Do not count on me w/ Daphné #1

Chaque personne à ses petits rituels du matin, certains en ouvrant les yeux vont venir prendre leur portable et ouvrir les réseaux sociaux, se tenir à jour des nouvelles, d’autres ont besoin d’une tasse de café avant même de prononcer un seul mot. Quant à moi, mes petites habitudes du matin c’est de plonger deux aspirines dans un verre d’eau, pour réussir à masquer les effets de cette gueule de bois qui est bien plus légère avec les vingt-quatre années écoulées. Ce sont mes habitudes du matin, mais en ce moment précis, ce que je suis en train de plonger dans le gobelet que j’ai devant moi, ce n’est pas de l’aspirine, mais du sucre que je suis en train de verser dans mon café. A dire vrai, je ne sais pas combien d’heure de sommeil je me suis accordé cette nuit, je ne me souviens même pas avoir quitté mon canapé pour rejoindre mon lit où je me suis réveillé. Il est difficile de se souvenir de certains détails après de nombreux verres d’alcool, mais il n’est pas impossible de se souvenir de ce qui a pu se passer avant les doux effets de l’alcool. Pourquoi suis-je en train de penser à une telle chose ? Parce que mon regard vient de se poser sur une personne en particulier, alors que je tiens mon café dans ma main, prêt à m’éloigner des machines à café. Cette femme, ce n’est pas la première fois que son chemin croise le mien et hier soir était la toute dernière fois, jusqu’à aujourd’hui, étrangement un sourire vient se présenter sur mon visage. Je suis amusé par la situation, je suis amusé de la voir avec un dossier dans sa main, quand elle a une idée en tête, elle ne l’a pas ailleurs. Je ne cherche même pas à la fuir, je suis même amusé par la persévérance dont elle fait preuve, pour essayer de me convaincre de venir la rejoindre au sein de son agence. « Montgomery Investigation, je dirais bien que je suis surpris de vous voir ici, mais c’était prévisible. » Je ne peux masquer ce sourire qui est en train d’étirer mes lèvres, alors que je plonge ma main libre dans la poche du pantalon que j’ai sur moi. Je ne peux empêcher mon regard de détailler les moindre détails chez elle, même les plus anodins, comme un trait de son visage qui se démarque des autres à mes yeux, comme cet effet de surprise qu’elle tente de masquer par un sourire qu’elle est en train de me montrer, en terminant de s’approcher de moi. « Je suppose que vous avez mis la main sur votre banquier et que vous venez me remercier avec un contrat à mon nom ? » Je n’ai pas oublié les détails de l’affaire qu’elle est venue me mettre sous les yeux la veille, je peux me souvenir de chaque ligne sur laquelle j’ai pu y poser mes iris, alors que je n’en démords pas, l’homme recherché est dans les finances, plus précisément auprès d’une agence bancaire. Ai-je perdu la main après ces vingt-quatre mois écoulés ? Je ne suis pas tenté par un retour en tant que profiler ou encore comme consultant, mais ma curiosité me pousse à avoir une réponse à ma déduction. Je n’ai pas besoin d’une réponse de la part de Daphné pour comprendre que j’ai visé en plein dans le mille, de quoi agrandir ce sourire, qui ressemble à celui d’un enfant, un sourire de fierté, faisant briller mes yeux. « C’était bien le banquier ! Hein ? » C’est une question rhétorique que je suis en train de poser, je n’attend aucune réponse en retour, j’ai la confirmation sous mes yeux, pas besoin de l’entendre par la voix de Daphné. « Vous ne lâcherez jamais l’affaire tant que je n’aurais pas accepté votre offre ? Vous allez devoir faire preuve de beaucoup de patience, je ne suis plus celui que vous voulez recruter. » Je reste le même homme dans le fond, je sais toujours faire preuve d’autant d’arrogance, alors que j’ai déjà subit les conséquences de mes actes, sauf que désormais ce sont mes petits tours de passe-passe, que je garde pour moi, pour mon occupation personnel, par amusement.

Shay Carter. Daphné l’avait tout d’abord connu via sa réputation. Profiler au FBI – l’un des meilleurs de sa génération – elle ne pouvait qu’être admirative de ses états de service. Et elle l’avait également rencontré à de brèves occasions de réunions familiales Davis/Carter, puisqu’il était le frère d’Alexa et qu’il était venu vivre à Klamath Falls il y a deux ans, après que son existence ait basculé dans l’horreur absolue. Sa femme avait été tué par le psychopathe qu’il poursuivait. L’homme était depuis rongé par la culpabilité, et noyait ses démons dans l’alcool. Il avait quitté le bureau fédéral et était désormais simple vigile à l’hôpital de la ville. Qui l’eut cru ? Mais si Daphné compatissait avec la souffrance qu’endurait Shay, elle ne pouvait s’empêcher de penser que c’était du gâchis – pour lui comme pour la communauté – qu’il ne mette plus au profit de la population ses talents de criminologue. De plus, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir un élan de sympathie pour le personnage, malgré ses défauts. De ce fait, elle avait pris cette habitude de venir le solliciter régulièrement, soit pour lui demander un avis, un coup de main de façon tout à fait innocente, soit pour essayer de le débaucher à son agence. A chaque fois, il la rembarrait, mais elle aurait juré que ses assauts l’amusait dans le fond.

Puisqu’en dehors de ses heures de travail, Shay Carter était bien souvent imbibé d’alcool, Daphné venait généralement le trouver à l’hôpital, pendant ses heures de travail, là où elle était certaine de le retrouver sobre et en pleine possession de ses moyens. Et cette fois là ne fit pas exception à la règle. Elle n’eut aucun mal à localiser la silhouette familière près des distributeurs à café. Lui-même esquissa un sourire amusé en la découvrant se diriger vers lui d’un pas décidé. Presque un rituel entre eux au final. Il engagea la conversation le premier, soulignant le fait que sa venue était prévisible. « Vous ne seriez pas l’un des meilleurs dans votre domaine si cette déduction vous avait échappé. » rétorqua-t-elle du tac au tac. Shay enchaîna ensuite avec une insolente assurance sur l’exactitude du profil qu’il avait établi pour elle lors de leur dernière rencontre, la veille. Elle ne put qu’acquiescer. « Le banquier…. En effet. Une fois de plus, vous m’avez prouvé vos capacités. » elle ne lui passait de la pommade sur le dos, c’était une simple constatation. Cet homme l’impressionnait réellement et lui inspirait un profond respect, même ivre mort. Après l’Enfer qu’il avait traversé, comment lui en vouloir de chercher à anesthésier la douleur dans l’alcool ? Avant qu’elle n’explique le but de sa visite, il avait déjà repris la parole, soulignant son entêtement à vouloir le recruter en tant que privé. Elle nota néanmoins dans un coin de son esprit qu’il n’opposait pas un refus catégorique. Vous allez devoir faire preuve de beaucoup de patience…. « Ca tombe bien, je suis quelqu’un d’extrêmement patient. » répondit-elle d’un air amusé. Puis elle secoua la tête lorsqu’il ajouta qu’il n’était plus le même. « Détrompez-vous, c’est en vous, ancré dans vos tripes, ça fait partie de vous que vous le vouliez ou non. C’est comme être flic. Quoi qu’on dise, on l’est toute sa vie. » Elle arqua un sourcil.  « Un jour vous me direz oui. » conclut-elle simplement, comme si c’était une évidence en soi. Puis elle tendit le dossier qu’elle tenait entre ses mains devant lui. « Mais pour l’heure, je ne suis pas là pour chercher à vous recruter. Je voudrais vous demander vos avis sur une autre affaire… » Et elle était prête à parier que celle-ci allait éveiller la curiosité de son interlocuteur. Des décès en apparence naturels ou accidentels individuellement, mais qui devenaient suspects une fois rassemblés. Et une suspicion d’arnaque à l’assurance à la clé.

Je ne peux cacher mon amusement sur mon visage, je connais les intentions qui se cachent derrière les visites récurrentes de Daphné, mais je suis comme un enfant avec qui on est en train de jouer à une partie de cache-cache. Je m’amuse de la détective et elle semble ne pas en avoir marre, à venir me retrouver, que ce soit dans cet hôpital ou lorsqu’elle arrive à me trouver dans un bar, en même temps, ce n’est pas trop compliqué, je suis souvent au même endroit pour apprécier les effets dévastateur de l’alcool. « Vous ne seriez pas l’un des meilleurs dans votre domaine si cette déduction vous avait échappé. » C’est ce que j’aime dans mes échanges avec elle, c’est qu’elle n’a pas peur de jouer de me répondre, elle a de la répartie, elle a de la suite dans les idées et ça me faire rire, quand bien même elle ne fait que dépenser de l’énergie inutilement pour essayer de me convaincre de rejoindre son agence. Je ne cherche même pas à lui répondre, parce que j’ai envie de l’entendre me dire que je ne me suis pas trompé, j’ai déjà ce sourire de fierté qui étire mes lèvres, parce que je sais que je ne me suis pas trompé. J’en ai terminé avec ma vie de profiler, mais ça ne m’empêche pas de garder cette confiance en moi à la limite de l’insolence, d’être sûr de ne pas me tromper en désignant un profil pour l’affaire que j’ai eu sous les yeux la veille au soir. « Le banquier…. En effet. Une fois de plus, vous m’avez prouvé vos capacités. » « C’était évident, surtout. » J’entend les compliments qu’elle est en train de me lancer, mais soyons honnête, je n’ai pas besoin des autres pour recevoir des compliment, ma confiance en moi sait faire le travail à merveille, parfois trop, comme le montre mon passé. « Ca tombe bien, je suis quelqu’un d’extrêmement patient. » Je ne suis pas au bout de mes surprises avec elle, je n’ai pas fini de la voir passer les portes de l’hôpital à ma recherche, un dossier entre les mains, avec la ferme intention de me demander mon avis. Je n’ai pas la moindre envie de retomber dans mes travers, je ne veux plus de cette vie de profiler ou de consultant, j’ai causé beaucoup trop de dégâts avec cette vie, je n’arrive même pas à me relever de mon insolence. Même avec de la patience, je ne suis pas prêt d’accepter la moindre proposition de travail, je suis bien comme agent de sécurité, c’est beaucoup moins risqué et ça me convient beaucoup mieux, même si je suis tout autant amusé par me plonger dans ces enquêtes en cours. « Détrompez-vous, c’est en vous, ancré dans vos tripes, ça fait partie de vous que vous le vouliez ou non. C’est comme être flic. Quoi qu’on dise, on l’est toute sa vie. » « Pourtant vous n’êtes plus flic, il me semble. » Tel un enfant, j’aborde ce sourire amusé qui est en train d'égayer mon visage, en même temps que mon regard retrouve le sien, alors que je viens simplement de jouer sur les mots. « Il n’y a qu’une chose qui fait partie de moi. » Ma femme. « Pour le reste, rien n’est ancré dans mes tripes. » « Un jour vous me direz oui. » Daphné a de la suite dans les idées et je ne peux que trouver cette situation encore plus amusante, je ne peux m’empêcher de m’imaginer de nombreuses stratégies utilisées pour réussir à me convaincre, pour enfin me faire accepter sa proposition et rejoindre les rangs de son agence et travailler avec elle. Si seulement elle savait ce que c’est que de travailler avec moi, elle ne chercherait pas à me recruter, parce qu’au sein du F.B.I. ce sont mes résultats qui ont fait ma réputation, mais mes supérieurs se sont arrachés les cheveux plus d’une fois. « Mais pour l’heure, je ne suis pas là pour chercher à vous recruter. Je voudrais vous demander vos avis sur une autre affaire… » Je ne peux masquer cette curiosité à travers mes iris qui se posent sur le dossier qu’elle est en train de me tendre, alors que je m’accorde le temps de boire une gorgée du café encore chaud que je me suis servie. Je peux avoir l’apparence d’un homme en pleine tourmente, en train d’hésiter entre accorder mon aide à Daphné ou lui montrer la sortie, mais je sais très bien ce que je vais faire. « Prenez ce que vous voulez, c’est pour moi. » Une proposition que j’accompagne de mon badge que je suis en train de lui passer, pour qu’elle puisse prendre ce qu’elle souhaite à boire, en échange du dossier qu’elle a apporté avec elle, montrant mon acceptation. Je n’attend pas de réponse de sa part, je me contente de m’approcher de la première table de libre, pour m’y asseoir et venir l’ouvrir, poser mes yeux sur chaque ligne qui se présente à moi et sur chaque photo que son enquête contient. Je ne fais plus vraiment attention au monde qui m’entoure, je ne fais pas attention à la détective qui est venue prendre place en face de moi, je suis comme un enfant - de ma génération - qui se retrouve devant un livre de où est Charlie, parce que c’est bien le moindre petit indice que je suis en train de chercher, je ne réalise même pas que je tiens mon café dans la main pour en boire une gorgée. « Vous avez déjà fait le lien entre chacune des morts qui sont présentes dans ce dossier, vous n’avez pas besoin de mon avis détective. » Elle a déjà une idée derrière la tête, c’est écrit sur les différents rapports que j’ai pu lire, elle sait déjà dans quelle direction elle a l’envie de chercher, pourquoi a-t-elle besoin de mon aide ?