fantôme du passé (shay).

Le soleil est sur le point de se coucher, lorsque le bruit de la sonnette retentit dans la villa. Assise dans son fauteuil, roman à la main, elle fronce doucement les sourcils, la blondinette. C’est rare qu’on vienne frapper à sa porte. Surtout, sans s’annoncer au préalable. Peut-être quelqu’un qui vient rendre visite à Jamie et que ce dernier a complètement oublié de le lui dire. Peu importe. Il est dans sa chambre, le gamin et elle, elle n’est pas bien loin de la porte d’entrée. Elle se lève et laisse en plan son livre, sur la table basse, juste à côté de son verre de vin. D’un pas tranquille, elle se dirige vers l’entrée et ouvre la porte, sans même regarder au-delà des rideaux pour voir qui s’annonce. Depuis son arrivée, elle en a perdu l’habitude, Enola. Parce qu’elle ne cherche plus à se cacher à tout prix. Mais alors que ses yeux se posent sur le visage de l’homme qui se trouve devant elle, elle regrette. Presque. Depuis la dernière fois qu’elle l’a vu, bien des années se sont écoulées. Il avait seulement vingt ans, à ce moment-là. Maintenant, il doit en avoir quarante-quatre, si elle ne perd pas le compte. Toutefois, ce visage, elle le reconnait instantanément. Tout comme elle, il a pris de l’âge, Shay, mais il a toujours les mêmes traits. Les mêmes yeux. Elle ne peut pas se tromper, la blonde. « Shay… » Qu’elle laisse tomber à mi-voix, surprise de le voir débarquer devant sa demeure. Pourtant, elle ne devrait pas. Elle a bien dû lui dire que leur petite sœur était de retour, Alexa. Qu’elle était encore en vie. Qu’elle allait bien. Quelque chose de ce genre. En tout cas, c’est ce qu’elle peut présumer. Quant à elle, elle est au courant de la présence de son grand frère à Klamath Falls, Enola. Elle aurait pu aller vers lui. Tenter de renouer des liens après toutes ces années. Mais elle a peur, la Beaumont. Peur qu’il ne comprenne pas. Peur qu’il lui en veuille. Alors elle a préférée attendre le bon moment. Celui où elle se sentirait assez en confiance pour aller à sa rencontre. Assez à l’aise avec le fait de reprendre sa véritable identité. Sauf que le voilà devant elle et maintenant qu’elle a posées ses mirettes sur lui, elle ne peut plus faire marche arrière. Elle ne peut pas rentrer à l’intérieur de sa villa et lui claquer la porte au nez. Ça ne se fait pas ce genre de chose. Il est donc temps qu’elle prenne ses responsabilités en main. Qu’elle affronte ce frère qu’elle a laissé derrière elle, durant près d’un quart de siècle. Elle lui doit bien ça. Même si elle sent la nervosité qui monte en elle. Son cœur qui s’emballe. Une part d'elle est enchantée de poser ses yeux sur son frère, après tant de temps. Elle aurait envie de se jeter à son cou. De le serrer contre elle. Parce qu'il lui a manqué, durant tout ce temps. Tandis que l'autre part a peur. Craint sa réaction. Alors elle attend. Après tout, c'est lui qui vient de toquer à sa porte. Lui qui est là.

Je ne peux pas oublier les propos que ma grande sœur a tenu dans son bureau, lors de la réunion de crise pour retrouver la trace de son neveu. C’est une information que j’ai mise dans un coin de ma tête, me concentrant sur la priorité de la faveur que Daphné est venue me demander, acceptant de retrouver ce costume de profiler que j’ai mis derrière moi il y a deux années en arrière. C’est une histoire qui fait désormais partie du passé et malgré les belles distractions que je me suis offerte, mes penchants pour l’alcool sont vite revenus au grand galop. Un bon quatre d’heure en arrière au cours de cette soirée, je me trouvais au comptoir d’un des bar de Klamath Falls, à apprécier la douce saveur de l’alcool que j’ai avalé d’une traite, sans même me demander quelle boisson je suis en train de proposer à mon foie. On va devoir s'assurer que tout notre entourage soit sous présence policière. À commencer par Anya, Brayden, mes enfants, la famille de Grace. Enola. Tous ceux à qui l’on tient en ce moment sont des cibles potentielles. Ce prénom est en train de résonner dans ma tête, je n’ai pas de mal à entendre la voix d’Alexa prononcer le prénom de notre petite sœur. Jamais je n’aurais pensé entendre parler d’elle à nouveau après presque vingt-cinq années, comme quoi tout arrive dans la vie. Je ne peux garder cette information pour moi et rester sans rien faire, sans agir et bien aidé par l’alcool déjà ingurgité, je me retrouve devant sa maison, ne prenant même pas en compte les craintes que mon coeur est en train de me crier en frappant contre ma poitrine. Internet est mon ami, c’est lui qui m’a permis de trouver son adresse et manquant de réflexion dans ma démarche, je suis sur le pas de la porte à attendre de pouvoir poser mes iris sur elle pour la première fois depuis deux décennies. « Shay… » Je ne peux mettre le doigt sur une émotion en particulier que je suis en train de ressentir, envahi par une colère que je garde en moi depuis son départ, par de la culpabilité de ne pas avoir prit le temps de la retrouver, d’avoir accepté sa décision. Je ne peux contrôler ce regard froid que j’ai posé sur elle, en même temps que je m’accorde de longues secondes de silence, à garder le silence, sans bouger. Puis il y a cette sensation au fond de mon cœur que je ne peux mettre de côté, j’en veux à ma petite sœur pour ce qu’elle a fait, mais je suis content de la retrouver. Sans doute bien aidé par l’alcool circulant dans mes veines, je ne peux masquer ce sourire qui s’étire sur mon visage, à l’image de celui d’un enfant devant ce cadeau de Noël attendu dans la plus grande impatience. « Nola. » Je suis le premier surpris de cette réaction que je suis en train d’avoir, alors que je m’approche de ma petite sœur pour la prendre dans mes bras. « Alors c’est vrai, t’es de retour chez les Carter. » Ma voix est accompagnée des effets alcoolisées qui sont en moi, ne pouvant pourtant pas m’associer avec l’ivresse. « C’est bien quelque chose que je pensais pas voir se produire, félicitation tu as réussi à me prendre de court. » Avoir un coup d’avance, c’est ma spécialité, ce soir c’est Enola qui arrive à me surprendre, sans même avoir pu envisager une seconde son retour dans la vie de sa famille.

Ses mirettes sont collées au visage de ce frère qu’elle n’a pas vu depuis si longtemps. Elle a passée plus de la moitié de sa vie sans lui. C’est drôle de le voir en face d’elle, après tout ce temps. Il y a son cœur qui bat à vive allure contre sa poitrine. Mélange de nervosité et de fébrilité, sans doute. Sauf que son visage demeure impassible, immuable. Alors que celui de son frère est aussi froid que la neige. Durant de longues secondes qui lui paraissent interminables, il l’observe, en silence, Shay. Il est tout aussi immobile qu’elle. Le cœur de la blonde s’emballe encore un peu plus. Il lui en veut. C’est certain. Sinon pourquoi ce regard si froid ? Sauf que finalement, son visage froid change. Un sourire s’installe. Un vrai sourire, alors qu’il s’approche de sa petite sœur pour la prendre dans ses bras. Soudainement, elle sent une pression immense s’échapper de tout son corps. Nervosité et fébrilité se changent en des larmes qu’elle ne peut retenir, cette fois. Ses bras viennent se refermer autour de son frère qu’elle sert contre elle avec force. Contact qui lui fait un bien fou, mais qui fait augmenter le débit de ses larmes. Plus elle passe de temps à Klamath Falls, plus elle se rend compte à quel point certaines personnes lui ont manqués, comme Shay. « Je suis bien de retour, Shay. » Qu’elle articule à mi-voix, tentant de cacher et de chasser ses larmes. Toutefois, les nouvelles paroles de son frère viennent lui arracher un sourire. Personne ne pouvait s’attendre à ce qu’elle débarque, après toutes ces années. Sans doute qu’il a perdu espoir depuis bien longtemps, Shay. Chose qui serait tout à fait normale. Pourtant, elle est là, la bonde. À essayer de reprendre sa vraie identité. À reprendre contact avec sa famille. Son monde. « C’était pas le but. » Qu’elle laisse tout doucement tomber, alors que tranquillement elle se défait de l’étreinte de son frère, essuyant les traitresses de larmes qui roulent le long de son visage. Elle recule alors d’un pas ou deux, mirettes posées sur le blond. « Il fait froid, entre. » Invitation maintenant lancée, elle est prête à renouer avec son grand frère. Elle est prête à apprendre ce qu’il est devenu, après toutes ces années. Elle est également prête à répondre à toutes les questions qu’il pourrait lui poser, Shay. Elle espère seulement qu'après la surprise ne viendra pas la colère. Même si ça serait totalement légitime de sa part. Même si elle le mériterait bien, Enola.

Je ne peux m’empêcher de me retrouver à la fois plongé dans un présent où je suis en train de retrouver ma petite sœur et dans un passé où j’ai appris son départ sans même avoir la chance de pouvoir lui dire au revoir, sans même pouvoir la prendre dans mes bras. Avoir la chance de poser mes yeux sur Enola vingt-quatre années plus tard, réussi à faire naître en moi toute une vague d'émotions qui n’est pas réellement cohérente. Je peux sentir mon coeur me lancer une décharge dans ma poitrine, me rappelant cette souffrance que j’ai ressenti en apprenant sa fuite auprès de sa famille. Je ne peux pas non plus contenir bien longtemps ce sourire qui est en train de s’étirer à mes lèvres, laissant mes yeux apparaître des larmes que je ne peux contrôler, il y a bien des choses qui sont restées dans l’ignorance, mais elle est ma soeur et je n’ai jamais cessé de l’aimer. Quelques pas me permettent d’avoir Enola dans mes bras, de la sentir contre moi avec l’immense envie de ne plus la lâcher, de peur qu’elle soit capable de disparaître à nouveau. « Je suis bien de retour, Shay. » Sans doute aidé par l’émotion du moment, mais également par l’alcool circulant dans mes veines, je ne peux contenir ces larmes qui trouvent leurs chemins le long de mes joues. J’ai passé pratiquement la totalité de ma vie à être guidé par cette manière bien à moi de me faire une idée de ce qui puisse se produire, rien qu’en me fiant à ce qui se déroule autour de moi, mais le retour de ma petite soeur, c’est une grande surprise. « C’était pas le but. » Une étreinte entre nous qui est rompu, alors que d’un revers de main, je viens retirer toutes traces de ce que je suis en train de ressentir, en effaçant les larmes coulant le long de mes joues, pour un sourire rempli d’émotion qui se présente à mon visage. « Il fait froid, entre. » Je ne peux apporter de réponse verbale, simplement un hochement de la tête pour accepter sa proposition et me retrouver dans cette villa qui appartient à Enola. J’ai beau être dirigé par l’alcool présent dans mon organisme, bien qu’à plus faible dose qu’à mes habitudes, je n’en oublie pas qui je suis, l’homme brisé qui habite en moi et immédiatement mon regard se pose un peu partout. Je suis à la recherche de la moindre information au sujet de ma petite sœur, j’ai plus de vingt ans à découvrir à son sujet et j’ai bien l’intention de repartir de chez elle en comprenant. « Peut-être que je vais enfin comprendre pourquoi tu as disparu du jour au lendemain ?   » Personne dans la famille ne peut oublier cette grossesse fruit du péché qu’elle a subi et des conséquences qui s’en sont suivies au sein de la famille et des choix beaucoup trop catholiques de nos parents. « J’ai besoin de comprendre pourquoi j’ai dû accepter sans avoir le choix, de me demander durant presque vingt-cinq ans si ma petite sœur est encore en vie, ce qu’elle devient … » Elle n’est pas dans cette villa depuis longtemps ou alors elle ne compte pas rester ici plus de quelques semaines, voire quelques mois tout au plus, puisque son logement manque de cette touche personnelle. Rien, pas le moindre souvenir du passé de ma petite sœur sur laquelle je viens de poser à nouveau mon regard, bien trop attiré par un détail qui ne me passe pas inaperçu. « T’es mariée ? » Je ne peux pas passer à côté de cette alliance qu’elle porte à son doigt, je n’arrive pas à me faire à l’idée que j’ai manqué le mariage d’Enola, qu’elle a construit sa vie avec un homme que je ne connais pas, même pas son prénom. En même temps, suis-je le mieux placé pour me faire une telle remarque ? Après tout, durant de longues années j’ai eu la chance d’être un époux aimant et malgré son tragique décès, je porte encore la preuve de cet union à mon annulaire, sans être capable de la retirer.

Elle n’était pas prête, Enola, à revoir son grand frère. À tenter de renouer avec lui. Parce qu’elle avait peur. Peur qu’il ne comprenne pas. Peur qu’il lui en veuille. Même si selon Alexa, ça lui ferait un grand bien de revoir sa sœur. Peut-être. Peut-être pas. Elle n’en savait rien, la blonde. Alors elle retardait ce moment, même si elle savait que lui aussi était en ville, Shay. À nouveau, elle était prise de court. Comme avec Alexa. Elle avait l’impression que le destin lui jetait les membres de sa famille à la figure. L’obligeant à leur faire face. Sauf qu’au fond, elle était heureuse de voir son grand frère, tout comme elle avait été heureuse de retrouver sa sœur, malgré la surprise. Au fil des années, elle a appris à se contrôler, Enola. À garder ses émotions pour elle. Carapace sous laquelle elle se cache depuis trop longtemps. Néanmoins, cette carapace s’effrite petit à petit, incapable de rester de marbre devant sa sœur ou son frère. C’est pourquoi les larmes lui montent aux yeux, lorsque le sourire de Shay orne enfin ses lèvres. Ces larmes, elle ne les contrôle pas. Elles s’échappent de ses yeux sans retenue. D’ailleurs, lorsque l’étreinte se rompt entre les deux Carter, les larmes de l’aîné ne passent pas inaperçues aux mirettes de sa petite sœur. Elle a été bien égoïste de partir, Enola, sans donner le moindre signe de vie. Elle s’en rend chaque jour un peu plus compte. Surtout lorsqu’elle est témoin des larmes de son frère ou de sa sœur. Elle a été égoïste, mais elle était jeune. Tellement jeune. Et effrayée. Après, il y a eu la honte et encore la peur. Sentiments qu’elle a enfin pu surmonter, après bientôt vingt-cinq ans. Elle recule pour laisser le grand blond entrer chez elle, dans cette villa qu’elle loue et qu’elle a envie d’acheter. Pour avoir un pied à terre, même si elle retourne à Napa Valley avec Jamie. Il accepte l’invitation à entrer, Shay et une fois à l’intérieur, ses yeux explorent la demeure de la sœur. Elle, elle essaie de chasser ses larmes, de reprendre le contrôle d’elle-même. Chose difficile, mais elle arrive toutefois à calmer leur débit. La voix de son frère résonne dans la villa. Elle relève alors la tête vers lui. Pose ses mirettes sur son visage. « Je comprends… c’est totalement légitime de ta part. Tu peux me poser toutes les questions que tu veux, Shay. » Voix calme et douce qui glisse hors de ses lèvres. Bien sûr qu’il a besoin de comprendre. C’est tout-à-fait normal. Dans sa situation, elle chercherait aussi à comprendre. Elle aurait mille et une questions à poser. Le regard de Shay se pose à nouveau sur elle. Il lui demande si elle est mariée ou du moins, il le constate. Main droite qui se pose sur sa jumelle, caressant doucement l’alliance qu’elle porte encore à son annulaire. Bijou d’une certaine importance pour elle, même si son mari n’est plus de ce monde. Même si elle n’était pas profondément éprise de cet homme. Elle l’a aimée, Enola. À sa façon. Il lui manque, Isaiah, même si depuis sa mort, elle se sent plus libre. Elle se sent davantage elle-même. « Je l’étais… » Vague de tristesse dans son regard ou de nostalgie. Émotion réelle, même si sa mort ne l’a pas ravagée. « Mon mari est décédé, il y aura bientôt un an de ça. » Lèvre inférieure qu’elle mordille doucement, tout en baissant légèrement le regard. Rien de comparable à la perte que lui a connu. Shay, il aimait sa femme, sans doute de tout son être. Sinon, il ne serait pas autant meurtri. Il n’aurait pas sombré dans l’alcool, comme Alexa le lui a fait savoir. Mirettes qu’elle pose à nouveau sur son frère. Mince sourire qu’elle lui offre. « Tu veux t’assoir qu’on puisse discuter plus confortablement… » Sujet qu’elle détourne, l’invitant d’un signe de la main à la suivre au salon pour qu’il se pose avec elle.

Il y a un peu plus d’une heure, je me trouvais dans un bar, un verre à la main avec l’amère espoir de laisser les doux effets de l’alcool masquer cette souffrance que je ressens en moi depuis le décès de ma femme. Une souffrance que je suis capable de contourner quelques heures, le temps de me laisser aller par une ivresse au goût de délivrance. Ce soir mes projets se sont fait la malles en cours de route, pour que je me retrouve dans la maison de ma petite soeur, pour permettre à Enola de faire son grand retour dans ma vie après vingt-cinq années d’absences. Presque trois décennies que je me demande comment est-ce qu’elle va, si elle est encore en vie, sans jamais avoir réellement de questions à mes réponses, sans avoir la moindre certitude que ma petite soeur à survécue à cette disparition soudaine. « Je l’étais… » Sa maison est faible en décoration personnelle, un peu comme une solution pour ma petite soeur de ne pas s’attacher à ce lieu de résidence, de ne pas réellement voir ce logement, comme entièrement le sien, mais laissant l’amère impression que son retour surprise dans ma vie, dans cette d’Alexa ne va être que temporaire. « Mon mari est décédé, il y aura bientôt un an de ça. » Mes iris n’ont pas de mal à capter cette manière qu’elle a de jouer avec cette alliance qu’elle porte autour de son doigt, de cette pointe de tristesse qu’elle est capable de ressentir face au décès de son mari, mais quelque chose ne pouvait m’échapper. Je connais la souffrance du décès de l’être aimé, cette souffrance qui est devenue ma meilleure amie, ma plus grande compagnie, m’offrant cette culpabilité jusqu’à la fin de ma vie. Enoal est triste, elle est touchée par le décès de son mari, mais c’est cette part de soulagement que je suis en train de découvrir à travers chacun de ses gestes, à travers ces petites expressions que je suis capable d’un regard posé sur ma petite sœur. « Tu veux t'asseoir qu’on puisse discuter plus confortablement… » Tellement de questions sont en train de se bousculer dans ma tête, alors que mes yeux trouvent à nouveau le contact avec les siens. « Oui …   » Je vais avoir le grand besoin de prendre place sur un support confortable, tout comme je ressens le grand besoin d’accompagner ces retrouvailles par quelque chose de fort, par un de ces alcools que j’ai l’habitude de consommer depuis deux ans maintenant. « Je pense qu’on va en avoir grand besoin … » Je n’ai pas la moindre idée de ce que cette soirée est en mesure de me réserver et en même temps, j’ai cette impatience au fond de moi d’en apprendre plus sur Enola, de savoir ce qui a bien pu se passer dans sa vie ces vingt-cinq dernières années. Quelques pas me permettent de poser mes fesses sur le canapé, de passer ma main à mon visage, laissant mes doigts masser délicatement mes doigts, avant de pouvoir reprendre la parole. « Tu veux pas en parler, c’est ça ? » Je suis en train de faire référence au décès de son mari, de ces gestes qu’elle est capable d’avoir dès que le sujet est sur le tapis, de cette manière qu’elle a de choisir discrètement une solution pour permettre au sujet de changer, comme par exemple, proposer de s’asseoir confortablement. « Il t’a fait du mal ? … » C’est une question que je suis en train de poser, en me concentrant uniquement sur les réactions de ma petite sœur, son regard ne trompe pas, elle n’a pas besoin de me répondre pour la comprendre. « Non, c’est pas ça … » Il y a une partie de cette histoire que j’ai bien du mal à comprendre, suis-je le seul à réellement souffrir du décès de ma compagne ? Qu’est-ce que cache le mariage d’Enola ? Il y a beaucoup trop de questions que je suis en train de me poser, beaucoup de réponses que je suis en train de chercher par mes yeux qui ne manque pas la moindre indication non verbale de la part de ma petite sœur.