant mine d'auto-désirion. "Il est bien plus sensible, plus humain, qu'il ne le laisse paraître. Petit... voyou des bacs à sable." Il exprima un rire pour ponctuer sa phrase alors qu'il avait la réminiscence de sa rencontre avec.
Lorsqu'elle évoqua d'autres noms de personne à enterrer, il lui avait fait un rappel sur son métier. Elle prit note de cela. Flea n'était pas un tueur à gage. Non. Cela dit, l'idée lui aurait plu s'il savait tuer. Mais l'idée même de le faire... ne l'enjaillait pas. Ca pourrait, pourtant, mais non. Jamais, il n'avait tué qui que ce soit. Physiquement en tout cas. Parce que dans sa tête, il y avait bien des gens qu'il avait abattu des centaines de fois. Et lors des enterrements, lorsque ces derniers mourraient réellement, il ne pouvait s'empêcher de regarder le cercueil descendre six pieds sous terre en contenant très mal son enchantement. Sales pourritures.

L'ambiance changea quelque peu. Il venait de terminer sa seconde part de pizza quand Mason avait proposé un atelier peinture original et imprévu. Une idée qui le séduisit aussitôt. Il connaissait plus d'une personne qui ne serait absolument pas ravie par cela, mais elles n'étaient pas là pour le moment. Certes, il était évident qu'il serait le premier que l'on soupçonnerait - et à juste titre - mais l'idée était beaucoup trop tentante pour passer à côté. Il se voyait déjà avec un sceau de produit et un balais à nettoyer toutes ses conneries, mais... cela ne valait-il pas le coup après tout? Les regrets, ce sera pour plus tard. Mason, quant à elle, fit remarquer que les flics n'avaient aucun humour en ce qui concernait l'art. Flea lui adressa un regard peu convaincu, arquant un sourcil tout en tournant la tête vers elle.


Qu'importe, la demoiselle avait commencé à bouger et se mettre à avancer vers la petite église pas trop loin d'eux. Flea se lécha le bout des doigts pour profiter au maximum de son repas, se débarbouilla une fois de plus pour être plus convenable, bien qu'au fond, cela ne soit pas vraiment nécessaire étant donné que l'activité à laquelle il s'apprêtait à se donner allait le salir à nouveau. Lorsqu'il rentrerait enfin après cette soirée animée, sa douche se mettra en PLS en le voyant franchir la porte de la salle de bain. Il la rejoignit dès lors, puis après hésitation, lui demanda si ça ne faisait pas trop cliché de peindre une faucheuse. Flea se mit à rire.
"T'es teeeeeeeellement gentille, princesse. Si seulement tu savais tout ce qui pouvait me passer par la tête et que je pourrais faire simplement pour provoquer l'énorme bad buzz national! Mais je crois que je vais éviter de laisser parler trop mon imagination, mes conneries pourraient vraiment me mettre dans la merde si je les écoutais. J'ai encore une vie à mener avant d'aller en prison."
Il se mit à réfléchir à sa future création. Quelque chose qui soit marquant, sans trop l'être pour les raisons énumérées. Pendant ce temps, la petite souris se mit à sortir ses bombes de peinture tout en lui promettant de voir comment se débrouiller.
"Je t'en prie, montrez moi Maitre Jedi de la peinture! Le padawan que je suis, à votre écoute est."
Il termina ses paroles par un grand sourire.

Son commentaire au sujet des flics la fit réfléchir quelques instants. Elle était la première à gueuler constamment contre eux, mais Flea semblait réellement parler par expérience, en connaissance de cause quoi. De son côté, elle avait été très rapidement balancée dans ce qu'elle appelait affectueusement le système. Ce même système supposé vous protéger. Ce système qui ne faisait que la balancer à une autre famille lorsqu'elle n'était pas assez sage ou trop difficile à gérer. C'était pareil lorsqu'on envoyait quelqu'un en prison. Un humain incapable de se gérer, hop en tôle, bien enfermé loin des autres humains qui eux, avaient eu la chance immense d'avoir reçu une bonne éducation par exemple ou d'être bien nanti pour ne manquer de rien. Bien entendu, elle considérait qu'il y avait les gens dangereux, ceux qui perdaient la carte au point de tuer et d'ôter la vie à un innocent. Sauf qu'ils étaient tout de même punis de la même façon que ceux qui faisaient de petits délits mineurs. En prison, mais pour une plus longue durée. Pour un flic, un criminel, ça pouvait très bien être elle avec ses graffitis et l'tueur en série d'la ville d'à côté. Same shit. Elle ne comprenait pas du tout ce système. Ce n'était pas normal qu'à son jeune âge, elle ait vu autant d'arme de braqué dans sa direction. Mason savait qu'elle ne faisait pas toujours les bons choix dans la vie, qu'elle faisait des erreurs, mais pourquoi est-ce qu'on devait lui coller la même étiquette qu'un braqueur de banque qui fait une prise d'otage? Sans parler du fait que par moment, elle disait la vérité en affirmant qu'elle était innocente et que ce n’était pas de sa faute. Et les flics eux, ah bien ils ne la croyaient pas une seule seconde. Pourquoi se faire chier à enquêter, elle avait physiquement l'air d'une emmerdeuse, donc forcément, elle était coupable quoi. « T'en fais pas trop avec eux... parfois, ils ne sont pas les pogos les plus dégelés de la boîte, mais pour chaque idiot, il y en a un d'intelligent quelque part pour contrebalancer. M'enfin, je suppose » Ce n'était qu'une théorie en soit et il s'agissait d'un portrait moins pessimiste de la chose. La brunette haussa les épaules, plus ou moins intéressée à poursuivre sur ce sujet. À la réaction de Flea, elle avait compris que ce n'était pas l'genre de conversation qui le rendait heureux. Et elle respectait ça.

Le regard levé vers le mur vierge, elle lui exposa plutôt ses idées d'œuvre d'art. C'était spontané, parce qu'elle n'y avait pas sérieusement réfléchi avant de venir ici avec ses bombes de peinture. À sa réaction, elle lui jeta aussitôt un regard faussement vexé. « J'me sens presque recalé au bac à sable moi aussi tiens... » Trop gentille? Personne ne lui avait jamais dit ça auparavant. Une moue boudeuse un visage, elle enchaîna d'un ton moqueur « Les trucs du genre Fuck You et les dessins de pénis, c'est dépassé de toute façon » Et Dieu sait que c'était exactement ce que Vinnie ou Angel auraient choisi de faire. Une fois la peinture en main, elle lui tendit une première bombe de couleur rouge. « Premièrement, pas besoin d'appuyer trop fort ou d'être trop près...ça fera juste une sorte de tâche sinon. Vas-y plus doucement et avec du mouvement » Elle prit la bombe de peinture noire entre ses mains, avant de lui montrer comment faire, en guise d'exemple. Pour sa part, elle allait débuter avec les contours de sa grande faucheuse. « Et essaie de pas t'en foutre dans les yeux » La brunette rigola avant de poursuivre sa blague. « ou d'en mettre dans ta bouche » Comme les enfants quoi. D'un signe de la tête, elle l'encouragea donc à s'exécuter. C'était juste pour s'amuser après tout. Il n'y avait pas de pression et ce n'était pas non plus un concours. « J'aime bien le dessin, ça me vide la tête » Une sorte d'exercice thérapeutique. Ça lui avait toujours servi à exprimer ce qu'elle n'était pas capable de mettre en mot. Elle aimait mieux le griffonner dans un cahier et s'inventer une histoire à travers ça. Lorsqu'elle peinturait en extérieur, comme en ce moment, elle ne pensait pas vraiment à rien. Juste à l'instant présent. Ses problèmes s'envolaient vers un autre monde. « T'es un abonné aux conneries alors? » Elle demandait sans aucun jugement, plus par curiosité qu'autre chose. C'était lui qui venait d'en parler précédemment. Il avait peut-être déjà fait de la prison, qui sait. Comme Wyatt. Dans tous les cas, ce n'était pas de ses affaires s'il ne voulait pas donner de détails. « T'en as déjà fait dans le cimetière? » Bha quoi. Il y avait une tonne de blagues stupides à faire dans ce lieu. Surtout pour Halloween par exemple. Il y avait sûrement songé, non? Un genre de, oh non, Monique revient à la vie, fuyez tous!

Forcément, la conversation sur les KFC n'était pas vraiment le genre de conversation à avoir avec Flea lorsqu'on voulait un échange calme et posé. Lui qui avait le sang chaud, il avait ses propres opinions aussi et sa propre façon de fonctionner pour lesquels, selon lui, il en était là grâce à cela. Mais qu'importait, il n'était pas ici avec Mason pour parler de ça et étaler son sel comme il savait si bien le faire. Non, il fallait bien s'amuser. Elle qui avait ramené de la pizza et de quoi "dessiner", il fallait bien que cela serve à quelque chose. La pizza était bonne d'ailleurs, ce n'était pas difficile de le combler avec ce simple met. Le plat de secours après une bonne cuite, entre cela et un bon fast food pour se remettre des pire caisses qu'il ait pu faire. Essentiel, pour lutter contre la migraine du lendemain. Et comme Flea pouvait avoir grand appétit, surtout en saison hivernale, il n'allait pas rechigner à une invitation aussi magnifique. Et puis la nourriture... c'était sacré. Il adorait ça quitte à faire son rat lors d'évènement dans lesquels il pouvait être invité. La plupart du temps ;c'était le banquet en hommage aux personnes qu'il enterrait, réalisé par la famille. C'était très difficile de prendre sur soi pour ne pas tout rafler comme un clochard, mais c'était déjà incroyable qu'il puisse mettre les pieds dans des maisons pareilles et manger des choses aussi bonnes. "L'avantage" du métier, comme il disait. Il avait cette chance de pouvoir mettre une distance entre la cruauté de la chose qu'est la Mort, le décès et le deuil et lui. Il avait appris à s'y en extraire, même s'il avait toujours eu un peu cette chose en lui.

Flea émit un rire lorsque Mace, faussement vexée, fit remarquer qu'elle avait le sentiment d'être reléguée au bac à sable. Il s'approcha ainsi d'elle afin de se saisir d'une bombonne à son tour avant de réagir à son tour.
"Toi, Mace, tu ne seras jamais une thug des bac à sable. Tu as ta place à part, c'est évident. Comment peux tu douter de cela?"
Il approuva quand elle fit justement remarqué que les Fuck U et Nique la Police était dépassé. C'était complètement vrai. Il aurait pu faire cela durant son adolescence, sa période rebelle (qui n'avait jamais vraiment fini d'ailleurs mais qui avait simplement évolué autrement), et cette envie de provoquer les autorités compétentes comme il savait si bien le faire désormais. Rien que là, ça allait forcément faire parler. Il l'écouta attentivement alors qu'elle lui divulguait des conseils sur comment utiliser les bombes alors qu'elle commençait son dessin.
"Il faut pas une sorte de masque à gaz ou une connerie du genre? Fin, j'ai l'habitude de respirer toute sorte de merde mais bon..."
Il la regarda tout de même faire. Il savait qu'il y avait un bon nombre d'amateur qui ne mettait pas cette protection, peut être parce que la qualité de la peinture était différente, ou par imprudence, ou pour d'autres raisons qui lui échappaient.  Alors qu'elle poursuivait son oeuvre d'art et qu'elle lui disait qu'elle aimait bien le dessin car ça l'occupait, il réfléchissait à comment marquer son coup. Si Nique la Police ou I <3 Penis n'était pas tellement son genre de truc, il hésitait à marquer une phrase choc en rapport avec la religion chrétienne. Gloire à Satan ou quelque chose d'un peu plus amusant, une sorte de jeu de mot par exemple. Il prit ainsi place sur une partie un peu plus loin que celle de son amie de connerie pour commencer à écrire la phrase qu'il avait en tête. Il avait conscience qu'il fallait que ça soit bien grand pour que ça soit bien visible, tout en gardant un esprit d'annonce prêcheuse. Jesus is coming.... Run! Pour commencer en douceur. A la façon plus ou moins ressemblante que le panneau devant. Alors qu'il venait d'écrire le prénom de Jesus, Mace lui demanda s'il était un abonné aux conneries. Flea eut un rire nerveux. Il se détacha de son air concentré un petit peu pour lui répondre.

"C'est ce que te dirais certains poulets, oui" répondit-il sous un rictus. "Je ne suis pas connu pour être un enfant de choeurs... Mais je ne suis pas non plus un criminel. Mon seul crime serait peut être de..."

Il s'arrêta net pour froncer les sourcils et réfléchir à la fin de sa phrase.

"Tu le dis à personne, ça reste entre nous hein mais... Une fois, quand j'avais onze ans, j'ai volé un paquet de Marlboro à la pharmacie. Personne n'a jamais su qui avait fait ça, c'est resté à jamais secret... Jusqu'à présent." blagua-t-il. Cela dit, l'anecdote était vraie. "Je me demande comment le pharmacien a fait pour finir sa semaine après un vol d'une telle emblée, une perte de chiffre d'affaire tellement conséquente, j'ai presque pitié." Son sarcasme ne s'arrêtait jamais. Cela l'amusait, parce qu'il se souvint que c'était suite à cela que sa carrière de pseudo voleur avait commencée. Il aurait pu aller loin, comme participer à des cambriolages gargantuesques digne de La Casa del Papel et ne pas se faire choper, mais le destin en avait décidé autrement. Puis, Mason lui demanda s'il en avait déjà fait, des conneries, dans le cimetière.

"Ca dépend ce que t'appelle par connerie. Pour moi c'en est pas, mais pour d'autres, ça peut être interprété ainsi. Je suis plutôt sage dans le cadre du travail, parce que... c'est une chance inouïe que j'ai ce job, tu vois. Normalement, j'aurais dû être viré dès mon premier jour, mais je DOIS cela à une..."
Il s'arrêta net après qu'il ait terminé d'écrire RUN. Il ne contemplait pas sa création, non, il réfléchissait encore à comment il allait dénommer Poppy. "... amie?"
C'était tellement pénible pour Flea d'admettre qu'il en possédait que l'énumérer lui donnait la sensation d'être vulnérable. Il était aussi peu séduit à l'idée d'être épris amoureusement qu'amicalement. Pourtant, il n'en faisait pas exclusion, malheureusement.
"Bref. Une personne qui a réussi à trouver le moyen que je doive des comptes. Mais je n'ai pas d'autres choix que de m'y soumettre si je veux vivre un temps soi peu décemment. Ca me casse les bollocks mais c'est comme ça, et je me rends compte que je n'ai pas d'autre choix à part me réfugier sur une île déserte tel Robinson Crusoe et faire mes propres trucs. Mais même ça, j'ai la flemme" se moquait-il se lui même. Il se tourna vers Mace, posa une main sur sa hanche et l'autre coude contre le mur avec cette position volontairement mise en place.

"Bref, tout ça pour dire que j'évite les conneries dans le cimetière. Même si ça me démange pas mal de le faire, évidemment. C'est le métier le plus libre que j'ai pu trouver à l'heure actuelle, et jusqu'à ce que j'en trouve un encore plus libre, je me dois de faire un minimum attention. Ca m'emmerde profondément mais c'est ainsi."

Il soupira avant de se remettre en position normale.

"Et toi, c'est quoi le truc le plus ouf que t'aie pu faire? Fais moi rêver."

Il fallait bien se partager des trucs et astuces.

@Mason Cohen

Tu as ta place à part, c'est évident. Hummm. Ce n'était pas la première fois qu'on lui disait qu'elle avait une place à part. Peut-être qu'elle n'entrait pas dans aucune catégorie ou quelque chose de ce genre. Pas un enfant modèle, mais pas vraiment une véritable délinquante qui avait eu de nombreux démêlé avec la justice. Certes, elle avait quelques arrestations à son actif, mais c'était superficiel la majorité du temps. Angel et Vinnie avaient eux-mêmes un dossier plus large que le sien. Sans doute que Flea sous-entendait donc qu'il était difficile de lui coller une étiquette précise. Elle aimait penser qu'elle était sa propre catégorie dans la vie. Être juste Mason. Simplement. À sa question, elle haussa vaguement les épaules. « Non pas besoin, c'est pas si toxique que ça non plus, c'est d'la peinture bon marché alors t'inquiète... juste, mange en pas et c'bon » C'était tout ce qu'elle savait. Youtube lui ayant fourni la preuve que manger ce truc était poison. Merci aux cobayes sans cervelle du net. Et par expérience, elle savait aussi que ça explosait. Oh ça, elle ne l'avait pas oublié. Putain de Misha Kane qui avait foutu son stuff dans le feu, fallait être stupide pour s'imaginer qu'il n'y aurait pas de conséquence à ça. D'ailleurs, il pourrait faire fortune sur Youtube tiens. Bref. La brunette se concentra sur son propre dessin, tout en gardant son compagnon à l'œil. Jesus? Qu'est-ce qu'il comptait écrire en débutant ainsi? Sa curiosité se tourna ensuite bien rapidement en direction de son histoire de vol. Elle ricana à la fin, voyant bien que ça n'avait rien de très gros comme délit. « T'as volé un paquet de Marlboro? Shame on you, j'espère que t'as fait de la prison ensuite en tout ça...» Question de le suivre dans son sarcasme. Elle étira un large sourire amusé, avant de changer de bombe de peinture et de prendre de la rouge. C'était pour le hoodie de sa grande faucheuse. Elle aussi, étant plus jeune, elle avait déjà volé quelques trucs. Vraiment rien de gros, genre une barre de chocolat ou un paquet de chips. Puis elle avait déjà eu recours à de fausses cartes d'identité pour acheter de l'alcool, mais qui ne l'avait jamais fait, hum? Dans tous les cas, elle était passée à autre chose parce que voler, ce n'était plus tellement son truc non, sauf en cas de nécessité absolue. « Il est cool ton job ouais... et j'peux dire qu'on m'a aidé un peu aussi pour disons... bien débuter le mien. C'pas tellement de grosses responsabilités de livrer des pizzas, mais de pas casser les dents des imbéciles qui te font chier pour rien, ça par contre... c'est vachement difficile. » Heureusement que sa marraine de coeur avait convaincu le propriétaire du restaurant de lui donner une seconde chance après avoir légèrement agressé quelques clients. Comme quoi, on avait tous besoin d'un p'tit coup de pouce parfois.

Une fois la portion rouge terminée, elle fit une pause, frottant discrètement un début de tâche sur la manche de son chandail. « T'as raison, j'évite aussi les bêtises sur mes heures de travail, c'mieux comme ça. Et pour ce que ça vaut, promis juré de faire pareil à ton cimetière » Est-ce que les graffitis comptait pour des bêtises? Well... Techniquement non. Flea était d'accord, alors bon. Jetant ensuite un coup d'œil vers l'évolution de sa phrase, elle afficha un air approbateur. Jesus is coming.... Run! Parfait. Et sans faute d'orthographe en plus. « J'sais pas si c'est ouf, mais une fois j'ai passé la nuit dans le Walmart avec Angel. On s'était caché pendant la fermeture. On a fait du camping, bouffé plein de truc, testé des jouets, regardé des films... c'était vraiment cool! » Un résumé des folies qu'ils avaient pu faire ensemble dans le magasin jusqu'à ce que les employés soient de retour le lendemain. Mason savait que ça n'avait rien d'impressionnant comme bêtise, mais cette anecdote avait quand même une place spéciale dans son cœur de rebelle. Surtout parce qu'ils ne s'étaient pas fait arrêter par les flics. Un putain de miracle. Par contre, elle s'était fait coincée souvent également. « Sinon, c'pas moi qui l'ai fait, mais j'ai été dans un bâtiment en feu une fois... un truc qui a dégénéré » Mason haussa les épaules, vraiment moins fière de ce coup-là. Merci Misha. Lui, Angel et elle avaient fini au commissariat. Truc con. Ils devaient simplement faire un peu de casse dans les bureaux des promoteurs, pas y foutre le feu. P'tain qu'on lui avait passé un savon pour cette connerie. Est-ce que c'était ouf, probablement, mais elle aurait aussi pu crever et finir ici même, sous terre. Pas tellement génial. Sans mentionner la longue liste de bagarre à laquelle elle avait participé. Ou encore la fois de la manifestation. Inutile que Flea sache tout ça, il était capable de figurer lui-même qu'elle n'était pas blanche comme neige. La brunette continua de peindre sa faucheuse, s'assurant de ne pas trop tâcher ses vêtements. « T'sais, honnêtement, j'crois que y'a beaucoup de gens qui aimeraient que je sois un peu plus sage... et j'sais pas trop. J'aime juste pas décevoir le peu de proche que j'ai. C'est chiant... » À commencer par Wyatt tiens. Autant elle l'adorait, autant elle savait ce qu'elle risquait de se mettre dans la merde. Elle étira une moue boudeuse. Trop compliqué avoir des amis et tout. Imaginez un peu si elle avait des parents! Ce serait l'horreur. Disons plutôt que ça avait quelques inconvénients, parfois, d'avoir certaines personnes qui tiennent à nous au point de dire ne fait pas ça, ne recommence pas ceci et évite donc les ennuis.

Mason le rassura sur la peinture, car à ses souvenirs, Flea pensait qu'il fallait une sorte de casque anti gaz ou un truc de ce genre pour ne pas respirer de vapeurs toxiques se dégageant de la peinture. Il ne savait pas si sa réponse finissait de le convaincre, mais en tout cas, il décida de lui faire confiance pour le coup. Il arqua un sourcil en sa direction, comme si elle le prenait pour un idiot lorsqu'elle le prévint de ne simplement pas en manger.
"Ca va, j'ai mangé de la pizza juste avant, ça devrait aller" se moqua-t-il.
Il observa un instant les murs du bâtiment, pour le moment totalement blancs et totalement intacts. Un grand appel à se faire décorer comme une Miss lors du fameux concours de beauté, même s'il y avait peu de chance que leur prochain chef d'œuvre n'attise la convoitise d'un quelconque expert. Au mieux, il pourrait en faire une photo et l'adresser à un musée de Beaux-Arts le plus proches, mais même là, il n'était pas convaincu. Ca restait quand même une chose à essayer, au cas où.
"Hey Mace, tu sais qu'on pourrait devenir célèbre? Si on s'applique tous les deux, ça pourrait faire fureur et on créerait un buzz au final. Négatif, mais positif. En mode, 'deux glandus ont réussis à décorer les murs de l'Eglise de leur cimetière, cliquez pour voir les images, la troisième va vous surprendre.' Bon là j'exagère, mais tu vois le principe. On pourrait se faire connaitre mondialement pour ça. P'tet pas tout de suite mondialement mais au moins dans le pays au début. Faut voir."
Flea émettait des hypothèses et conclusions hâtives, mais surtout beaucoup de conneries. Il y avait zéro espoir que des dessins d'enfant et d'autres de plus ou moins bien de Mace selon son talent puisse faire adorer le moindre milliardaire du coin, mais il ne fallait jamais dire jamais. Ce qui était sûr, c'était que ce qu'ils s'apprêtaient à faire allait faire jaser et qu'ils allaient se retrouver au moins dans le journal local. Le pays restant très religieux, cela pouvait être interprété, à juste titre, comme un énorme blasphème et une honte à la religion chrétienne. Alors qu'en réalité, il s'agissait simplement de deux guignols qui avaient trouvé cela marrant de relooker un bâtiment si neutre et fade. De véritables artistes dans l'âme.
Peu après, Flea lui avait confié son premier petit délit sur le vol d'un paquet de clope. Il lui avait demandé, exagérément, de tenir le secret, et Mason se moqua en lui disant qu'elle espérait qu'il avait fait de la prison pour cela. Il secoua les épaules et fit semblant d'avoir la certitude d'être écouté. "Nan, comme je t'aie dit, je ne me suis encore jamais fait prendre" répondit-il à voix basse comme s'il avait peur d'être victime d'un guet-apens. Il surjouait son aveu, évidemment, il savait pertinemment qu'aucun flic n'était dans les parages et qu'il irait pas faire de la prison pour ce vol minable qui datait de mathusalem. Il avait un talent de comédien, un peu.
Elle poursuivit son dessin alors qu'il entamait le sien. Elle lui parla de son métier à elle, ou du moins du boulot qu'elle faisait actuellement. Apparement, elle avait eu de la chance elle aussi, de pouvoir avoir son poste mais qu'il lui était difficile d'entrer en conflit avec des pecnauds qui la prenait de haut. Flea s'arrêta un instant dans son tag de trois francs cinquante pour l'observer avec une pointe de compassion.
"De toute façon, on les nique tous ces enculés" lâcha-t-il naturellement. Il abandonna son début de phrases pour pouvoir écrire en très gros une injure à l'encontre de tous les connards que Mason pouvait rencontrer lors de son métier, de sa vie. ENJOY MY BOLLOCKS PIZZA YOU PIECE OF SHIT. Et encore, il trouvait ça vraiment très sympa, il aurait pu faire bien pire à bien y penser. Il avait l'impression d'être un pseudo gangsters des années 80 ou 90, quand les tags étaient en vigueur et très mal vu par la société. Whouah, le rebelle. Comment ne pas avoir peur après ça, franchement?  

Il émit un sourire alors qu'il reprenait son 'oeuvre' de base et que Mason approuva l'idée de ne pas aller trop loin dans les conneries lors du boulot. Elle assura qu'il en était de même pour le cimetière. Il émit un rire. "Ah pour ça on a mal commencé, tu crois pas?" s'amusa-t-il alors que la peinture s'étalait encore sur les murs. Puis peu après, alors qu'il s'était mis à peindre ce qui semblait être un gremlins possédé à première vue, elle lui raconta une dinguerie qu'elle avait vécu avec un type qui s'appelait Angel. Ils s'étaient enfermés une nuit dans un supermarché et Flea sortit de sa création pour lui adresser un regard admiratif.
"Mais j'adore l'idée mon dieu! Mes compliments! Ca a du être tellement bien!" s'émerveillait-il en imaginant la chose. Bon, il n'aurait jamais pu l'avoir cette idée, ne trouvant personne pour le faire, même si cela restait un classique de s'enfermer dans un magasin, supermarché ou plus spécialisé, et d'y rester une nuit pour profiter de l'endroit quand il était désert. Lorsqu'il avait vu des gens s'enfermer dans un Ikea, il avait eu l'envie à ce moment de faire pareil. Un peu comme dans un de films de Charlie Chaplin. Mais bon, tout seul, c'était moins drôle et ça n'avait pas d'intérêt.
Après quoi, elle se confia sur le fait qu'elle s'était déjà retrouvé dans un bâtiment en feu, incendie qu'elle n'avait pas provoqué. Ca avait dégénéré, selon elle. Alors qu'il continuait à souiller son mur, il lui demanda donc : "Qu'est ce qui s'est passé?"
Tout le monde faisait des bêtises dans sa vie. A une échelle différente, c'était certain. Mason lui avoua que pas mal de personne souhaiterait qu'elle soit plus sage, et elle ne voulait pas décevoir la poignée de gens de son entourage et qu'elle appréciait. Il s'arrêta net pour tourner son attention sur elle.
"Je ne sais pas si je suis le mieux placé pour donner des conseils tel un vieux sage comme Gandalf ou Dumbledore. Mais cela reste ta vie. Tes choix de vie aussi. On fait tous des bêtises dans sa vie, et lorsque ça se produit, c'est qu'il y a une motivation par derrière. En général, ce n'est pas uniquement dans le but d'emmerder le monde, enfin si, mais c'est plus que ça quoi. Les gens peuvent être déçus de toi, c'est vrai, à juste titre ou non. Mais en attendant si tu le fais, c'est que tu t'attends à quelque chose, non?"
Il disait cela un peu au hasard, sans vraiment entrer profondément dans la réflexion de ses paroles. Peut être qu'il se trompait sur toute la ligne, il était loin d'être Nietzsche après tout.

« Hum, bonne question, j'sais pas si on pourrait devenir célèbre. Et puis une fois j'ai mis une œuvre sur Instagram et j'me suis retrouvé au poste de police pour ça » Poster une photo d'un délit ce n'était apparemment pas une bonne idée. Cela dit, elle n'avait aucune idée de qui était allé la dénoncer aux flics, mais bref. Elle avait appris de cette erreur et depuis, elle se contentait de signer ses œuvres avec un M. Oui, comme Mason, mais aussi comme Mathieu, Mary, Molly et tout ce qui débute par un M. Le problème était surtout qu'un simple dessin en bombe de peinture était considéré comme un délit en soit. Genre elle avait enfreint la loi de quoi? De la liberté d'expression? « Mais ouais, on sait jamais » Elle haussa les épaules, tout en continuant de peindre. Devenir riche et célèbre n'était pas dans ses plans de vie anyway. Elle discuta ensuite boulot avec lui, naturellement, ayant l'habitude de ce sujet de toute manière. Peut-être que de ne plus travailler, c'était ça le rêve quoi. La retraite directe à 30 ans, ce serait tellement plus simple au fond. Moins de stress, de responsabilité, de pression et tout. Donc, une meilleure santé, une meilleure humeur et plein d'autres trucs positifs. Franchement, y'avait pas de raison de se faire chier au boulot. Peut-être qu'elle devrait faire comme Angel finalement et vivre d'amour et d'eau fraîche. Qui sait. Mettre un terme aux clients désagréables qu'elle croisait trop souvent sur son chemin. "De toute façon, on les nique tous ces enculés" La brunette ricana quelques instants avant de hocher la tête. Yep, en effet. Bien dit. C'est aussi ce qu'elle pensait de toute manière. Elle avait arrêté de s'en faire pour eux. La brunette observa quelques instants ce qui ressemblait à un... genre de gremlin, avant de terminer les habits de sa faucheuse. « Si quelqu'un te demande qui a fait ça, c'est pas nous. Voilà...» Simple comme réponse, non? Il était sans doute capable de mentir ou du moins, de changer de sujet lorsqu'un curieux oserait commenter cette drôle de peinture.

Pour ce qui était du Walmart, elle étira un petit sourire amusé devant ses compliments. « Je te conseille pas de l'essayer, malheureusement, parce que depuis ils sont graves parano lors de la fermeture » Elle rigola une fois de plus, imaginant les commis du magasin en train de fouiller chaque recoin pour s'assurer que personne ne s'y cachait pour faire du grabuge pendant la nuit. Ça les avait stressés, probablement avec raison vu le bordel qu'Angel et elle avaient fait. Flea lui demanda ensuite ce qu'il s'était passé pour cette histoire de feu. « Rien d'intéressant. J'y étais que pour faire passer un message dans le bureau des promoteurs, tu sais, cette histoire de centre commercial qu'ils ont construit dans le quartier pauvre où je vis justement... bref, un peu de peinture, rien de bien méchant, mais Misha Kane s'est pointé et lui il a carrément mis le feu au bureau alors... on s'est fait arrêté par les flics et tout ça...» Mouais, chaque fois que Misha était dans l'coin, elle finissait chez les flics. Tout le temps. C'était assez embêtant, parce qu'il était incontrôlable et à la limite du dangereux parfois. Ça elle le savait, mais c'était compliqué de l'éviter constamment. Après tout, il vivait dans la même ville qu'elle. Bref, ça faisait chier son entourage aussi, vu qu'elle s'attirait des problèmes plus graves. Ces jours-ci, on ne manquait pas de lui rappeler de se tenir loin des ennuis. Elle essayait bien de le faire, parfois c'était juste plus fort qu'elle, comme un truc qu'on ne contrôle pas 24h sur 24. Mason déposa une bombe de peinture vide sur le côté, avant d'en sélectionner une neuve. Elle écouta les recommandations de Flea, avant de lui jeter un coup d'œil. Hum. Et ça voulait dire quoi au juste se discourt? « Bha honnêtement j'sais pas à quoi je m'attends exactement... à changer les choses j'imagine ou à juste faire ce que j'ai envie de faire, point final » Et espérer ne pas rendre de compte à personne par la suite. Elle n'était pas psy non plus, alors niveau analyse de ses actions, ça ne risquait pas de donner des résultats. Une moue boudeuse au visage, elle poursuivit. « C'est comme si tout le monde espérait que je devienne miraculeusement avocate ou j'sais pas quoi de grandiose comme si j'étais destinée à un monde meilleur » La brunette le fixa quelques instants, plus sérieuse cette fois-ci. « J'sais très bien d'où je viens moi. De nulle part, parce que j'ai pas été foutu d'avoir des parents, une famille et tout le tralala de la bonne éducation. Alors faut pas espérer grand-chose de moi, j'fais ma vie et c'est tout. J'compte pas faire d'la prison ou devenir criminelle alors j'crois qu'on peut me lâcher les couilles avec ça. J'men tire bien et ça devrait suffire » Et bien sûr, lui, il n'y était pour rien. « Désolé de te faire chier avec ça d'ailleurs » Oui bon. Ils pouvaient aussi changer de sujet si besoin. Elle reprit sa peinture, terminant enfin sa partie. Une belle grande faucheuse au look de rue, hoodie, téléphone portable au bout d'un selfie stick et une faux de couleur rose bonbon. Très extravagant. Comme elle aimait oui. « On devrait faire ça plus souvent, non? » Elle sourit, avant de regarder derrière eux s'ils étaient toujours seuls. Pas de curieux en vue.

Les premières paroles de Mason eurent pour don de provoquer la curiosité de Flea. Il se tourna doucement vers elle, sans bouger les jambes, un des sourcils arqués afin de lui demander implicitement des explications. Elle n’avait pas spécialement besoin d’en dire plus pour qu’il comprenne à qui il avait à faire. Il était partagé entre la fascination, l’amusement et la curiosité à la fois. Il battit ensuite plusieurs fois des paupières avant de poser enfin la question qui lui brûlait les lèvres : “Elle représentait quoi cette oeuvre d’art au juste?” . Naturellement, ça eût pour don de provoquer plein de fantasme, non pas sexuel, mais dans tout ce que lui-même pourrait faire s’il se mettait à faire son petit artiste rebelle. Même si rien ne l’arrêtait techniquement, il n’était pas encore parvenu au stade de grosses dingueries, bien que c’était fort tentant. Mais est ce que c’était vraiment lui? Provoquer les gens faisait parti de ses goûts, mais à ce point? Lui qui désirait la paix, s’il allait trop loin, il risquait de se manger sur le sol, et pas qu’un peu.
Il s’amusa d’autant plus lorsque Mason proposa de simplement ne rien dire si la moindre personne l’interrogeait sur l’origine de ces ‘graffitis’ sur le mur de cette chapelle. Flea échappa un rire. Il secoua les épaules.
“Le déni, meilleure défense au monde. Mais tout le monde saura que c’est moi même si je ne le dis pas. Enfin… Même si je ne suis pas seul, techniquement. Mais c’est simplement une évidence.”
Surtout vu la phrase qu’il avait inscrite sur le mur, cela ne faisait absolument plus aucun doute sur la chose. Il aurait pu se filmer en train de marquer son nom que ça aurait eu le même effet. Tout le monde saura que, pour ses détériorations à lui, ce sera lui qui les aura faite. Cette idée là lui plaisait dans un sens. Même s’il comptait nier, uniquement pour en rajouter une couche devant l’évidence de la situation, qu’on reconnaisse son travail était excitant. C’était un peu comme s’il avait sa signature à lui, sa patte sur la ville. Il marquait les esprits, c’était le plus important.
Mason lui avait fait part de l’idée de génie de rester jusqu’à la fermeture de l’hypermarché pour pouvoir y passer la nuit avec un ami. Flea était décidément admiratif de toutes les idées qu’elle pouvait avoir. Il avait déjà lui-même eu l’idée de s’enfermer dans un magasin de meuble spécialisé pour pouvoir profiter de la nuit et de son désert pour profiter à fond. Il n’y était malheureusement pas parvenu, d’autant plus qu’il avait été seul et qu’il n’avait pas eu l’occasion de se faufiler sous le regard des agents de sécurité. Il s’était dit que ce serait pour une autre fois, mais il n’y avait simplement pas repensé. Un lourd regret maintenant qu’il y songeait.
“Ca devait être incroyable” exprima-t-il sérieusement. Puis elle lui raconta une autre histoire drôle, du moins aux yeux de Flea, et renchérit lorsqu’elle évoqua Misha Kane, homme qu’il connaissait plus ou moins bien, effectivement. “Je ne sais pas pourquoi, je ne suis pas étonné” ricanna-t-il. “Whouaah j’ai l’impression de passer à côté de ma vie en t’écoutant, je me rouille, c’est pas bien. Enfin, tu me diras, ce que je fais là c’est déjà pas mal, mais… un truc en plus ne me ferait pas de mal.”

La suite de leur échange lui fit fortement écho. Lorsque Mason lui raconta que le monde semblait lui dire qu’elle était vouée à mieux, Flea s’était arrêté dans son dessin. Il fixait un point sans le fixer, le regard perdu, alors qu’il écoutait ses paroles. Cela se termina lorsqu’elle s’excusa de l’emmerder avec cela et il secoua la tête comme s’il se réveillait d’un état de transe.
“Hein? Non, tu ne me fais pas chier, loin de là. Enfin, tu t’en doute bien.” la rassura-t-il alors. Flea, c’était le mec qui écoutait autant qu’il parlait. Ce devrait plutôt lui à être embarrassé de l’alourdir avec des discours à la con. Pourtant, ce qu’elle lui avait dit semblait très pertinent pour lui.
“Juste. Je comprends tout à fait..”
Mason termina son chef d'œuvre peintural et il y jeta un coup d'œil. Il secoua la tête pour approuver, et leva le pouce pour confirmer.
“Tes talents sont indéniables, tu vas faire fureur!” dit-il tout enthousiaste. “Et je suis carrément d’accord avec toi, on devrait faire ça plus souvent. C’est pas rien mais c’est pas trop, c’est parfait. Il faut bien s’exprimer après tout, surtout quand on est aussi doués.”

Il observait son dessin, peu convaincu. Il avait beau peindre parfois, de temps en temps, pour passer le temps, Van Gogh n’avait rien à lui envier, loin de là. Il avait son propre style, c’était certain, mais pas au point de devenir un peintre professionnel, oh non. Son dessin représentait un dinosaure, tout simplement, qui allait manger un être humain dessiné incroyablement bien par un rond pour représenter la tête et des bâtons pour le corps. Comme un enfant. En revanche, le dinosaure était déjà un peu plus réaliste, ou en tout cas mieux fait, même si ce n’était pas non plus incroyable.

“J’sais pas pourquoi j’ai fais ça mais je l’ai fais.” Il avait renchérit en levant cette fois ci les deux pouces au niveau de son torse pour exprimer son auto satisfaction. “Je pense que j’ai eu ma dose de loufoquerie pour la journée… et la soirée.”
Il leva la main dans l’espoir que Mason la check afin de saluer leur expérimentation à deux. Une sorte de travail d’équipe à glorifier.