Papa don't preach ft. Blair Owens

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{ PAPA DON'T PREACH }
♛  w/ @Blair Owens  

21 heures. Jake est inconfortablement installé dans un arbre, jumelles et appareil photo autour du cou. Encore une fois, une femme âgée est venue à son cabinet pour suspicion d’adultère. Presque blasé de ces affaires, le quadragénaire change d’avis dès la seconde où il voit le vieillard aux bras d’une jeune femme...ah non deux, enfin trois. Bordel, combien a-t-il sur son compte bancaire ? Et surtout combien de pilules a-t-il dû prendre pour satisfaire ces belles demoiselles ? Le détective secoue la tête, non, des images lui traverse l’esprit, encore une nuit où il ne pourra pas dormir.  

Alors il prend quelques photos, toutes en très bonne qualité. Car oui, s’il a un téléphone à clapet, son appareil photo lui, est un dernier cri à plus de mille balles. Un bon investissement, l’angle de vue, qui donne sur les magnifiques poitrines de ces dames, est toujours agréable à voir, surtout en HD. Preuves obtenues, l’homme descend de son arbre avec une agilité surprenante, résultat de ses années commando. Quelques pas le séparent de son bon vieux pick-up beige, une merveille bien trop souvent moquée, surtout par un certain cousin qu’on ne nommera pas. Il y dépose ses objets et ferme la portière.  

Non, il n’entre pas dans l’habitacle. Aujourd’hui, comme à peu près tous les jours depuis son arrivée en ville, il se rend au Pikey pour y boire quelques verres. Il ne les compte jamais mais le quota de la soirée -et de la nuit, est impressionnant : à lui seul il s’enfile au moins quatre pintes, sept whiskys, 2 rhums, sans oublier bien sûr le fameux cocktail du jour. Certainement inventé pour lui d’ailleurs, c’est du moins ce qu’il aime à croire, parce que le boss du lieu, c’est son ami pour la vie.  

La soirée se passe sans trop de problèmes, Jake reste assis sur son tabouret en cuir à taper la discute, une jolie rousse à côté de lui a attiré son regard, elle est seule, magnifique et semble s’intéresser à lui. Parfois quand il parle avec elle, son visage semble se métamorphoser, il ressemblerait presque à celui de sa psychiatre préférée mais très vite il se reprend, et les belles tâches de rousseurs de son interlocutrice réapparaissent.  

Après une bonne heure, un jeune homme s’approche, sa dégaine fait sourire le plus vieux. Le gamin prend des airs de délinquant, sa démarche est forcée et l’on voit nettement qu’il vient des quartiers riches de la ville. Quand ce dernier pose une sale patte sur l’épaule de la jeune femme et que cette dernière semble en être dégoûtée, Jake se lève d’un bond.  

— Dégage ta main de merdeux de son épaule, gamin.

— C’est ma copine papy, baisse d’un ton.  

Le plus âgé échange un regard avec la rouquine. Elle semble mal à l’aise, se frotte les jambes et se pince les lèvres. Tout de suite il voit le tableau, encore un homme qui refuse la séparation. Jake en a suivi des comme ça, ils stalkent leurs ex et sortent de leur cachette lorsqu’il sente qu’un autre tâte le terrain, c’est d’un pathétique.  

— Elle a pas l’air hyper heureuse de te voir, vas te chercher une autre meuf et laisse la demoiselle vivre en paix sinon...

— Sinon quoi ? Le coupe-t-il en pressant sa main sur l’épaule de la femme.  

Jake fronce les sourcils. Oublié le gentil détective, le galant homme. Il voit rouge et son instinct de militaire alcoolique prend le dessus. D’une main il empoigne le col du plus jeune. Le regard de ce dernier jusqu’ici railleur, devient peu à peu craintif. Il a raison d’avoir peur le petit, car une fois la machine en marche, il est difficile de l’arrêter. Alors il balance à terre le stalkeur et se positionne au-dessus de lui, le dominant de sa carrure imposante. Il lui assène un coup de poing, puis deux, puis trois. Quand le benjamin grogne de douleur, Jake s’approche de son oreille.  

— Il a encore envie de faire chier son ex, le morveux ?! Chuchote-t-il.  

Le dit morveux ne parvient pas à répondre, sans doute pétrifié par la peur. Ce qui agace l’ancien militaire qui n’a que très peu de patience. Alors il le roue à nouveau de coups lorsque, fatigué de la situation, le patron s’interpose et menace d’appeler les forces de l’ordre s’il continue de foutre le bordel dans son bar.  

— Vas-y boss, appelle ! Ce serait pas la première fois ! Rétorque-t-il, un sourire machiavélique au visage.  

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Les regards posés sur l’alcoolique ne le perturbent pas. Il n’en a que faire des on-dit, des rumeurs et tout autres racontars sur sa personne. Jake prend la vie comme elle vient, avec ses défauts et ses qualités. Néanmoins il ne reste pas spectateur, il défend les petites gens dès qu’il en a l’occasion. Alors non, il ne se prend ni pour superman, ni pour batman -après tout aucun d’entre eux ne prennent autant de plaisir à rouer de coups un homme, à contrario de l’alcoolique- mais il n’en reste pas moins satisfait de lui, de sa ba du jour. Parce qu’il est avant tout commando l’homme, et même si ce n’est plus sa profession, le mental d’un guerrier reste le même à vie, et rien ne changera sa soif de revanche, de défendre sa patrie.  

Mais oui, le quadragénaire en vient à oublier son bien-être, parfois son propre entourage. Il se perd dans des délires qui ne cessent d’empirer avec le temps et l’alcool. Si ça part d’abord d’une bonne intention, c’est tout de suite beaucoup moins héroïque quand on l’aperçoit les mains recouvertes de sang avec un grand sourire au visage. Comme il en a vu du plasma, parfois étalé par litre sur le terrain, parfois éclaboussé sur lui, sur ses vêtements verts camouflage. Dire qu’il adore en voir serait exagéré, disons plutôt qu’à l’instar d’un maître-nageur habitué à l’eau, Jake est habitué au liquide rouge et à l'odeur fétide qui s’en dégage.  

Alors il continue, il s’acharne sur ce jeune, sur ce fils de riche pourri gâté qui n’accepte pas la défaite, le refus d’un objet qu’il ne peut obtenir. Car oui, cette femme ne peut qu’être ça à ses yeux, une chose faite pour lui procurer du désir, un achat utile qu’il exploite sans le moindre remord. C’est à en vomir, et oui, le détective le proclame haut et fort, tabasser cette pourriture lui procure une jouissance extrême.  

Bien sûr, tout ça n’est pas sans risque. Il ne fait pas la loi, il la contourne sans cesse, défie l’autorité toutes les semaines, comme un enfant ne comprendrait aucune leçon d’une punition, Jake se prend d’affection pour la désobéissance, la rébellion. C’est pour cette raison qu’il n’exclame aucune résistance quant à l’appel de la police, parce qu’il les voit tellement qu’ils en viendraient presque à devenir sa famille. L’alcoolique connaît leurs visages, leurs noms, pour les plus bavards, ceux de leurs enfants également. Il n’est pas autant habitué aux barreaux que ne l’est son cousin mais l’enfermement, il sait ce que c’est. Une petite pièce, une tente trop petite pour une dizaine de guerriers, toujours le même environnement, les mêmes images, la même nourriture infecte. Une nuit au trou n’est rien d’autre que des vacances pour le quadragénaire, après tout il a un toit sur la tête, de quoi s’asseoir, de la compagnie...que demander de plus ?!  

Quand il aperçoit les forces de l’ordre, Jake ne retient pas pour autant ses coups. Seule la voix d’une demoiselle le pousse à résister à la tentation. « Police de Klamath Falls, suivez-moi s'il vous plait. » Il soupire et interromps sa folie presque meurtrière. Il sait que quelques secondes suffiront à le maîtriser, qu’une paire de menottes entourera ses poignets jusqu’à lui écraser la peau. Quand il lève le regard sur la plaque puis sur la jeune femme, l’alcoolique fronce les sourcils. Une nouvelle ? Il n’a jamais eu affaire à elle, surprenant quand on connaît le nombre de ses arrestations. « Une ambulance est en route pour celui-là, elle arrive sous peu, est ce que vous pouvez l'aider à sortir ? » Il lève les yeux au ciel, comme indigné des propos.  

— L’aidez pas, c’est un sale con de stalker de merde !  

Il ne mâche pas ses mots, même en présence des autorités locales. Quand la gamine la pousse vers l’extérieur du bar, l’américain souri, et salue la foule curieuse d’un geste du menton. Près de la voiture de police, elle le questionne. « Déclinez votre identité s'il vous plait et expliquez-moi ce qui vient de se passer. » Comme il s’en doutait, elle ne le connaît pas, sans doute une bleue. N’importe quel flic de cette ville saurait mettre un nom sur son visage, ce n’est pas pour se vanter mais il est plutôt connu dans la région. Comme toujours, Jake est dans l’excès et baisse le buste pour se présenter comme il se doit.

— Jake Owens pour vous servir, mademoiselle. Il se lève et lui adresse un sourire amical. Le gamin dérangeait son ex, un petit merdeux qui ne comprend pas qu’une femme n’est pas un objet, il avait besoin d’une leçon.

Sans plus de détails, Jake se tourne pour bien voir la blonde. Il ne la connaît pas mais elle lui semble bien jeune pour le métier, pour autant elle a l’air d’avoir du charisme et ne semble pas se laisser marcher sur les pieds...pas de doutes qu’elle ira loin cette jeune femme.  

— Et moi, j’peux savoir vot’ petit nom ? Je connais tous vos collègues mais vous je ne vous ai jamais vue...vous êtes nouvelle dans le coin ?   

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Certes, il n’est pas le plus apprécié du commissariat. Or le fait qu’il soit un hors-la-loi, Jake est surtout l’un des hommes les plus usants de la ville. Pendant ses nombreuses gardes à vue, il est très récurant qu’il se fasse rappeler à l’ordre, le plus souvent parce qu’il parle beaucoup trop, qu’il est trop bruyant ou trop intéressé par la vie privée du personnel. Pour les plus bavards, il connaît leurs visages, leurs noms et parfois même ceux de leurs enfants. Il se lie très peu d’amitié avec eux mais de temps à autres, un petit check est de mise.  

Alors non, ce n’est pas un problème qu’il se fasse arrêter, il est en terrain connu là-bas, en garde-à-vue. Il y croise régulièrement les mêmes personnes, les mêmes poivrots, les mêmes piliers de bar aussi alcooliques que lui. Parfois même son propre cousin, Misha. Parce qu’ils sont désespérants, d’autant plus ensemble. Un truc de famille, certainement.  

Puis la raison de cette bagarre est tout à fait honnête à ses yeux, pas comme les autres fois ou les coups sont gratuits, où ses ennemis n’ont pas forcément mérité de droite ou d’uppercut. Ce jeunot-là y réfléchira à deux fois avant d’harceler une femme, et c’est tant mieux. « Je ne suis pas sûre que c'était à vous de donner une leçon. » L’homme lève les yeux au ciel. C’est hilarant d’imaginer qu’eux, policiers, soient à la hauteur de la tâche. Eux qui sont trop occupés à coffrer des alcooliques comme lui plutôt que les fils de riche qui s’en tirent toujours grâce à papa. Pourquoi avoir imaginé des héros ? Superman n’existe-t-il pas à cause de l’injustice des forces de l’ordre ? Evidemment le détective n’en fait pas une généralité, les petits nouveaux du métier l’idéalise et prennent des initiatives qu’ils finissent toujours par regretter. Quel dommage de voir comme la société est pourrie, comme elle est dirigée par des incapables.  

— Et c’est à qui alors ? À vous qui n’êtes jamais là quand il le faut ? Me faites pas rire, si j’avais pas été là, il serait advenu quoi de la jeune femme à votre avis ?  

Ignorons le fait que la quadragénaire ait cherché à draguer la damoiselle, il a fait sa BA, c’est la seule chose qui compte. Car oui, il lui arrive très souvent de rendre service, même sans argent à la clé il prend plaisir à remettre les malfaiteurs à leur place. C’est ce qui lui manque de son ancien travail, la joie de parvenir à gagner contre les méchants, la sensation que procure la vraie victoire, celle qui vous fait trembler d’excitation. « Euh... oui, je suis nouvelle, entrez à l'arrière de la voiture s'il vous plait. » Jake fronce les sourcils. Elle semble peu encline à lui donner son nom. Ce n’est pas totalement surprenant venant d’une policière mais d’ordinaire il parvient toujours à ses fins sans trop de difficultés, si ce n’est pas tout de suite, il saura son prénom tôt ou tard.  

— Je monte. Il marque un arrêt. Mais je connaîtrais votre prénom mam’zelle, d’une manière ou d’une autre !  

Il s’exécute et pénètre dans l’habitacle. Le détective tente de démarrer la conversation à de nombreuses reprises par des anecdotes avec ses collègues, notamment celle où il est parvenu à séduire un policier du commissariat, mais elle reste silencieuse. Étrange, tout le monde rit d’ordinaire, la demoiselle n’a pas l’air dans son assiette. Si jusqu’ici ça ne l’inquiétait pas plus que cela, l’arrêt de la voiture au lac de Klamath Falls l’inquiète sans trop savoir pourquoi. C’est à se demander si elle est vraiment ce qu’elle prétend être ! Dur de se faufiler parmi les membres du commissariat mais avec un peu de talent, est-ce réellement impossible ? Bien sûr le plus vieux sait parfaitement se défendre mais la situation n’en reste pas moins troublante. « Sortez, passez-moi vos mains, je vous enlève les menottes. » Jake s’étonne mais écoute la blonde. Il sort de la voiture et masse ses poignets quand elle lui enlève les menottes. C’est fou comme un malaise inexplicable inonde l’air, comme un pressentiment désagréable.  

— On me l’avait jamais faite celle-là !  

Le détective s’adosse à l’habitacle, il ne sait que faire de son corps, évidemment il ne cherche pas à s’enfuir, bien trop curieux d’en savoir plus. Il la fixe donc, plus surprenant encore, c’est elle qui semble mal à l’aise. Curieux spectacle auquel il assiste. Soudain un regard franc, presque déconcertant. Elle paraît plus sûre d’elle. « Vous êtes bien Jake Owens de Cheyenne, Wyoming ? Vous avez été dans l'armée de terre, c'est bien vous ?? » Trop surpris pour répondre dans la seconde, Jake fronce les sourcils. Il est sur ses gardes, soupçonneux. Une petite nouvelle qui connaît ses origines ? Il est certes populaire parmi les agents mais c’est trop gros pour être le cas présent. Alors il croise les bras et se détache de la paroi du véhicule.  

— Oui, c’est bien moi. Se contente-t-il de répondre. J’ai affaire à qui là au juste ? C’est pas très pro ce que vous faites, vous êtes bien sûre d’être policière ? Comment vous savez ça, vous qui êtes nouvelle ?

Tout un tas de songes lui passent par la tête, rien n’est cohérent, sa conduite étrangement silencieuse, ce prénom qu’elle ne veut pas dévoiler, l’arrêt soudain, ses connaissances sur ses origines et son ancien métier. Se pourrait-il qu’elle vienne du même état que lui ? Non, vraiment, son minois ne lui dit rien, ses yeux peut-être, mais il n’arrive pas à mettre un nom sur son visage.  

— Vos collègues sont trop bavards ou vous vous intéressez trop à moi...dans les deux cas j’suis pas sûr d’apprécier la situation. Il marque une pause. Soit vous m’expliquer, soit j’me casse.  

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Fût un temps où Jake était caporal-chef au sein de l’armée de terre. Sans vouloir s’en vanter, n’est-ce pas un dérivé de super-héros ? Ceux dans l’ombre dont on ne parle qu’à leur décès. Triste sort que d’être reconnu une fois sous terre, non qu’il ne lui faille une caméra braquée sur lui mais un remerciement de temps en temps ne serait pas de refus. Bien évidemment le détective n’a pas aidé la jeune rousse dans cette optique-là, simple bonne action qu’il aura eu la chance de savourer, sa haine ayant laissée de belles marques sur le visage de l’harceleur.  

Et oui, le quadragénaire n’a pas honte de dire qu’il se fait justice lui-même, bien qu’il soit conscient de la difficulté du métier de policier, avouons tout de même qu’ils ont le chic pour n’être jamais là au bon moment. Quand un jeune dealer essaye de nourrir sa famille comme il le peut ils sont présents, quand un stalker psychopathe court les rues, ils le sont beaucoup moins.  

Cela étant, le fait qu’il ne se trouve pas au commissariat mais planté devant le lac de Klamath Falls est une première, jamais on ne l’avait exempté de garde à vue. Pas qu’il n’en ressente l’envie mais il faut dire que ça reste surprenant, d’ordinaire les forces de l’ordre prennent un malin plaisir à l’enfermer le temps d’une nuit. Ils se sentent comme surhumains, comme si le fait de coffrer un alcoolique était un exploit.

Le sérieux de la jeune femme et ses connaissances perturbe le plus vieux. Il n’arrive pas à mettre un nom sur son visage et pourtant elle semble ressembler à quelqu’un, quelqu’un qu’il n’arrive pas à identifier. « Fuck ! » Jake s’étonne. Ne serait-ce pas à lui d’avoir cette réaction ? La voilà qui commence à faire les cent pas. À l’image d’un match de tennis, il la suit du regard sans détourner ce dernier une seule seconde. Quelque chose cloche, elle paraît plus nerveuse que lui avec une quantité astronomique d’alcool dans l’estomac, c’est surréaliste. « Non non ! Ne partez pas ! » La situation a de quoi faire sourire. Elle semble paniquée à l’idée qu’il s’en aille mais visiblement pas pour raison professionnelle...comme quoi elle commence mal sa carrière la petite.  

— Dans quoi j’me suis embarqué moi...

Elle s’arrête de marcher tandis qu’il soupire. Si d’ordinaire il est très galant avec ces dames, l’irrépressible envie de la presser le démange. L’atmosphère paraît si étrange qu’il préfèrerait encore être enfermé. « Ok, ok, je vais vous dire qui je suis, mais je pense qu'il vaut mieux que vous vous asseyez. » L’homme fronce les sourcils et distingue le banc à quelques mètres. Il n’a vraisemblablement pas d’autres choix que de s’y installer. Impatient, il tape du pied, s’imaginant tout un tas de scénarios tout aussi farfelus les uns que les autres. Une déclaration, Un passage à tabac, Un kidnapping ? Rien de tout cela ne paraît cohérent et pourtant rien d’autre ne lui vient à l’esprit. « Alors euh... comment dire ça... ça va peut-être vous surprendre... non c'est sûr que ça va vous surprendre... je m'appelle Blair. » Blair...un prénom qu’il connaît bien. Sa fille s’appelle également ainsi, le patronyme est courant alors l’alcoolique ne fait pas le lien. Impossible qu’elle se trouve devant lui de toutes manières, pourquoi serait-elle intéressée par le fait de rencontrer son enfoiré de géniteur ? Ça n’a aucun sens.  

— Blair...Chuchote-t-il.

Il est perdu l’homme. Et il déteste ça, lui qui a toujours la situation bien en main, qui gère tout d’une main de maître. Il ne comprend pas ou plutôt, il ne veut pas comprendre, comme si son inconscient refusait de traiter l’information. « Blair Owens, fille de Kristen et de Jake. » Comme absent, il reste là, assis sans prononcer un mot. Déjà pâle, son teint blanchi à vue d’œil. Cette fois-ci le déni n’est plus permis. Son rythme cardiaque semble plafonner et ses mains, d’ordinaire normales malgré sa nervosité constante, tremblent comme pas possible. Sans le moindre contrôle, le plus vieux lève le regard vers la blonde et fronce les sourcils.  

— Blair ? Il se lève et fixe le visage de son interlocutrice. Comment ?

...Comment est-ce possible ? Lui qui était pourtant certain de ne pas la rencontrer à nouveau, de ne pas avoir la corvée de supporter ses yeux accusateurs. L’alcool ne fait plus effet et pourtant Jake s’écroule au sol. Assis en tailleur, il sort son portefeuille de sa poche droite pour y sortir une petite photo, non sans difficulté. Le visage de sa fille il y a un sacré bout de temps y est inscrit. Il n’a jamais pu se résoudre à la déchirer, à la jeter dans le feu...sans trop savoir pourquoi il contemple régulièrement cette image d’elle, celle d’une enfant sans père qui se tient désormais face à lui.  

— Y a une ressemblance...murmure-t-il. Toi…Pourquoi t'es ici ? Il marque une pause. Tu devrais être à Cheyenne, avec ta mère...Oh bordel ta mère...Il pose une main sur son front tandis que la fatigue s’abat sur lui. Laisse-moi souffler une minute.  

L’homme sort sa flasque de rhum de sa veste, geste machinal. Il boit presque la globalité du contenant et, toujours assis sur le sol, lève le regard vers sa progéniture. Elle est jolie, une chance qu’elle ne lui ressemble pas.  

— T’es quand même pas venu pour moi...si ? Il termine sa flasque d’un geste nerveux. Comment t’as su que j’étais là ? Et ta mère, elle en pense quoi ? Elle le sait au moins ? Tout un tas de questions qu’il enchaîne sans même prendre le temps de respirer. Oh putain de merde.  

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♛  w/ @Blair Owens  

Jamais Jake n’aurait imaginé des retrouvailles avec sa fille, d’autant plus dans de telles circonstances. Persuadé qu’elle ne voudrait pas le rencontrer, lui, l’ignoble géniteur absent, seulement présent pour verser la pension alimentaire mensuelle. C’est ironique quand on sait qu’il a reproduit à peu de choses près le même parcours que son propre père : l’abandon du foyer et l’aversion qu’il en impose. Car oui, s’il a assumé les frais, s’occuper de sa progéniture, quel que soit son âge, est un profond malaise pour le détective qui déteste les enfants par-dessus tout.  

Et pourtant il a failli être père une seconde fois le bonhomme, rappelons que sa défunte femme était enceinte. Étrangement le détective n’était pas aussi contre qu’il ne le pensait, sans doute parce qu’il avait mûri, qu’il n’avait rien de l’adolescent perdu qu’il était autrefois et que cette déesse, plus splendide qu’Aphrodite, l’avait changé du tout au tout par son amour inconditionnel.  

Alors oui il avait eu un faible pour cette grande blonde aux allures de mannequin, aux formes généreuses comme il les aimait auparavant. Mais après réflexion, il était bien trop jeune pour connaître l’amour, le vrai. Celui dont on est prêt à tous les sacrifices, à se projeter dans un futur inimaginable.  

La maison, les enfants, le chien, les fêtes de noël américaines ou tout le monde porte le même pyjama, ou l’on envoie cette célèbre carte postale à toute la famille. Elle rêvait de ça, sa femme, et lorsqu’elle abordait le sujet, Jake avait toujours cette petite pensée tournée vers cette gamine qu’il avait laissé, réflexion courte mais intense. Passait-elle de joyeuses fêtes, elle aussi ? N’était-elle pas malheureuse sans un autre cadeau au pied du sapin ? Mais surtout, tout cet argent envoyé, ces biens matériels qu’il s’imaginait offrir, était-ce réellement de ça dont elle avait besoin à l’époque ?  

Il sait bien que non l’alcoolique. Peut-être est-il trop porté sur la boisson néanmoins il n’est pas stupide. Pour autant il en est persuadé : elle n’aurait pas été heureuse de l’avoir pour père. Mieux valait qu’elle idéalise un homme qu’elle ne connaissait pas plutôt qu’être déçue du déchet qu’il est. « Je suis venue réclamer ma pension alimentaire. » Elle réussit à lui décrocher un rire. Il reconnaît là son propre sens de l’humour, qu’elle a dû hériter de lui sans le savoir. C’est typique des Owens, ou de cette autre partie de la famille, sans vouloir nommer un certain Kane. « Grand-mère m'a dit que tu étais là, j'ai pris contact avec elle […] Donc, elle sait juste que j'ai été muté à Klamath Falls, mais pas que tu t'y trouves et c'est très bien comme ça. » Pas étonnant que la mère de son interlocutrice ne soit pas au courant du projet de sa fille tant aimée, déjà surprotectrice -quoique jalouse, il y a une bonne dizaine d’années de cela. C’est à se demander si elle n’aurait pas évité leur rencontre si l’ex-militaire avait voulu voir sa fille. Parce qu’elle le voulait ce bébé, tellement qu’elle avait été jusqu’à mentir pour tomber enceinte. Il ne connaissait pas ce côté de sa personnalité, naïf qu’il était. Bizarrement, de nombreuses années sont passées et enfin, sans même l’avoir revue depuis, il commence à cerner le personnage. Ce qui l’étonne davantage c’est que la petite ait pris contact avec sa grand-mère paternel. Elle qu’il contacte de temps en temps, qu’il ne prend pas le temps de revoir pour cause, ses quelques addictions -pourtant semblables aux siennes. Peut-être est-ce ça la source de leur problème après tout, parce qu’ils se ressemblent trop la mère et le fils, dans le sombre péché.  

— Tu as vu ta grand-mère ? S’étonne-t-il. Elle va bien ? J’veux dire, l’alcool, la drogue, tout ça...enfin tu me diras, si elle a été assez lucide pour te donner mes coordonnées c’est qu’elle s’en sort mieux que moi ! Il rit jaune. Une crise cardiaque...S’amuse-t-il. Connaissant ta mère, elle me tuerait avant de la faire.  

Vraisemblablement ces intuitions n’étaient pas fausses, elle n’a pas changé cette femme. À l’image de sa famille, de vrais emmerdeurs qui ne pensent qu’à leur pomme, sans doute leur marque de fabrique...une chance que Blair n'ait pas l'air comme eux. « J'ai eu une proposition de mutation pour Klamath Falls et vu que je savais que t'étais là, je me suis dit que je pouvais toujours tenter. […] Donc pas besoin de stresser, si c'est trop, je ferais de mon mieux pour t'éviter en ville. » Il tique le plus vieux. Le regard dans le vide, toujours assis au sol, il se traîne jusqu’à la voiture pour s’y adosser. Un soupir lui échappe, elle a si peu d’espoir qu’elle en vient à penser l’éviter en ville, un véritable choc pour le plus vieux. Il sait sa vie fichue, qu’il gâche aussi celles des autres...mais sa fille ? Ce sang qu’il n’a pourtant pas voulu partager ? Le coup est difficile à encaisser, étrange quand on connaît l'énergumène.  

— Aaah tes grands-parents...de vraies plaies ceux-là, ils me manquent pas. Il pose une main sur sa bouche. Oups, désolé, j’ai la fâcheuse tendance de dire tout ce que je pense.

Mais il ne changerait pour rien au monde. Parce qu’il est ainsi Jake, un boulet de première certes, mais un boulet honnête qui reconnaît ses torts, qui assume ses choix quand bien même ils soient mauvais. Un faible sourire naît sur son visage tandis qu’il tapote le gravier à ses côtés. Il a bien assez fui comme ça, qu’il fasse preuve de courage au moins une fois dans sa vie, pas celle de quitter la bouteille certes, mais peut-être ne finira-t-il pas en enfer s’il fait un pas vers la lumière ?  

— Tiens, j’en ai toujours deux sur moi. Il lui tend une flasque de whisky. T’es en service mais j’imagine que t’en as autant besoin que moi. Il soupire. J’suis vraiment pas sûr de pouvoir être un père, j’peux rien te promettre, moi j’ai fait que sortir le chèque pendant des années. Son regard dévie vers son interlocutrice. Mais t’inquiète pas pour moi, j’veux bien apprendre...d’autant que t’auras du mal à m’éviter, j’me fais coffrer presque tous les week-end.  

Délinquant à plus de quarante balais, triste à son âge. L’avantage c’est qu’il passe ses nerfs sur de véritables pourritures, qu’il fait preuve de sa force militairienne pour une cause qu’il estime juste. Qu’elle soit illégale lui importe peu, il n’a rien à perdre. Enfin, peut-être pas, ces derniers temps ont prouvé qu’il n’était sans doute pas aussi dépourvu de bouées -celles qui nous poussent à ne pas se laisser envahir, qu’il ne l’imaginait.  

— J’ai une photo de toi, regarde. T’es toujours aussi belle, une chance que t’ait pas hérité de ma tronche. Il se pointe du doigt. Sauf pour la moustache, ça donne un charme non négligeable. Il rit et fixe l’horizon, pensif. Aaah j’pensais vraiment pas te revoir un jour Blair, j’étais persuadé que tu serais pas assez maso pour venir voir ton enfoiré de paternel, comme quoi la vie est surprenante...   

Plus que ça, elle sait se montrer généreuse parfois. Lui qui n'est pas assez sage pour mériter qu'on lui offre une seconde chance, c'est plus que surprenant, d'autant que d'ordinaire, elle est douloureuse, injuste et impardonnable. Pour quel acte est-il récompensé ? Et au fond quelle importance ? Il est juge de sa destinée et sans doute, pour la seconde fois de sa vie, profitera-t-il de ce qu'on lui offre...par pur égoïsme, par pur profit...ou tout simplement par solitude.

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♛  w/ @Blair Owens  

Pas de place pour le destin dans l’esprit de l’alcoolique. Dieu, Superstition et autres conneries, de simples coïncidences, des décisions rythmées par des choix, c’est ça, la vérité. Car si le Big Boss décide du chemin de vie de chacun de ses pions, de ses jouets en réalité augmentée, alors Jake aurait bien des choses à lui dire. À commencer par le décès de sa femme et de l’enfant qu’elle portait, de la vie qu’à dû mener cette petite blonde en face de lui. Qu’il ait oublié de guider son esprit, qu’il le laisse s’enivrer matin et soir. Qu’on croit qu’il est bon de se repentir, au fond quelle importance si Morgan Freeman ne lève pas le doigt ?  

Non, aucune croyance. S’il est en face de sa fille ce soir, c’est bien par son désir de connaître son paternel, aussi folle soit sa décision, elle l’a prise et semble l’assumer. Sa mutation ? Simple hasard, opportunité qu’elle a saisie. Quant à l’égarement du phénomène, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Ses bouteilles sont innocentes elles aussi, c’est lui qui décide d’embrasser le goulot, pas le contraire. Alors certes, cette soirée est invraisemblable mais ce n’est qu’un concours de circonstances...ou le résultat d’une prise exagérée de drogue hallucinogène, allez savoir.  

Mais il faut bien avouer que, malgré son athéisme, cette situation aussi déroutante que fascinante a de quoi surprendre par son hasard. « Ça va, elle est encore là, pour combien de temps je sais pas, mais tu devrais aller lui rendre visite bientôt, tu lui manques, elle adore parler de toi. Et pour ma mère, je pense que le mieux est qu'on garde tout ça entre nous, techniquement, omettre une information n'est pas un mensonge. » Rendre visite à sa mère ? Jake y pense parfois. Mais est-il vraiment sage d’enfermer deux alcooliques dans une même pièce ? Lui qui se sent coupable de sa situation, qu’il ait été incapable de protéger l’une des femmes les plus importantes de sa vie lui reste en travers de la gorge. Quand bien même il était jeune, le détective est persuadé qu’il aurait pu trouver un moyen d’éviter ces dépendances qui la rongent aujourd’hui. Quant à son ex petite-amie, mieux vaut un mensonge par omission, effectivement. Jake a bien assez de problèmes comme ça, n’en rajoutons pas davantage.  

— J’espère qu’elle t’a rien raconté de compromettant alors, parce que j’étais pas le plus sage des gosses à l’époque. Il marque une pause. Remarque, ça n’a pas changé. Il ricane. Pour ta mère je suis d’accord, je la respecte mais les 1700 kilomètres qui nous séparent me vont très bien.

Lui qui enchaîne les migraines, entendre la voix criarde et aiguë de cette femme lui reprocher tous les malheurs du monde l’achèverait à coup sûr ! Non merci, avec elle, il a déjà donné. Déjà lorsqu’il lui versait les pensions alimentaires mensuelles, elle trouvait toujours quelque chose à redire ! Le mois passé il lui avait versé 20 dollars de plus, 20 dollars qu’il a certainement dû remplacer par des substances illicites, évidemment. Et ses parents fanatiques de Dieu, eux qui prêchent des valeurs religieuses en accablant leur progéniture chérie, elle est belle l’église lorsqu’elle est remplie d’hypocrites ! Non vraiment, une vraie famille de cinglés ! « T'excuses pas, t'as raison, ils sont vraiment pas agréables, on se porte mieux quand on est loin de leurs "conseils". » Jake pouffe. Oh que oui, elle doit être bien plus épanouie loin d’eux ! Pas qu’il mette en doute l’affection de Blair pour ses grands-parents et sa mère, juste s’il était à sa place, le déménagement à Klamath Falls aurait des airs de libération de taule.  

— Putain, t’as dû en baver avec eux ma pauvre. Il boit et reprend. Je me rappelle déjà ce qu’ils m’ont dit quand ta mère leur a dit que j’étais le père. Il toussote, poursuis d’un ton bourgeois. “Comment as-tu osé donner ta virginité à un garnement pareil ? Un futur taulard, c’est ça que tu veux pour mari ?” Il fixe sa fille et rit. Dire qu’ils pensaient que j’allais lui passer la bague au doigt.  

Il s’écroulerait sous l’hilarité s’il ne se souciait pas des réactions de la blonde. Il ne mâche pas ses mots depuis quelques minutes et quand bien même elle n’ait pas l’air de s’en préoccuper, mieux vaut ne pas trop frôler le précipice. Il s’en approche déjà dangereusement alors lorsque la conversation dévie sur leur revoyure, emprisonné ou pas, il est soulagé. « C'est aussi nouveau pour moi, donc pas d'inquiétudes, je ne veux pas non plus venir chambouler ta vie. Par contre, est ce qu'on peut aussi se voir autre part que dans la salle de garde à vue du commissariat ? » Jake plisse les yeux d’incompréhension. Certes il n’a jamais été là pour elle mais pour autant, elle devrait avoir vécu en présence d’un père de substitution, non ?  

— Nouveau pour toi ? ‘Me semblait que ta mère s'était remariée, nan ? La questionne-t-il. Sinon ouais, viens au Pikey n’importe quel soir, semaine et week-end, j’y serais. Pas qu’il en soit fier mais il faut savoir être honnête. J’essayerais de pas draguer la serveuse en ta présence, promis !  

Il pose solennellement sa main sur sa poitrine, d’un geste exagéré, ferme les paupières pour les ouvrir deux secondes plus tard. L’alcoolique aussi est fou, à se demander si Blair ne regrette déjà pas sa décision d’entrer en contact avec lui. Pour autant il ne veut pas mentir, son honnêteté est l’une des rares qualités qu’il possède et comme tout un chacun le sait, la vérité finie toujours par sortir d’une manière ou d’une autre. « C'est vrai que si j'avais cette moustache, plus rien ne m'arrêterait, je pourrais certainement devenir Miss Univers. » L’homme quitte l’horizon du regard pour s’attarder sur le visage de sa fille. Elle est magnifique, le rôle de Miss Univers lui irait à merveille, avec ou sans moustache !

— Tu gagnerais ce foutu concours haut la main même sans moustache...même si ça ajouterait une fantaisie au personnage, un peu comme les femmes à barbe, de vraies bombes sexuelles !  

La plaisanterie est de mauvais goût, à l’image du dépravé qu’il est. Au moins Blair peut se faire une idée de ce qu’il est, s’il correspond à la description que mère Owens a fait de son fils. Pas sûr qu’elle ait été très objective, surtout qu’elle ignore le déchet qu’il est devenu depuis le décès de sa bien-aimée. « D'après ce que j'ai pu comprendre, c'est de famille d'être maso chez les Owens.  » Il ricane, sur ce coup elle n’a pas tort, c’est un truc de famille, le côté Kane de son sang n’en est pas épargné.  

— T’as du flair ma grande.

Lorsque la radio de police s’active, Jake sait qu’ils ne peuvent pas rester plus longtemps à papoter. Ils peuvent bien faire plus ample connaissance plus tard, maintenant qu’elle connait son QG slash The Pikey. « Ok, c'est un peu le malaise là, mais je pense que je suis quand même obligée de t'emmener au commissariat. [...] T'as l'air de mieux connaître mes collègues que moi...» Pour sûr qu’il les connaît, sans doute un peu trop d’ailleurs.  

— Ouais je les connais bien, ils m’adorent. Il bombe le torse, anormalement fier. Tu peux leur dire si tu veux, ils vont juste te refiler le sale boulot, celui de t’occuper du déchet que je suis. Il hausse les épaules. Tu fais comme tu le sens, moi ça me dérange pas. Il marque une pause, se relève et tend les deux mains vers sa fille. Emmène-moi. Pas de malaise entre nous, rien de plus normal pour une fille que d’enfermer son vieux derrière les barreaux. Il rit. Laisse-moi t’aider à te faire respecter dans le milieu, je serais sage comme une image, ça crois-moi, ils ont pas l’habitude.

♛ ♛ ♛
{ PAPA DON'T PREACH }
♛  w/ @Blair Owens  

Faible certes, Jake a beau avoir les muscles, le mental ne suis pas, suffit de voir dans quel état il est depuis plusieurs années pour en témoigner. Incapable de prendre ses responsabilités par contre, ça reste à voir. Son ancienne petite-amie peut bien lui casser du sucre sur le dos, il n’empêche qu’elle est la principale cause de leur mésentente. S’il avait souhaité la naissance de cette petite, nul doute qu’il s’en serait occupé, qu’elle serait devenue la prunelle de ses yeux. Mais avouons-le, est-il si aisé de concentrer son attention sur un bébé que l’on n’a pas désiré ? Avec le temps certainement, certains y parviennent. Mais l’alcoolique lui se sait indomptable, ingérable, l’image même du grand enfant. Dépravé, oseriez-vous confier une petite vie à un homme tel que lui ? S’en est risible que la famille de son ex l’ait même envisagé.  

Les grands-parents parlons-en. Dès le départ ce n’était pas le grand amour entre Jake et les vieux. À l’époque il leur avait suffi de voir son visage pour se faire un avis sur lui. Son physique avantageux, son visage qu’ils avaient qualifié de “tombeur” n’était pas de leur goût. Ils avaient mis en garde leur précieuse fille que Jake était un poison, qu’un jour ou l’autre il la ferait souffrir. Sans doute auraient-ils préféré un jeune homme catholique, qui les suivent à l’église le dimanche, le genre sérieux qui chante dans la chorale, qui prône la chasteté jusqu’au mariage. Et bien manque de chance, force est de constater que la blonde fût attirée par tout son contraire, comme quoi la sagesse n’est pas héréditaire.  

« Le pire, c'est qu'ils parlent toujours comme ça, mais avec une voix un peu plus tremblante, ils sont vieux maintenant, tu sais. Attend, je te montre […] "Ma chérie, à la messe dimanche dernier, j'ai revu Brandon, mais oui, tu sais, le fils de l'avocat, oui, celui qui était dans ta classe et bien, il est célibataire ! Je lui ai donné ton numéro, tu sais à 26 ans, faut que tu te dépêches." » Peut-être a-t-elle passé un peu trop de temps en leur présence parce que l’imitation est parfaite, c’est à s’y méprendre. La vieillesse n’apporte pas plus d’humanisme, encore un mythe qui s’effondre. Comme Las d’eux sans même les avoir revus, Jake lève les yeux au ciel. Vouloir la marier à un si jeune âge, dans quelle époque vivent-ils ? C’est à se demander si la vie avec son paternel ne l’aurait finalement pas rendue plus heureuse...allez savoir.  

— Ils vivent encore au moyen-âge à ce que je vois. Il pouffe. Tu m’épates, j’aurais intégré l’asile depuis longtemps à ta place.  

Plutôt crever que de vivre ça au quotidien. La vie est bien assez courte pour la passer à se faire juger 24 heures sur 24. Une vraie guerrière cette Blair, allez savoir de qui elle tient ça, un vrai mystère. « On va dire que mon beau-père s'entend très bien avec mes grands-parents. » Il ricane. Quelqu’un aurait donc trouvé grâce à leurs yeux ? La perle rare n’a pas dû être aisée à trouver, eux et leur définition de l’homme parfait.

— Oh attends, attends, laisse-moi deviner. Il plisse les yeux, prit dans ses réflexions. Chirurgien chrétien, vieux-jeu, riche, coincé du derche et autoritaire ? La vision le fait rire et il ajoute, sans transparence. Elle doit bien se faire chier ta mère !  

Elle qui était si friande de Bad boys, qui s’enfilait autant de bières que Jake quand ses parents étaient absents. L’imaginer rangée, à l’image de ces derniers à quelque chose d’hilarant. Ceci dit, et sans vouloir s’avancer, l’ancien militaire ose songer à la vie de Blair, celle qu’elle a dû supporter jusqu’ici. Tout de suite un frisson le gagne, comme une petite boule de remords qui se forme en lui.  

— Par contre s’il s’entendait aussi bien avec eux, il a pas dû te rendre la vie facile.  

Il soupire. Qu’elle le veuille ou non, plus la conversation est longue, plus Jake est pris de regrets. Certes il n’aurait pas été bon parent, même plutôt mauvais quand on connaît son aversion pour les mioches mais n’aurait-elle pas eu quelques moments de répits s’il avait été la voir régulièrement ? Sans obligation aucune, seulement une petite après-midi comme ça, de temps en temps. Perdu dans ses sombres songes, il se mord la lèvre et se reconcentre dans la seconde, histoire que Blair ne s’aperçoive pas de son trouble. « Le Pikey ? d'accord, peut-être qu'on pourra diversifier ça un petit peu ok ? » Il acquiesce. Entre son appartement, le Pikey, le commissariat et l’hôtel, rares sont les endroits que le détective visite dans la ville, hormis bien sûr pour le travail mais ça ne compte pas.  

— Ok. Je te laisserais choisir alors, moi j’suis pas doué pour trouver de bons endroits.  

Lorsqu’elle souligne le fait de prendre sa réflexion pour un compliment, le père fait un clin d’œil. Elle peut bien, s’en est un. Ce qu’elle peut également, c’est douter de l’amour que porte ses collègues au dépravé qu’il est. Peut-être a-t-il légèrement exagéré sur ce point. Par contre une chose est sûre : avec lui ils ne s’ennuient jamais ! L’ambiance est de mise quand Jake est derrière les barreaux, d’autant plus quand il est accompagné de son cousin. « Je vais pas te menotter, tu vas pas t'enfuir de toute façon ? Je pense que je vais garder sous silence encore un peu que tu es mon père si ça te dérange pas ? je suis nouvelle et j'ai un peu du mal à me faire une place. j'espère que tu comprends.» L’homme fait un mouvement vague de la main, signe qu’elle ne doit pas s’inquiéter.

— T’inquiète je comprends, c’est pas un milieu facile pour les femmes, c’est rempli de trous du cul machistes. Il hausse les épaules. C’est plus intelligent de jouer les inconnus. Il marque une pause. Par contre j’ai légèrement tendance à draguer tes collègues féminines... -et masculins au besoin mais c’est un autre sujet, ils se rendront vite compte que je le fait pas avec toi, ils risquent de se poser des questions, désolé.  

Oh soit, il trouvera bien une excuse, petite phobie des blondes, un truc dans le genre. « Prêt à passer une bonne nuit ? Promis, je te fais sortir rapidement. » Il sourit, l’attention est adorable, presque incompréhensible mais inutile de s’en faire pour lui de ce côté-là.  

— T’embête pas ma grande, j’ai plus passé de nuits sous une tente que sous un toit, à côté de mes anciennes “résidences”, le commissariat est un hôtel 5 étoiles. L’homme tourne les talons et s’engouffre dans l’habitacle. Fin prêt mam’zelle !