Sortie entre père et fille (Jake & Blair)

Le concernant, l’idée lui paraît brillante. Il n’est pas représentant de la loi l’alcoolique, simplement adepte de vengeance. Et comme il aime faire dans l’originalité, milles viles idées lui traverse l’esprit. Véritable génie dans ces moments-là, Jake s’amuse à imaginer quelques plans. De petites conversations avec ses anciens compagnons de barreaux, un enfant caché d’une aventure d’un soir, des photos compromettantes pour Scandale, Remplir sa caisse de jouets érotique, bref, tout un panel de choix qu’il réunirait bien, histoire de marquer le coup. Finalement il se met d’accord sur une trouvaille. N’étant pas seul vengeur, le détective se permet moins de folie, d’autant que son acolyte est bien plus sage, bien plus rusée qu’il ne l’est. Blair, sa fille, elle aussi furieuse contre cet homme qu’elle semble refuser d’admettre son lien de parenté. Il faut bien avouer qu’il n’y a aucun intérêt à se vanter d’être de la même famille que Misha Kane. Ses frangins passent encore, et Dieu seul sait à quel point ils sauvent l’honneur de la famille, lui en revanche...no comment.  

Nul besoin de réveil pour Jake, lui qui vit la nuit malgré l’interdiction du Pikey. Gros manque de sommeil me direz-vous, et vous n’avez pas tort. L’avantage d’être ancien commando, gérer la fatigue, ça le connaît. Un regard dans le miroir pour se rendre compte qu’il n’est pas monsieur-tout-le-monde, qui porterait la moustache aussi bien que lui – qui la porterait tout court, d’ailleurs ? Mais pour rien au monde il ne la raserait, soyons honnête, pour qu’il passe inaperçu, qu’on ne doute pas de son implication, il lui faudrait au minimum mettre un costume trois pièces. Conscient qu’un tel habit coûte la peau des fesses, le détective décide d’abandonner l’idée pour une tenue noire, simple, sans artifices. Petit ajout d’un masque chirurgical de la même couleur, au cas où.  

Au seuil de sa porte d’entrée, le quadragénaire réfléchit. Seconde chose qui le caractérise parfaitement : son vieux pick-up beige, sans doute le seul de la ville, vu l’antiquité. Fort heureusement il est également propriétaire d’une moto, une splendide Zanella Hot 90, qu’il se promet de garer quelques mètres plus loin, bien à l’abri. Sac à dos bien rempli, il se met en route, arrive non loin du lieu et termine les quelques cent mètres à pied.  

Là il trouve sa fille, déjà présente. Vêtue d’une tenue digne d’un braquage. Comme lui, à la différence qu’il a opté pour une casquette. C’est en se comparant avec Blair qu’il esquisse un sourire. Les chiens ne font pas des chats finalement. Mêmes idées, à quelques détails près. D’un pas décidé, le détective réduit la distance qui le sépare de sa complice, la fixe d’un regard entendu.  

— La voilà, ma complice ! Aussi belle que rebelle !  

Il tapote l’épaule de son enfant, dépose son sac à dos à terre. Il n’est pas léger le bougre ! Il faut dire que Jake n’a pas fait dans la dentelle, à vrai dire, il ne fait jamais les choses à moitié, c’est un peu son crédo, si l’on ne fait pas quelque chose à fond, autant ne pas le faire. Pour ça il a rempli le bagage de bombes de peinture pour automobiles, waterproof, aussi puissant qu’un vivelle dop fixation béton. De Marqueurs indélébiles et d’une mousse à raser. Avec le contenant du sac de sa fille, nul doute que la surprise va être de taille pour l’idiot du village.  

— Je t’ai pas dit bonsoir, merde. Il l’enlace puis s’écarte. Regarde un peu ces petites merveilles. Il ouvre son sac, indique ses objets. Je vais m’amuser comme un petit fou ! Complètement détendu, sans la moindre crainte de se faire avoir, il ajoute. Et toi ma grande, montre à ton paternel ce que tu as préparé !

Si sa fille n’est pas des plus sereine, Jake lui, débute son coup comme s’il s’agissait d’un simple tour aux toilettes. Il faut dire qu’il a fait plus dangereux, les batailles, les milles et une situations loufoques liées à son travail. C’est un homme de terrain, l’action ça le connaît, tout comme les répercussions qui en suivent. Pour cette raison, le quadragénaire est prêt à endosser toutes responsabilités, pas question que le nom de sa fille soit sali comme le sien, déjà que la moitié de son sang a de quoi rougir de honte, autant ne pas mettre de l’huile sur le feu. Mais il comprend Blair, cette envie de vengeance, cette goutte de trop dans un océan de Mishattitude. Lui-même ressent un dégoût certain pour son cousin, s’il n’était pas aussi imaginatif et malicieux, il lui sauterait à la gorge sans un regard de pitié.  

C’est un peu ça le problème de Jake, il ne conçoit pas le pardon, non seulement envers les autres mais encore plus envers lui-même. Quel idiot d’avoir pensé que Misha avait un tant soit peu de maturité, quelle naïveté de s’être imaginé que la prison fait grandir un homme, l’endurcit. Au fond n’est-ce pas lui, l’alcoolique suicidaire, le plus sage des deux ? Celui qui se proclame serial killer, qui s’attribut autant de démérite qu’il ne peut en exister. Allez comprendre pourquoi les femmes se pavanent devant l’abruti, sa belle gueule ? Et puis quoi encore, lui n’est pas trop moche non plus, ne se considère pas mannequin mais se sait désirable, suffit de voir à quel point Hazel et Drew ont pris plaisir dans ses bras, sans doute plus réconfortants que ceux d’un certain brun. « Attends, c'est des bombes lavables hein ? » Un sourire sadique se dessine sur le visage du père. Presque machiavélique, une attitude qu’il ne devrait pas montrer à sa fille mais qu’il ne peut contenir.  

— Ma puce, tu commences à connaître ton père, non ?  

Evidemment que c’est permanent, que serait une vengeance si elle était lavable au savon ? Non, il voit les choses en grand l’alcoolique, enfin, pas assez en ce moment à son goût mais la présence de Blair fait qu’il n’est pas à la hauteur de sa réputation. Lui qui n’a déjà pas été présent dans la vie de son enfant, qui la rencontre dans la pire période de sa vie, s’il a une chance de sauver ne serait-ce qu’un peu les apparences alors qu’à cela ne tienne, Misha ne sera pas puni comme il le mérite réellement ! « J'ai pris une approche plus... naturelle. [...] Et je pense que c'est tout. » Jake se penche, regarde le contenu du sac avant de siffler. Impressionné qu’elle se soit donnée autant de mal pour une débutante, il tapote la tête de sa fille et lui sourit.  

— Et bah, t’as du sang de Owens, y a pas de doutes ! Dit-il. C’est bien assez pour une débutante dans le milieu, fait ce que tu veux de ton côté, ton vieux père fera le reste.  

Du coin de l’œil, Jake analyse le profil de sa petite. « T'es sûr que c'est une bonne idée ? Je suis pas rassurée... C'est pas vraiment ce que j'ai l'habitude de faire en tant que policière. » Elle n’est pas rassurée, même très craintive il dirait. Et si la situation n’a rien de normal pour une relation telle que la leur, il est grand temps que Jake se comporte comme il ne s’est jamais comporté : comme un père.

— Hey. Une caresse sur sa joue et il poursuit. J’vais en prendre la responsabilité. De toutes manières, les flics me connaissent pour tout un tas de délits, dégradations comprises. Tu n’es pas obligée de faire ça mais si t’en a envie, n’ai pas peur, je suis là. Il marque une pause. Il ne t’arrivera rien, je te l’promets.  

Maintenant au travail. Le regard sûr, il ouvre son sac, empoigne l’un des marqueurs indélébiles pour inscrire diverses phrases sur la devanture. Des #fuckkane un peu partout, le numéro personnel de Misha, suivit de diverses sommes pour divers actes érotiques, un phallus pas plus grand que son index avec pour citation : « misha's titanic penis ». L’alcoolique se permet même, et c’est audacieux, le dessin d’une petite moustache tout en bas à droite, digne d’une signature de Monnet.  

— Voilà, maintenant place aux choses sérieuses. Tu t’en sors ou tu veux arrêter ?  

Il la questionne, s’assure qu’elle ne soit pas trop mal à l’aise. Il peut très bien finir le travail seul, ce ne serait pas la première fois et si cela peut rassurer sa progéniture -pour qui son affection augmente jour après jour, même s’il ne le dit pas, tant mieux. En attendant il attrape les bombes, couleur rouge en main, il dessine des cœurs aux endroits nus, la violette et la verte servent à ébaucher un emoji aubergine. Des esquisses à l’image du propriétaire du bar : puéril, juvénile...et tous ces trucs en “-il(e)’ qui le caractérisent si bien -excepté “viril” qu’il s’imagine être.  

— T’en pense quoi ? Je me tâte à finir par la mousse à raser, faudrait trouver un truc qui le fasse vraiment chier, une idée ?  

Loin de savoir se comporter comme un père, Jake devrait pourtant connaître la bienséance, le minimum pour survivre en société. Bien sûr qu’il en est capable mais allez comprendre pourquoi, il n’a jamais voulu se ranger dans ces cases conformes aux convenances plus barbantes qu’une partie d’échecs. Pourtant pas compliqué de montrer le bon exemple à son enfant, du moins de le protéger de tout débordements et démontrer ainsi que la génétique ne prouve rien. Mais il en est incapable, certainement par peur de se faire détester ? Parce qu’après tout, c’est bien lui qui a abandonné sa fille parce qu’il ne s’estimait pas en partie responsable de cette grossesse et que de ce fait, préférait de loin intégrer l’armée plutôt que d’élever un mioche qui aura honte de son paternel. Il est conscient le détective, conscient qu’il n’aurait pas été à la hauteur, qu’il valait mieux que la petite s’habitue à son absence plutôt qu’à de rares apparitions cruelles qui lui briserait le cœur à chaque séparation. Mais jamais il n’aurait pensé la retrouver une fois adulte, d’autant que ça vienne de son propre chef ! Et le voilà désormais, détournant sa progéniture du droit chemin, l’incitant à dégrader une devanture de bar sous seul prétexte un ennemi commun. Dieu seul sait à quel point il peut être idiot, s’en est pathétique même. Mais aussi déraisonnable soit elle, la situation a au moins le mérite de les rassembler, d’approfondir leur relation fragile de la plus malsaine des façons mais ça, encore une fois, c’est du Owens tout craché ! « Pas faux, je devrais pas être surprise... » Touché. Chaque fois que Blair découvre l’un des nombreux aspects de Jake, ce dernier ne sait plus trop où se mettre. Bien qu’il n’en montre rien, décevoir sa fille est plus douloureux qu’il ne l’aurait pensé. « Tu crois quand même pas que je vais te laisser t'amuses sans moi, je vais pas me dégonfler, puis je suis accompagnée du meilleur professeur, rien ne peut m'arriver. » Pas sûr qu’il soit le meilleur des enseignants et que ce soit une leçon à retenir mais elle n’a pas tort sur un point : rien ne peut lui arriver tant qu’il sera à ses côtés. Endosser la responsabilité des dégâts ne lui est pas étranger, ça s’est déjà produit et ce sera peut-être à nouveau le cas dans un futur proche. Seul bémol, la facture. Moins de rhum dans le placard, ça, c’est fâcheux.  

— Ça c’est sûr. Bon, j’aime mieux faire en sorte quand même que l’élève ne dépasse pas le maître. C’est la dernière fois que tu t’amuseras comme ça.  

Protecteur oui, pas dans l’exagération comme le sont la famille de sa mère mais Jake porte tout de même une affection bien particulière à sa fille depuis qu’il la côtoie régulièrement, naturel me direz-vous...non, pas pour lui. Le détective a toujours été quelqu’un qui n’accorde ni sa confiance ni son amour facilement, il les compte sur les doigts de la main, ces gens pour qui il serait capable de tout. Si on lui avait dit il y a un an que Blair en ferait partie, jamais il ne l’aurait cru. Pour autant il ne précipite rien, il n’a pas la fibre paternelle encore et allez savoir s’il souhaite réellement qu’elle le surnomme “papa” un jour. Dans ses plus profonds désirs peut-être, ceux qu’il ignore, consciemment ou non. « Tout vas bien, je peux tenter quelques petites phrases aussi ? » Un coup d’œil vers les exploits de Blair, Jake pouffe. Comme il aimerait être présent pour voir la réaction de son cousin à la découverte de leur petite surprise. Navré pour les employés mais ils ne peuvent que s’en prendre au big boss, peu certain qu’ils portent encore Misha dans leur estime après ça...à moins d’être masochistes.  

— Ah mais fais-toi plaisir, on est là pour ça !  

Réplique-t-il, ouvrant grand les bras pour indiquer les espaces vides de la vitrine. Oui, tant qu’à être dans l’illégalité, autant ne pas faire les choses à moitié. Il serait bien dommage de laisser un centimètre de propreté sur ce carreau, lui qui est un appel à l’art. « C'est pas simple ce truc ! Oups » Le regard fixe sur leurs tenues recouvertes de jaune, l’alcoolique retient un sourire. Pour sûr que ce n’est pas simple, il lui a fallût du temps avant de pouvoir dessiner une aubergine, une œuvre d’art indigne de l’établissement pourri par la bêtise d’un ignare mais qu’il se devait de graver et sur surface, et dans l’esprit de l’abruti. La bombe violette en main, le dessin achevé, le plus vieux hausse les épaules, les tourne vers son interlocutrice avant de faire une très légère pression sur le pulvérisateur.  

— Oups !

L’imite-t-il. Qui aime bien, châtie bien. Sans regrets aucun, il reprend place devant son coin de vitrine. Là il la distingue de son œil expert, les bras croisés. C’est en jugeant sa partie qu’il s’aperçoit du véritable chef d’œuvre, la pièce maîtresse des dégradations non loin des œufs dégoulinants. L’écart est énorme entre le dégoût de l’aliment pourri et le génie du croquis en cours. Une caricature, rien que ça ! N’ayant plus d’intérêt de son côté, il suit les traits de sa fille. Allez savoir si c’est une passion mais une chose est sûre : elle possède un véritable don pour le dessin. Quand elle signe son œuvre, Jake devine qu’il s’agit d’une référence à son chat. « Une œuvre d'art, j'aurais presque pris une photo pour l'occasion si je n'avais pas eu peur de laissé des indices de notre passage. » Hilare de la ressemblance avec l’inspiration, il rit, tapote l’épaule de Blair avant de siffler, impressionné par son talent.  

— J’suis sur le cul. Il indique le dessin de l’index. Ma fille, ceci est un chef d’œuvre, tu ne m’avais jamais parlé de ce talent ! Son téléphone en main -plus récent depuis quelques temps. J’vais la faire ta photo, j’ai pas peur des indices moi ! Preuve dans la galerie, il verrouille son téléphone avant d’ajouter. Finalement c’est pas trop mal cette merde ! Mon clapet était plus simple mais rien que pour les photos et tinder, ça vaut l’coup.

Mais on s’écarte du sujet. « Quelques choses qui le ferait vraiment chier ? Si on pouvait entrer, je pense qu'il l'aurait mauvaise si on lui vole son stock d'alcool. Mais, c'est pas comme si on pouvait entrer et ça deviendrait un crime beaucoup plus grave qu'une simple dégradation de bâtiments, entre effraction, vol... Non, c'est une mauvaise idée.» Jake hoche la tête. Honnêtement, vider son stock d’alcool lui était venu à l’esprit, surtout que s’il se fait prendre il en aura bien besoin pour remplacer l’argent de ses bouteilles perdu dans l’amende. Et aucune réquisition possible, le buveur a plus d’une cachette à l’esprit !  

— J’te mentirais si j’te disais que j’y avais pas pensé mais puisque t’es là ouais, on va éviter. Puis ma foi j’ai mis son numéro, ça devrait déjà l’emmerder pas mal ça. La voyant faire les cent pas, stressée au possible, Jake pose sa main sur son dos, le lui caresse doucement pour l’apaiser. Ça va aller ma grande, on va s’arrêter là si tu veux. De toutes manière y a plus grand-chose à faire là, autant arroser notre vengeance chez moi, autour d’un bon vieux whisky ! Il la fixe, se pince les lèvres avant de murmurer. Ou chez toi avec du champomy...

« C'est pas faux. » Étonnant de voir qu’il peut avoir de l’autorité sur son enfant. S’il on peut appeler ça de l’autorité, en réalité ce serait plutôt un conseil, une mise en garde. Parce que s’il y a bien quelque chose qui attristerait Jake, c’est de s’apercevoir qu’il a, encore une fois, gâché la vie de Blair. Rendez-vous compte, voilà seulement un an qu’ils connaissent leurs visages respectifs et déjà le plus vieux entraîne sa fille policière dans un délit, certes mineur, mais qui n’en reste pas moins un délit. On est loin de l’exemple parfait d’un bon paternel.

—  Bien, c’est ce que je voulais entendre.  

S’en suit un moment enfantin, adorable néanmoins, où les deux se chamaillent gentiment, peinture sur leurs vêtements. Peut-être aurait-il eu des situations semblables s’il avait pris le temps de faire partit de la vie de Blair dès son plus jeune âge ? Cela lui aurait-il plu ? À l’époque non, bien trop jeune, bien trop nerveux pour prendre plaisir à jouer avec sa progéniture, mais dix petites années de plus auraient peut-être changé la donne, l’alcoolique n’en serait pas devenu un et elle aurait eu ce papa dont elle a certainement toujours rêvé. Celui qui se déguise en père noël, qui supporte la vue d’un Mickey, d’un Donald et d’une Minnie rien que pour satisfaire son enfant, celui qui apprend à faire du vélo et plus tard, à conduire une voiture. Quel nul a-t-il été, un trouillard de première. « Tu pourras m'envoyer la photo aussi ? Simplement pour garder un souvenir. » Admirant le cliché, il jette un œil vers sa fille et lui sourit.  

—  Pas de problème ! Je peux même te l’imprimer si tu veux ! Et au passage j’imprime une photo de Misha, tu pourras l’accrocher sur une cible, je t’assure que ça défoule.

Car oui, tous les moyens sont bons pour extérioriser sa colère, jusqu’à accrocher une photo de son cousin sur la porte de ses toilettes et y lancer deux-trois fléchettes à chaque vidange. Certainement les meilleurs moments de ses journées, ennuyantes au possible. « Oui, je pense que c'est bon, on a bien tout décoré et il va surement avoir quelques appels dans les prochaines heures. » Idée du siècle n’est-ce pas ? Après l’art de Blair évidemment. Mais ô combien il souhaiterait être présent pour voir sa tête quand il recevra tous ces appels, ô combien il payerait cher pour se transformer en souris pour être le spectateur de son ras-le-bol.  

— Je payerais cher pour voir sa tête quand quelqu’un l’appellera pour une petite gâterie. Il marque une pause. Tu me diras, je peux toujours l’entendre, payer quelqu’un, peu importe le prix, ce sera un bon investissement.

Surtout s’il décide d’enregistrer la conversation. Comme il a hâte ! Comme il ne tient plus en place ! « Champomy ?! Tu penses quand même pas que j'ai toujours 10 ans ? Est-ce qu'une bière ou un verre de Gin te conviendrais ? Je pense que c'est plus discret si on va chez moi que de traverser la ville. » Dix ans sans doute pas, mais il est bien difficile d’admettre qu’il a l’âge d’avoir une fille assez âgée pour boire de l’alcool, lui qui est si jeune, si beau...

— Si une bière ou un gin me conviendrais ? Blair, je t’en prie, c’est demander à un malade s’il veut la santé ! Rétorque-t-il. Cassons-nous d’ici vite fait alors !

Ni une ni deux, ils s’en allèrent tout deux vers l’appartement de Blair, RAS sur la route, pas un chat. Excepté celui de sa fille, qui les accueillent au seuil de la porte. Le fameux Batman ! Jake ne déteste pas les chats mais ne les apprécient pas particulièrement non plus. Toutefois il fait l’effort de caresser le félin l’espace d’une seconde, histoire de lui faire comprendre qu’il vient en paix. « Tu veux boire quoi alors ? J'imagine que je te propose pas de l'eau. » Voyant le gin et le tonic dans les mains de la vingtenaire, Jake haussa les épaules, parfaitement à l’aise.  

— Bah écoute, un verre de gin et une bière je veux bien, comme ça pas de jaloux ! Il pointe la jeune femme de l’index. Oh, s’il te plaît, bien sûr !  

La politesse avant l’alcool. Une leçon qu’il lui faut réapprendre. « Tu crois que Misha va comprendre que c'est nous ? Il est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir. » Assis sur une chaise, le détective éclate de rire. Il ne l’entend jamais cette expression et comme elle sied bien à notre ami Misha ! Après réflexion, il répond sans la moindre hésitation.  

— À moins qu’il ait assisté à un cours de dessin avec toi, j’suis sûr que tu peux dormir tranquille, il a pas la lumière à tous les étages, tu sais bien. Bon pour moi c’est autre chose, j’vais surement être la première personne qu’il soupçonnera...ce dont j’me fiche totalement d’ailleurs ! En plus, pas vu, pas pris comme on dit !

Il lui sourit, attrape le verre qu’elle lui présente et en boit une gorgée. Pour sûr qu’il saura qu’il est impliqué, qui d’autre que Jake aurait la merveilleuse idée de poser son numéro de téléphone à côté de prestations érotiques ? Et qui donc signerait avec une moustache ? Personne ne la porte aussi bien que lui, et c’est bien connu, il est l’un des rares à en avoir une à KF, voir même le seul. Mais qu’importe après tout ! Le principal n’est pas la vengeance au final, mais bien ce moment, bien qu’étrange et inconvenant, passé en compagnie de celle qui compte de plus en plus aux yeux du quadragénaire, celle qui fait partie désormais des personnes les plus importantes de sa fichue vie.