She's my daughter too, I just wanna have time with her w/ Alexis #5

Je ne peux contrôler ses mouvements de ma main, des tremblements qui sont devenus mon combat quotidien, alors que je viens m’appuyer contre le bureau qui se trouve tout près de moi, mon regard suivant le mouvement de mes doigts entourant mon poignet pour essayer de calmer un bras que je ne suis même pas capable de contrôler. Je n’ai qu’une envie c’est de céder à la tentation de l’appel de ces petits cachets que mon corps réclame sans que je sois capable de m’en rendre compte, ce n’est pas faute que ma femme cherche à me faire ouvrir les yeux. A en croire ses propos, je me trouve dans une dépendance que je ne suis plus capable de contrôler, plongeant mon corps dans un état second dès lors qu’il estime ne plus être suffisamment rassasié de ces petits cachets que je prends depuis de longues semaines maintenant. Je me retrouve dans un cercle vicieux que je ne suis plus capable de contrôler, je me retrouve perdu face à une situation qui ne cesse de mener la danse. J’ai passé presque douze années de ma vie à empêcher Alexis de pouvoir avancer dans sa vie et lui laisser la chance de pouvoir être heureuse, résultat, pour lui rendre une liberté qui lui appartient, je me suis enfoncé dans un engrenage du passé sans même m’en rendre compte. Evoquer l’Irak n’est jamais une bonne idée, ce n’est pas sans raison que je taire dans un silence de plomb dès qu’un tel sujet est abordé, au grand détriment de la famille Philips durant de longues années. Puis il y a eu cette révélation, cette fausse révélation que mon premier amour pense être une vérité, jamais je n’aurais pu imaginer voir un tel regard venant d’elle pouvoir se poser sur moi, je lui ignorais pouvoir avoir une telle agressivité, mais puis-je lui en vouloir ? Certainement pas, alors qu’elle me pense l’auteur de la mort de son frère, la mort de mon meilleur ami, rien que de penser à cette idée me tord le cœur. C’est cette vérité qui m’a fait retomber dans mes travers d’un passé que j’ai passé derrière moi définitivement, le résultat étant que cette dépression qui m’a fait quitter Klamath Falls, laissant derrière moi toute une vie construite ici, est en train de me revenir en pleine face. Je ne peux pas rester indéfiniment contre ce bureau à attendre l’espoir que mon corps prenne le dessus sur ces tremblements dont mon bras en est la victime. Je suis faible, mais au moins je serais enfin tranquille, c’est une pensée que je ne peux contrôler, alors que je suis en train d’avaler l’une de ces petites pilules blanches, sans même avoir besoin d’eau. Je ne bouge pas du bureau où je me trouve, fermant les yeux pour me concentrer sur une respiration que je souhaite contrôler, pour laisser l’effet psychologique prendre le dessus. Des secondes qui défilent et mes muscles sont en train de se relâcher, je peux sentir mes doigts ne plus être crispés, je peux sentir mon bras se calmer après une salve de manque que je viens de combler. C’est le bruit fracassant de la porte de l’entrepôt s’ouvrant, qui me remet en action, rompant tout contact avec le bureau pour me décider à reprendre mon travail, mon coeur n’étant pas en reste, surpris par ce bruit durant un immense silence, il est en train de tambouriner contre ma poitrine. « Ca tombe bien que tu sois là, je vais avoir besoin de ton aide. » Des propos que je suis en train d’adresser à Terrence, du moins, que je pense lui adresser, puisque la vérité est bien différente et je n’ai même pas idée de la tornade qui arrive droit sur moi, alors que je reprend en main le transpalette électrique, près à continuer la mise en ordre de ce lieu.

Je n’ai pas la moindre idée de ce qui va se passer dans les minutes à venir dans cet entrepôt du Walmart, il faut dire que depuis la toute dernière confrontation avec les parents Philips, après cette fausse révélation que j’ai été capable de faire à Alexis, je n’ai jamais envisagé la moindre conversation entre nous, pas mal de manière négative. Je suis même persuadé de voir Terrence d’ici quelques secondes, arriver à mes côtés pour venir m’aider dans le rangement d’un entrepôt qui en a le plus grand besoin. Transpalette entre les mains, je jouis de l'électronique de l’appareil pour monter celle-ci, prêt à venir la ranger sur le rack supérieur, c’est l’idée principale, mais que je ne vais jamais pouvoir réaliser, la voix féminine de mon ex petite amie parvenant à mes oreilles. « Comment tu peux oser faire ça ? Oser aller chercher Zoey à l’école sans m’en parler, lui demander de mentir ? T’es vraiment le pire des mecs ! »  « Alexis ? » Je ne peux masquer ma surprise face à sa présence dans cet entrepôt, alors qu’elle a souhaité quitter son service plus tôt aujourd’hui, voilà quelques heures qu’elle avait troqué sa casquette de responsable, pour retrouver celui de femme et de maman de Zoey. Mon regard est tourné dans sa direction et je ne peux masquer la surprise sur mon visage, en même temps que sa colère est en train de parvenir à mes oreilles. J’ai besoin de ces quelques secondes pour mettre en place tous les éléments que j’ai en ma possession, pour réaliser qu’elle sait pour notre fille et moi. C’est un risque que j’ai accepté de prendre en toute connaissance de cause, mais aujourd’hui je vais devoir en assumer les conséquences, face à une maman qui ne souhaite probablement qu’une chose, me tuer de la même manière qu’elle pense que j’ai tué son frère. Je n’insiste pas dans l’idée de prolonger cette tâche de rangement, après avoir remonté cette palette, je joue du bouton du transpalette pour la descendre à terre, ça sera pour plus tard, plus important se présente devant moi.  « Comment je peux oser avoir l’envie de passer du temps avec ma fille et d’être un père présent pour elle ? C’est vrai, c’est une question tellement honteuse qu’on devrait y réfléchir ensemble, pour mieux comprendre. » Je ne préfère même pas relever la partie me concernant, celle de ce début d’image qu’elle a fini par se faire de moi, après tout, je reste conforté dans cette idée que plus elle va croire en la version d’un Justin mort des mains de son meilleur ami, plus elle va s’autoriser le droit de refaire sa vie, d’accepter de pouvoir trouver son bonheur avec quelqu’un d’autre que son premier amour. Je ne peux garder ce soupire pour moi, puisque je connais Alexis, malgré les onze années qui nous séparent de notre idylle amoureuse, j’ai conscience que cette conversation n’est pas prête de s’arrêter, qu’elle ne fait que commencer et que la tornade Alexis est seulement en train de frapper sur l’entrepôt de Walmart. « Vas-y balances ! Tu me détestes tellement que ça va être une torture pour toi de garder tout ce que tu as sur le coeur à mon égard. » Je n’ai pas la moindre envie d’avoir à subir cette conversation, je n’ai pas l’envie de m’engueuler une fois de plus avec mon ex petite amie, mais après ce qu’elle vient de découvrir, je sais que ça va être une étape obligatoire à laquelle je ne vais pas pouvoir y échapper, autant le faire le plus rapidement possible.

Avoir recourt au sarcasme n’est pas la meilleure des idées quand une femme est en train de s’approcher de soi avec une colère débordante à l’intonation de sa voix, à travers chacun de ses gestes ou encore par la lueur terrifiante apparante dans son regard. Utiliser le sarcasme dans pareil situation est de la folie, mais c’est bien ce que je suis en train de faire en réalisant être en présence d’Alexis, en comprenant la raison de son retour au magasin, de son intention bien précise de venir me chercher. Elle a des comptes à régler avec moi et le sarcasme n’a pour but que d’amplifier un peu plus cette colère qui la ronge à l’intérieur, une colère qu’elle retranscrit derrière ce rire nerveux, un rien peut la faire exploser. « Arrête de te foutre de ma gueule, tu sais très bien de quoi je parle. »  Elle a raison, je sais très exactement de quoi elle est en train de me parler, c’est volontairement que je suis allé rejoindre Zoey a la sortie de son école, c’est en toute connaissance de cause que j’ai passé du temps avec ma fille, sans que sa mère ne soit au courant, jusqu’à aujourd’hui. « Pourquoi tu ne m’as pas tout simplement demandé ? Pourquoi t’as fait ça dans mon dos, demandant à ma fille de me mentir. Elle ne m’a jamais rien caché, je comprends mieux pourquoi elle est pas bien ces derniers temps. » Je ne romps pas le contact de ma main avec le manche du transpalette électrique, je peux sentir mes doigts être encore pris par les tremblements de cet effet de manque que je ne suis même pas capable de comprendre. Étrangement, la situation ne me permet pas de réaliser ces spasmes qui arrivent à prendre le contrôle de mon corps, beaucoup trop dicté par cette colère qui est en train de se répandre en moi, dieu que j’ai horreur de m’engueuler avec Alexis, seulement je l’ai cherché et sur tous les points. « Pourquoi je ne t’ai pas demandé ? » Je n’en reviens pas, elle a osé me poser une telle question, un peu comme du foutage de gueule. « T’étais même pas d’accord à ce que je rencontre ma fille quand j’ai appris son existence, me fais pas croire que tu aurais accepté que je passe du temps avec elle maintenant que je suis la définition même de l’homme à abattre pour toi. » Sans doute aidé par des nerfs qui se crispent par cette colère envahissante et le mélange de cette dépendance qui est devenue la mienne, je ne peux m’empêcher de sentir ces tremblements, préférant plonger ma main dans la poche de mon costume. Mes yeux n’ont pas le moindre mal à maintenir le contact avec mon ex petite amie, je n’ai pas la moindre difficulté à ressentir toute la colère qu’elle est capable de ressentir à mon encontre, par rapport à ces moments passés avec Zoey, mais également par ces propos que j’ai pu lui tenir, par cette révélation que je lui ai faite. « Tu sais quoi ? Tu me dégoûtes ! Tu me dégoûtes JR, j’arrive pas à croire que t’ai pu tuer mon frère et que tu me l’ai caché pendant autant de temps. Et tu sais le pire dans tout ça ? C’est que j’arrive même pas à te détester. Tu serais trop content que je te balance tout, tu serais trop content que je m’éloigne de toi. Que je t’oublie et que j’oublie ce que t’as fait à Justin mais ça n’arrivera pas. » Je ne suis pas réellement sûr, qu’être content qu’Alexis puisse s’éloigner de moi soit la traduction exacte de ce que je suis en mesure de ressentir, mais tout est différent du passé, rien n’est plus comme avant. Je n’ai pas l’intention de passer pour le meurtrier de son frère, sans la moindre raison, je n’ai pas la moindre envie qu’elle puisse me détester, mais si c’est le prix à payer pour qu’elle puisse m’oublier, accepter de refaire sa vie, alors c’est une condition que j’accepte. Seulement elle ne semble pas décidée à vouloir me laisser dans le passé, elle semble bien maintenir cette once de colère à mon égard. « Qu’est-ce que tu ne comprends pas Alexis ? Il serait temps pour toi d’arrêter de vivre dans le passé et de continuer de croire que celui que j’étais quand on était ensemble est toujours là ! » Je regrette à l’avance ce que je vais lui dire, me persuadant que c’est sans doute la meilleure chose à faire, malgré la colère résonnant à travers ma voix. « Je ne suis plus le Jeremiah Holstead que tu as aimé, je ne suis plus ce mec Alexis et il serait grand temps pour toi d’ouvrir les yeux ! Je suis parti pour que tu puisses m’oublier, pour que tu aies la chance de refaire ta vie et tu n’as rien trouvé de mieux à faire que m’attendre. » Une vérité que je suis en train d’arranger à ma façon, me permettant d’avoir les arguments nécessaires à ma démarche aussi douloureuse soit-elle. « Après l’Irak je n’aurais jamais pu te rendre heureux, personne ne peut comprendre ce que c’était là-bas, de tout ce qu’on a vécu avec ton frère et personne ne doit savoir ce qu’il s’y est passé. Depuis que je suis revenu sans lui, tes parents me l’ont fait payer et ils ont eu raison, sur tout, mais il est simplement hors de question que les seules images qui puissent vous rester de Justin soient celles du fruit de votre imagination sur ce qu’il a pu traverser là-bas. » Je ne suis pas capable de m’en remettre, ce n’est pas faute de m’être convaincu de l’avoir fait, alors que je me suis trouvé sur place, comment sa famille pourrait faire son deuil à vivre en boucle des scènes d'événements qu’ils n’ont pas connu. « Ca c’est mon fardeau à moi, pas le vôtre ! » Je suis le seul à devoir vivre avec l’atrocité de ce souvenir, je suis le seul à devoir revivre encore et encore les images de la mort de mon meilleur ami, quand bien même elle me pense responsable du décès de son frère. La seule chose qui puisse compter pour moi c’est qu’elle accepte de vivre cette vie qu’elle a beaucoup trop mis de côté pour moi, c’est qu’elle, tout comme ses parents, ont les souvenirs de Justin qui les font sourire, qui sont même capable de pouvoir les faire rire en y repensant.

Ce n’est jamais de gaîté de cœur que je me retrouve en train de m’engueuler à mon ex petite amie, pour dire la vérité, nous sommes plutôt devenu des experts en la matière depuis mon retour à Klamath Falls et nos retrouvailles. Ce n’est pas une première non plus de se retrouver à hausser la voix dans le magasin où l’on y travaille tous les deux, mais c’est une première dans cet entrepôt. Je n’ai pas l’envie de me retrouver dans une telle situation avec mon premier amour, je n’ai pas envie qu’on en arrive dans de telles proportions, mais malheureusement aujourd’hui, je n’ai plus d’autres choix qui s’offrent à moi. Alexis me pense responsable de la mort de son frère, à juste titre puisque ce sont des propos que je lui ai tenu et que je tiens à ce qu’elle pense être vrais. Je n’ai plus l’intention de la laisser espérer un avenir entre nous, alors qu’avec Gemma nous essayons de sauver notre mariage, de sauver notre famille, je ne peux plus lui gâcher plus de temps que je ne l’ai déjà fait, parce que tout est beaucoup trop compliqué. « Mais parce que tu crois que je t’ai attendu ? Que j’ai passé onze ans de ma vie à attendre que tu refoutes les pieds dans cette ville ? T’as même pas été foutu de me dire que t’étais de retour. Tu savais très bien que jamais je ne quitterai Klamath Falls donc t’es revenu en sachant que je serai là mais non, t’as préféré que je tombe sur toi au travail. »  Je ne peux empêcher ma mâchoire de se contracter, de serrer les dents à l’instant même où mes yeux se détournent d’elle, comme une seconde de répit, une seconde à reprendre la majorité du contrôle sur cette colère qui circule en moi, bien aidé par une longue inspiration. « Est-ce que toi tu m’as oublié ? » A l’annonce de cette question, mon regard trouve le sien avec une grande facilité. Je peux sentir mon cœur se fendre, se serrer contre ma poitrine, parce que j’ai conscience qu’apporter une réponse à cette question, c’est continuer à lui faire du mal, tout ce que je ne veux pas. « T’es la première femme que j’ai aimé et ça, je ne pourrais jamais l’oublier. » C’est une vérité qui me permet de détourner ma réponse, jamais je ne pourrais oublier ce que l’on a vécu tous les deux, jamais je ne pourrais regretter notre histoire, tout ce que nous avons traversé ensemble, même si aujourd’hui la vie a fini par nous séparer, principalement mes décisions et mes choix. « MAIS SI TU NOUS AVAIS EXPLIQUE CE QU’IL S’ETAIT PASSE ON AURAIT PEUT ÊTRE PU T’AIDER ! » La voix forte d’Alexis parvient à mes oreilles, mon regard est sans doute beaucoup plus sombre que je ne le souhaite réellement, ma colère est beaucoup plus présente que ce que je ne puisse penser. « ARRÊTES DE ME PRENDRE POUR UN CON ! » Une courte seconde de flottement, de pause dans ma prise de parole où ma main passe dans mes cheveux, essayant une nouvelle fois de reprendre le dessus, mais il est difficile de lutter face à un corps qui me lâche jour après jour. Jamais je n’aurais imaginé que l’on puisse en arriver à une telle situation, est-ce que les choses auraient été différentes si nous n’avions pas recouché ensemble ? Je n’en suis pas réellement sûr, un jour ou l’autre, le sujet Justin serait revenu sur le tapis et cette fausse vérité aurait tout de même franchi mes lèvres.  « T’as refusé toute aide Jeremiah, t’as pas idée de l’angoisse que j’ai vécu quand t’es revenu, je sais que toi aussi mais t’as pas idée. Toutes les nuits j’avais peur de m’endormir parce que j’avais peur de tes réactions la nuit, peur que tu te réveilles encore en hurlant. Et pour ce qui est de mes parents, ils ont leur tort dans l’histoire aussi mais tu peux comprendre qu’ils avaient besoin de faire leur deuil eux aussi, de savoir comment est mort leur fils. Et ça, tu l’as gardé pour toi, ils n’ont jamais pu faire leur deuil. Et tu m'as brisé le cœur en me laissant seule avec eux, me laissant seule avec ma grossesse en suivant parce que non je ne t'ai pas prévenu mais il était impensable que je n'ai pas ce bébé. » Je ne sais pas exactement où est-ce qu’elle souhaite en venir, mais j’aime l’amère impression que l’on revient une année en arrière, jamais les choses ne pourront évoluer entre nous, pas avec autant de rancoeur contre moi, avec cette colère que j’ai sciemment provoqué, un peu comme on souffle sur les braises. « Si je vous avais expliqué la vérité, tu m’aurais regardé exactement de la même manière que tu me regardes aujourd’hui ! » Je peux entendre les portes battantes de l’entrepôt s’ouvrir, difficile de passer à côté d’une telle information, mais mon regard ne se dévie pas, il est en direction de mon ex petite amie. « Monsieur Holstead … » Je ne laisse pas le temps à l’employé venu nous interrompre de prolonger sa prise de parole, mon bras s’est montée, ma main est dans les airs, lui faisant comprendre de s’arrêter en plein vol. « Laissez nous, je viens vous voir juste après. » Je ne peux être plus direct dans l’intonation de ma voix ou encore à travers ce regard que je suis en train de lui adresser, il n’a rien à voir dans cette conversation, il est préférable qu’il se retire de l’entrepôt et c’est exactement ce qu’il est en train de faire. « C’est aussi notre fardeau, c’est mon frère qui est mort je te rappelle. Mon frère que je n’ai jamais pu revoir, j’ai imaginé le pire le concernant, j’ai imaginé qu’il était mort sous les balles de l’ennemi mais non, c’est son meilleur ami qui l’a tué. Tu te rends compte de ce que tu m’as dit ? » Je ne peux résister à cette tentation de me tourner, de coincer ma lèvre entre mes dents par colère, de pencher ma tête en arrière, avec cette envie de reprendre le contrôle sur toutes ces émotions qui sont en train de se mélanger en moi, mais je n’y arrive pas. Mes mains trouvent support sur le bureau qui est désormais devant moi, sur mon visage que je suis venu baisser, sur mon regard qui est posé sur le flacon de mes propres médicaments, sans même me rendre compte que je ne les ai pas rangés. « Tu pourras dire tout ce que tu veux, tu pourras retourner autant que tu veux dans le passé, rien ne va changer ! » C’est après le passage éclair d’un rictus sur mon visage, que je me retourne pour me permettre de poser à nouveau mes iris sur mon premier amour, des yeux qui traduisent toujours cette même colère que j’ai en moi ou peut-être cet état second dans lequel je suis avec cette addiction que je ne peux réaliser. « Tu crois que c’est pourquoi je ne voulais rien te dire ? Hein ? » Une question que je laisse franchir la barrière de mes lèvres en avançant vers Alexis, ne la quittant pas du regard. « C’est pas l’idée que tu puisses me voir comme le meurtrier de ton frère qui m’a poussé à garder le silence pendant toutes ces années, mais l’idée du mal que toute la vérité puisse te faire … A toi et à tes parents ! » Un dernier pas qui me permet de me retrouver face à mon premier amour, qui me permet de ne pas laisser mon regard vaciller et changer de direction, je me retrouve à m’enfoncer dans un mensonge que je ne peux contrôler, un mensonge qui me semble le mieux pour tout le monde, un mensonge qui la préserve de l’atrocité de la mort de son frère.

« Je le sais merci. Je sais que je ne peux pas changer le passé. »  Toutes ces années d’absences n’ont pas permises à la famille Philips de faire le deuil de Justin et pour être tout à fait honnête, même si je n’en ai pas pleinement conscience, c’est un deuil que je n’ai jamais fait non plus. J’ai passé la dernière décennie à me bercer d’illusions, à me persuader d’avoir surmonter la mort de mon meilleur ami, mais la réalité est bien différente. Je me retrouve avec des souvenirs du passé que je suis en train de mélanger dans ma tête, d’un mensonge pour préserver Alexis, les cachets que je prend arrive à me persuader que c’est une vérité. Je suis en train de croire que j’ai réellement tué Justin, que je suis l’unique responsable de la mort de mon meilleur ami et que c'est en train de me déchirer le cœur. « Parce que t’es un lâche. » Quelques pas me permettent de me retrouver face à mon premier amour, mes iris sont plantés dans les siens, son regard n’a pas de mal à soutenir le mien. Elle est décidée à me tenir tête et je n’en attendais pas moins d’elle, même si cela veut dire, accentuer cette colère qui nous habite mutuellement. « Tu n’as pas la moindre idée de ce que c’était là-bas ! » Ces images, semaines après semaines, je suis en train de les revivre, je suis en train de retrouver ces nuits catastrophiques, je suis en train de retrouver ces réveils nocturnes, ces cauchemars qui ne cessent de se répéter encore et encore. Plus de dix années se sont écoulées, une addiction aux cachets est en train de modifier la réalité d’un drame que j’ai vécu, de me faire croire à toute une série de mensonges. « Parce que tu crois qu’en gardant tout ça secret et en me balançant ça alors que ma fille est à côté ça ne me fait pas mal ? C’est encore pire d’avoir fait ça des années plus tard. Si t’avais eu les couilles de le faire quand t’es rentré, à l’heure qu’il est j’aurai peut-être un espoir de m’en remettre mais là non. Tu me dégoûtes, je te déteste autant que je t’ai aimé avant » Cette confrontation n’est pas en train de s’arranger, Alexis est venue me rejoindre dans cette entrepôt pour évacuer cette colère qu’elle a contre moi et seconde après seconde, elle ne fait qu’augmenter. Elle m’en veut et je ne peux la blâmer, mais je ne peux me laisser faire sans venir lui répondre, sans doute par excès de fierté masculine ou peut-être par excès d’une connerie que je ne suis pas capable de contrôler. « T’as pas le droit de me rejeter la faute dessus ! Je te signale que ce sont tes parents qui ont encore ramené le sujet sur le tapis, ce sont encore eux qui ont commencé à me chercher sur ça et s’ils savaient restés à leurs places, jamais personne n’aurait rien su ! Ne viens pas me mettre sur le dos la connerie de tes pa … » Une phrase que je ne peux conclure réellement, que je peux sentir la main d’Alexis s’écraser contre ma joue, mon visage est guidé par le chemin que ses doigts sont en train de me guider. Jamais nous avons été capable de réellement nous engueuler quand nous formions un couple et aujourd’hui, cette colère est tellement intense, que cette claque est partie toute seule. « T’es une ordure. » Mon premier amour a raison, je ne peux pas lui reprocher de penser une telle chose, puisque dans le fond, c’est exactement ce que je suis, une ordure et encore, ses mots restent relativement gentils. Sans doute guidé par les mauvais effets des cachets que je prend ou d’une mauvaise foi certaine, je suis capable de donner raison aux parents d’Alexis, pour quelques secondes après, rejeter une nouvelle fois la faute sur eux. « Je suis peut-être une ordure, mais je reste le père de Zoey et maintenant je connais son existence et il est hors de question que je ne fasse pas partie de sa vie, parce que tu l’as égoïstement décidé ! » Je ne suis pas en état de calmer le jeu, je ne suis pas en état de mettre de l’eau dans mon vin, alors que ma main est posée sur ma joue, que mes doigts sont à l’endroit exact de l’impacte de la claque que j’ai reçu il y a quelques secondes. « N’essaie pas de l’éloigner de moi, sinon je ferais ce qu’il faut pour faire valoir mes droits. » C’est une menace en l’air que je suis en train de prononcer, guidé par toute cette rage qui est en train de s’accumuler en moi, mené par le déroulement de cette conversation, de ce règlement de compte entre deux exs qui sont incapables de se comprendre.

« Pardon ? PARDON ? Égoïstement décidé ? T’es parti je te rappelle ! Et j’ai l’impression qu’on a trop souvent cette discussion ! Tu serais revenu par pitié si je t’avais prévenu, je n’avais pas besoin de ta pitié ! Oui j’aurai dû te le dire plus tôt que tu avais une fille mais j’ai pas réussi ! T'es revenue avec la bimbo qui te sers de femme et des enfants, t'as pas pris la peine de me prévenir de ton retour, tu t'attendais à ce que je te dises cash que t'avais une fille ? »  Ma main est toujours au contact de ma joue, mes doigts sont toujours en train de frotter cette barbe que je porte, pour des picotements que je ressens après cette gifle que je viens de prendre. J’ai conscience que je ne suis pas en train de me lancer sur la meilleure pente, j’en conscience que je ne devrais pas laisser mes émotions diriger cette conversation, mais je ne suis pas capable d’y résister, je ne suis pas capable de me raisonner. Sans doute est-ce dans mon caractère ou sans doute est-ce les propos de mon ex petite amie au sujet de ma femme, de mes enfants qui ravive un peu plus cette colère qui est en train de naviguer en moi. « Tu ne peux pas comparer mon retour à notre fille, je ne t’ai pas prévenu parce que je n’ai pas voulu raviver un passé beaucoup trop douloureux, tu ne m’as rien dit uniquement parce que tu étais jalouse de ma femme, sans même te demander une seule seconde ce qui était le mieux pour notre fille et moi, mais en pensant uniquement à toi ! » Je ne suis pas en train de lui répondre pour calmer les choses, je suis clairement en train de prendre la parole pour l’attaquer à nouveau, je ne peux pas laisser passer sans agir les remarques à l’encontre de ma famille. Sans doute, sans les cachets je serais en mesure de réaliser ce qui est en train de se passer, je serais en mesure de prendre le contrôle de mes émotions et calmer les choses, mais ces cachets je les prend et c’est avec des oeillères sur le visage que cette altercation à lieu dans l’entrepôt de ce magasin. « Faire valoir tes droits ? Quels droits ? Ne joue pas à ça avec moi, tu sais très bien que tu perdras à ce jeu. Zoey est tout ce que j’ai, je pourrais donner ma vie pour elle, tu ne l’auras jamais JR, jamais ! » Je peux entendre son rire nerveux parvenir à mes oreilles, comme nos iris n’ont pas le moindre mal à trouver à nouveau le contact, à se trouver sous forme de défi à travers nos regards, chacun utilisant les cartes qu’il a dans ses mains. Je suis en train d’appuyer sur le point faible de mon premier amour, je ne devrais pas agir de cette façon, mais je ne suis plus capable de réfléchir clairement, je suis bercé par l’envie de passer plus de temps avec ma fille, par l’envie de faire comprendre à mon ex, que tout ne sera plus dirigé en fonction de ses envies. « Et tu ne m’as pas laissé l’occasion de pouvoir donner ma vie pour elle ! » C’est une remarque que je suis en train de faire en haussant à nouveau le son de ma voix. « Continue de vouloir l’éloigner de son père, de m’empêcher de passer du temps avec elle et je ferais ce qu’il faut pour que cette décision ne t’appartienne plus Alexis. » C’est mes yeux plongés dans le sien, c’est un regard rempli de confrontation que je suis en train de lui adresser. « Que tu me détestes, je le conçois, mais je ne laisserais pas ta rancoeur m’éloigner encore plus longtemps de ma fille. » Tout n’est pas simple dans notre histoire, en réalité, depuis le décès de Justin, tout est beaucoup trop compliqué et rien ne semble pouvoir nous permettre d’arranger les choses, d'apaiser une situation que l’on ne peut contrôler tous les deux.

« Tu savais très bien qu’on allait se croiser tôt ou tard, tu aurais dû me prévenir. Jalouse de ta femme ? Comment je peux être jalouse d’une femme pareille, je te rappelle qu’elle vend son cul sur internet. J’ai ma fierté et ma dignité. J’ai agi en pensant à ma fille justement, t’as pas idée de ce qu’elle a vécu pendant toutes ces années. Savoir que son père était de retour, ça l'a beaucoup perturbé. »  Il nous est impossible de pouvoir discuter sans en venir à hausser le ton, sans que l’on se retrouve dans une dispute dont nous avons trouvé le secret onze années après notre séparation. Une relation idyllique, qui a aujourd’hui des allures de parents incapables de se comprendre, incapable de communiquer pour le bien être de cette petite fille, il est bien plus fort que moi que de lui répondre, je ne sais pas rester silencieux, je ne suis pas capable de laisser passer simplement l’orage. « Arrêtes de me reprocher de ne pas avoir la moindre idée de ce qu’elle a pu vivre, parce que tu sais très bien que si tu m’avais appelé pour me prévenir, elle n’aurait pas grandi sans la présence de son père ! Quant à ma femme, tu ne sais absoluement rien d’elle, de son histoire et des raisons qui l’ont poussé à faire ce qu’elle fait aujourd’hui ! » C’est impossible de mettre fin à une conversation qui ne peut pas être viable, nous sommes dans une conversation de sourd et nous ne sommes pas capable de nous en rendre compte, au lieu de ça, nous continuons cette dispute dans l’entrepôt du Walmart, comme si cet endroit était le lieu parfait pour cela. « Je ne t’empêche pas de passer du temps avec elle, simplement pas derrière mon dos en demandant à ma fille de mentir ! Et arrête tes menaces, tu sais très bien que je gagnerai face à toi concernant la garde de Zoey. » Je ne peux m’empêcher d’apporter ma main à mon visage, de venir masser mes tempes, face à une situation qui est en train de nous échapper, pour deux voix qui ne cessent de monter l’une après l’autre. Alexis n’a pas peur de moi et je le sais, elle n’a jamais eu peur de moi et pour dire la vérité, ce n’est absolument pas ce que je recherche. « C’est pourtant pas l’avis qu’elle a … » Sans doute une phrase assassine, le temps passé en compagnie de Zoey, le sujet Alexis n’a pas été abordé bien souvent, parce que l’un comme l’autre avions conscience que ce n’était pas bien, parce que cette petite fille est simplement guidé par l’envie d’avoir un peur ou du moins de connaître son père. « Oui je te déteste mais je sais aussi faire la part des choses. » Je ne peux contenir pour moi cet air que je suis en train de laisser s’échapper de ma bouche, avec l’intention d’essayer de reprendre le contrôle sur une situation qui nous échappe complètement, qui m’échappe à un point dont je n’ai même pas idée. « C’est quoi ça ? » Mes cachets, surpris par l’arrivée d’Alexis, par la tornade qu’elle a décidé d’amener avec elle pour venir me confronter, j’ai fini par oublier la présence de cette boite sur le bureau de l'entrepôt, sagement posé à la vue de mon ex petite amie. « Qu’est-ce que ça peut te faire ? Après tout ce que tu as appris, qu’est-ce que t’en a à faire de savoir ce que c’est ? » Une question qui n’attend pas la moindre réponse,une pause d’une courte seconde avant de reprendre la parole assez rapidement. « Je paierais toute ma vie pour ce qu’il s’est passé … » Une décennie que je me persuade d’avoir surmonté la mort de Justin, que je crois dur comme fer avoir fait le deuil de mon meilleur ami, mais revenir à Klamath Falls, le retour d’Alexis dans ma vie, les derniers mois écoulés m’ont montré que ce n’est pas la réalité, que jamais je ne pourrais me pardonner ce qui a pu se passer en Irak.