It's time for the cigar w/ Alexei #1

Après avoir joué nerveusement avec mon téléphone du bout de mes doigts, je viens le jeter sur le bureau de mon quartier de lieutenant, accompagné d’un long soupire, qui vient extraire l’air présent dans mes poumons. Je ne fais pas attention à l’instant où mon dos entre en contact avec le dossier de ma chaise, je ne peux empêcher mes doigts de venir se poser sur mes tempes, de les masser doucement. Je ne sais pas comment est-ce que je vais pouvoir me sortir d’une telle situation, six mois que je perd le contrôle d’une vie pourtant bien rodée, l’élément déclencheur de toute cette situation est le décès de ma soeur aînée, le tout dernier en date, j’ai couché avec la femme de l’un de mes meilleurs amis. J’ai fait cette connerie avant même d’apprendre que la distance à fini par les éloigner, qu’ils aient décidé de s’accorder une pause dans leur mariage. Une erreur de parcours que je suis en train de regretter et qui en même temps m’a fait du bien sur l’instant, loin de l’état dans lequel se trouve ma vie, mon quotidien. J’ai besoin de me changer les idées, j’ai besoin de ne pas penser à Chyler, aux messages que l’on vient de s’échanger, je ne veux plus toucher à mon portable pendant quelques minutes, voire même quelques heures. C’est une toute autre idée qui est en train de traverser mes pensées, qui me pousse à venir attraper deux cigares dans ma main, avant de de sortir de mes quartiers. Mes pieds sont en train de fouler les couloirs d’une caserne endormie par la nuit avancée, dans les dortoirs j’ai pu voir bons nombres des pompiers en train de dormir, mais pas de trace de celui que je recherche. Un soldat du feu avec qui j’ai un lieu un peu particulier, un lien que jamais je n’aurais pensé avoir avec une victime dans ma carrière, pour le trouver plusieurs années plus tard au sein de la même caserne que la mienne. « ‘Xei ! » C’est en arrivant dans la salle commune, que je peux le trouver sur le canapé, posé devant la télévision, avec son attention posée dessus. Je ne peux masquer ce léger sourire qui est en train d'apparaître sur mon visage. « T’as quelques minutes ? » Une question que je suis en train de prononcer, alors que je viens retirer ma main de derrière mon dos, pour permettre à Alexei de poser son regard sur les deux cigares que je suis en train de tenir entre mes doigts. « Ou tu préfères continuer à regarder les programmes de la nuit ? » Il est devenu un adulte, il est devenu un pompier avec qui un lien particulier a vu le jour, pour un rituel qui est doucement devenu le nôtre, un cigare chacun, un moment hors du temps pour nous permettre de nous retrouver dans notre bulle, de vivre un instant de confession, dans un sens comme dans l’autre. Nul doute qu’avec tout ce qui m’arrive depuis le début de l’année, c’est quelque chose dont j’ai besoin, c’est ce qui me permet de m’évader d’une vie que je ne contrôle pas toujours, d’actes que j’arrive autant à regretter, qu’apprécier.

« Toi aussi tu ne trouves pas le sommeil ? » C’est une question à laquelle je n’apporte pas la moindre réponse à Alexei, la réponse étant plutôt évidente, le sommeil aurait voulu de moi, je ne me trouverais pas devant lui, pas en pleine nuit, dans une caserne plongé dans le plus grand des calme. Ce n’est pas une réponse verbale que je suis venu lui apporter, mais une réponse gestuelle, en laissant les deux cigares présents dans ma main, pour permettre à son regard de se poser dessus et de comprendre mon intention. « Toujours pour toi et non, si je regarde une minute de plus comment les poissons s'envoient en l'air, je vais faire une déprime. » Ce sourire qui est en train de marquer les traits de mon visage, est la raison des gestes du pompier que je suis venu rejoindre, en le voyant éteindre la télévision, en plus de ses propos, je comprend que son intention et bien de m’accompagner, pour un moment cigare entre nous, une tradition qui s’est mise en place toute seule, qui est devenue la nôtre. « Tu pourras prendre des notes une prochaine fois. » C’est sur une voix remplie d’humour que je suis venue lui répondre, alors que nous sommes en train de quitter l’espace commun d’une caserne que je connais depuis mon plus jeune âge, des couloirs que j’empruntais déjà lorsque mon père y était pompier avant moi.

« Alors ? Dis moi tout. Pourquoi tu n'arrives pas à dormir ? Quelque chose ne va pas ? » La question d’Alexei parvient à mes oreilles, mais je n’apporte pas de réponse à celle-ci, un silence quasiment parfait alors que je suis en train de tirer sur ce cigare que j’ai en bouche, que je suis en train de remplir ma bouche de cette fumée. Une fumée que je suis en train d’extraire dans une expiration, alors que mes iris sont posés sur ce cigare qui se tient entre mes doigts, me plongeant dans mes pensées, qui sont beaucoup trop présentes depuis cette nuit qui n’aurait sans doute jamais dû avoir lieu. Pourquoi je n’arrive pas à dormir ? La réponse est simple, elle se nomme Chyler, je ne suis pas l’homme le plus séducteur au monde, mais je ne me prive pas de passer du bon temps si l’occasion se présente, seulement avec elle, je n’aurais jamais dû me laisser aller. « J’ai couché la femme d’un très bon ami à moi … » Quel ami je fais ! C’est un zéro pointé dans les actions de l’homme que je suis, quelque chose que je ne peux effacer de ma vie, des circonstances qui me font culpabiliser, en même temps, que je n'arrive pas à regretter, c’est un peu étrange comme sensation. « Enfin sa femme … J’ai appris après qu’ils faisaient une pause dans leur mariage, il a été muté à l’autre bout du pays. » Cette histoire est un sac de nœud impossible, dans lequel j’ai réussi à venir y mettre les pieds et m’y prendre dedans. Je ne contrôle pas ma langue qui est en train de passer sur ma lèvre, alors que mon regard est toujours planté sur ce cigare qui laisse une fumée s’y échapper. « C’est complètement fou … » C’est fou parce que je ne regrette pas ce geste, mais je m’en veux, c’est fou parce que ces moments où j’arrive à me déconnecter d’une bien triste réalité, ils sont rares, avec Chyler je me suis permis de mettre le temps d’une nuit, les décès à la suite de mes deux soeurs, de la détresse de mon neveu qui doit apprendre à vivre sans ses repères, de ma nièce qui a accepté de m’apporter son aide, de cette dette familiale qui est en train de tomber sur les Weaver.