but she seemed so... so god damn far out of my league.

La vie du vieux Lieutenant, ces derniers temps, elle était sans dessus dessous. Y'avais Billy qui s'était installé temporairement chez lui, après que Robert lui ait évité un casier judiciaire de justesse pour s'être battu avec Kane, qui venait de coucher avec sa femme. Robert suspectait aussi que c'était un peu pour Drew, qu'il avait fait ça aussi. Et puis y'avait Lizzie qui s'était fait virer du Pikey, surement juste parce qu'elle était la soeur de Billy, et que Misha tenait ce bar. Ça avait du bon, au moins, mais c'était plus fort que lui, Robert il pouvait quand même pas s'empêcher de s'inquiéter pour elle. Ensuite on ajoute à ça le boulot incessant des derniers mois sur la ferme, et les cold case qu'il essaie de réouvrir entre les appels au poste, ça commençait à en faire beaucoup pour le vieux. Il avait jamais réellement l'impression d'avoir du temps pour lui même, pour relaxer, prendre la vie à la légère. Encore aujourd'hui, il venait de passer les dernières heures à fendre du bois dans sa journée de congé, après avoir passé l'avant midi à faire toutes les tâches habituelles du ranch. Au moins, il était seul à la maison, parce que Billy avait emprunté le camion de son père pour aller chercher quelque chose chez sa femme, ou bien est-ce qu'il était parti chez Drew? Ou Rose? Le Lieutenant avait pas trop posé de questions, en vrai, ça semblait compliqué cette histoire de femmes dans la vie de sa progéniture.

Il était sur le côté de la maison, près du boisé, avec une tonne de cordes de bois autour de lui. Son manteau d'hiver, qu'il avait enlevé un peu plus tôt, reposait sur l'une des cordes. Il avait vue sur l'avant de la maison, et sur l'entrée, mais il était trop concentré à fendre son bois pour remarquer qu'une Mercedes venait de faire son apparition dans l'allée menant à son ranch. Ce n'est que quand elle est apparu devant lui qu'il a réalisé qu'il était pas seul. Ellen Becker, bien mise et élégante à son habitude, se tenait devant lui. Cheveux aux vent, mains gantées, foulard bien en place; une vraie vision, qu'il se dit, le vieux.

- Ellen, qu'il dit avec un sourire, avant de ranger la hache en la plantant fortement dans le rond de bois devant lui, puis faire un pas vers elle. J'm'attendais pas à vous voir ici aujourd'hui.

Le Lieutenant, il l'avouerait pas à personne, mais, elle le laissait vraiment pas indifférent, la Mairesse. Il savait qu'elle était complètement hors de sa ligue, au vieux. Trop intelligente et de la haute classe pour un vieux rustre pervers comme lui. Si elle entenait les choses qui passait par l'esprit de Robert quand il la voyait, elle se sauverait probablement en Norvège pour l'éviter. Mais surtout, elle était mariée. Bon, ça avait jamais empêché Robert par le passé, mais Ellen, il la respectait assez pour ne pas la mettre dans une mauvaise position.

- Que me vaut l'honneur de votre visite? qu'il continue, souriant. Venez pas me dire que j'ai des problèmes de zonage, j'vous fous à la porte!

Un rire creu lui échappe. Alors ça, cette visite lui faisait franchement du bien.

Ellen venait de terminer une interview téléphonique avec une journaliste de Klamath Falls News, le but était de promouvoir le nouveau camping de la ville. Il n’était pas totalement terminé mais des événements prévus en février l'obligeaient à entrer en contact avec le journal de la ville. Elle espérait que l’article serait bien et donnerait envie aux habitants de venir découvrir le nouveau lieu de la ville, évidemment, Ellen avait demandé de jeter un œil à l’article avant sa publication, heureusement elle pouvait compter sur James pour qu’il s’en assure.

Le chèque pour payer le Père Noël du souper de charité se trouvait sur le bureau d’Ellen depuis bientôt un mois, elle avait espéré que Robert Buchanan serait venu le chercher en personne, mais forcé de constater, ce n’était pas le cas. Elle tapota son carnet de note avec son stylo tout en jetant des regards à l’enveloppe, elle ne supportait pas que des paiements ne soient pas faits. Ce n’était pas une grosse somme, mais le budget de la Mairie avait été mis en place en prenant en compte les différentes dépenses, dont celle du souper de noël. Elle posa son stylo, prit l’enveloppe et observa le nom écrit dessus. Est ce que ce serait étrange de lui donner en main propre ? Il y avait déjà eu des rumeurs sur eux, Scandale n’avait pas hésité à lui inventer une histoire avec Buchanan, tout comme une avec Ricky et Jake Owens. Il suffisait qu’elle parle avec un homme pour que la blogueuse lui invente une relation extraconjugale. Elle haussa les épaules, prit se leva, mis son manteau, rangea l’enveloppe dans son sac à main et sortit de son bureau. Elle annonça à Veronicka sa nouvelle secrétaire, qu'elle ne serait pas disponible dans l'après-midi, la raison “elle avait des courses en ville à faire”. C’était ridicule, elle aurait pu simplement dire qu’elle allait apporter l’enveloppe au lieutenant, mais à cause de toutes ces rumeurs, elle avait menti.

Elle se rendit d’abord au poste de police, premier lieu où elle pensait trouver Robert. Elle apprit par la secrétaire, qu’il ne travaillait pas aujourd’hui et qu’il devait se trouver chez lui. L’adresse du ranch Buchanan n’était pas un secret, elle prit donc la route pour s’y rendre, elle s’était rendue jusqu’au poste de police, autant se rendre jusque chez lui. Il n’y avait rien d’étrange à ça.

Elle se rendait rarement dans cette partie de la commune, elle put admirer les paysages enneigés d’Oregon, tout en écoutant la radio KF-NEWS. Elle s’approchait du ranch quand la météo fut annoncée, de grosses chutes de neiges devraient arriver au courant de l'après-midi, elle éteignit le moteur de sa Mercedes avant d’entendre l’heure précise et la quantité exacte de neige qui allait tomber. Elle mit ses gants en cuir tout en sortant de son véhicule, l’air froid la fit frissonner, elle entendit le son d’une hache qui fendait du bois. Se dirigeant vers le bruit, elle vit que c’était l’homme qu’elle recherchait qui le faisait. Le lieutenant se tenait là en plein moment bûcheron, elle resta quelques minutes à profiter de la vue observer, attendant qu’il la remarque. Il finit par se retourner, l’appela par son prénom tout en lui souriant, elle lui retourna son sourire :

- Robert. Je suis passée au poste de police, mais on m’a dit que vous ne travaillez pas aujourd’hui.

Comme si le fait qu’il ne soit pas à son travail, était une bonne raison pour se rendre jusqu’à son ranch, l’enveloppe aurait très bien pu attendre un jour de plus. Elle qui ne supportait pas la saleté, elle se surprit à ne pas détester la sueur sur le visage du lieutenant, trouvant cela même… attirant ? Elle devait avoir pris un coup de froid et avoir de la fièvre, d’où pouvait bien venir ses pensées. Heureusement, la question qu’il lui posa la fit se réveiller. Elle prit quelques secondes à comprendre que c’était une blague et finit par rire avec lui :

- Ne vous inquiétez pas, je ne suis pas là pour vous parler de vos terrains. Ça concerne le souper de charité, celui où vous avez été le Père Noël. Vous n’êtes jamais venu récupérer votre chèque.

Elle le sortit de son sac à main, miraculeusement non froissé, elle l’avait bien rangée entre son portefeuille et son agenda. Elle lui tendit l’enveloppe, elle était de toute façon venue pour ça. A rester comme ça dans le froid, elle frissonna, son manteau n’était pas fait pour rester longtemps dehors, elle se contentait de sortir des bâtiments chauffés pour monter dans sa voiture, elle aussi chauffée. Elle ne dirait pas non à un café.

Il était un peu surpris de voir la Mairesse devant lui, mais bien franchement, il en était surtout très heureux « Robert. » Putain que son nom dans la bouche d'Ellen ça sonnait bien. Trop bien, même. « Je suis passée au poste de police, mais on m’a dit que vous ne travaillez pas aujourd’hui. » Il secoue la tête. Contrairement à la croyance populaire, Robert ne dormait pas au poste entre ses quarts de travail.

- Je sais que c'est difficile à croire, mais je ne passe pas tout mon temps au poste, qu'il dit avec un petit sourire en coin, avant de pointer les acres derrière eux. Faut bien que quelqu'un s'occupe de tout ça, à l'occasion. Y'a des jours ou j'aime mieux être avec mes poules que d'être avec d'autres poulets.

Il se demandait vraiment cependant ce qui lui valait cette visite. Ok, ils discutaient à l'occasion, mais ils étaient pas amis à proprement parler. Elle devait bien avoir une raison d'être là. Alors il lui demande, simplement. Avec une petite blague au passage, pour détendre l'atmosphère. Elle ne semble pas comprendre, pendant un moment, mais elle finit par rire et ça rassure un peu le Lieutenant. « Vous n’êtes jamais venu récupérer votre chèque. » Ah, mais oui! Le fameux chèque qu'il avait eu à faire le Père Noël. Mais, est-ce qu'elle venait vraiment de se déplacer jusqu'au ranche pour quarante maigres dollars? Quarante dollars qui allait probablement se retrouver entre les mains de la jeune Owens pour qu'elle l'offre au refuge pour animaux qu'elle aime tant supporter.

- Ah mais c'est très aimable de votre part... il se reprends, se souvenant qu'ils avaient dit que lorsqu'ils n'étaient que tous les deux, ils pouvaient se tutoyer. ... de ta part d'avoir pris le temps de te déplacer.

Il remarque qu'elle frissonne un peu, malgré ses gants et son manteau. Elle avait probablement pas l'habitude des températures de campagne, la Mairesse. Plus délicate que lui, disons. Mais ça lui déplaisait pas, le tableau de cette femme élégante au milieu de son rustre environnement.

- Tu frissonne, Ellen, qu'il dit simplement, pointant l'évidence. Viens, je vais te faire un café et remettre du bois dans le foyer pour te réchauffer un peu avant que tu reprennes la route.

Ça sonnait presque comme un ordre, et pas une invitation, mais il était pas le plus délicat de toute façon, le Lieutenant. Il se met à marcher, mais attends qu'elle emboite le pas avant de se mettre en route vers la maison.

Se tenant devant le lieutenant, les talons dans la neige, ses mains gantées dans ses poches, Ellen observe le travail de Robert, des tas de bois l’entourent, il avait visiblement passé plusieurs heures dans le froid à couper les bûches, froid qu’il semblait ne pas sentir vu la veste qu’il avait posé sur l’un des tas. Quant à elle, elle tentait de garder le chaud en frissonnant, bien plus habituée à passer de sa voiture à la mairie, de la mairie à sa voiture. Un petit rire vient marquer le jeu de mot qu’elle vient d’entendre, elle jette un regard à la propriétée, c’est vrai que l’endroit est paisible, avec seulement le bruit de la neige qui tombe des branches d’arbres devenues trop lourdes pour la porter.

-A raison, c’est bien paisible ici.

Elle lui explique que c’est pour lui donner l'enveloppe qu’elle avait dans sa poche. En réalité, c’était une excuse, rien ne pressait, l’argent de noël pouvait attendre, elle aurait pu demander à sa secrétaire de s’en occuper dans les jours suivants. Mais la mairesse avait eu envie de revoir le lieutenant, n’était pas à proprement parlé “ami”, elle n’avait pas vraiment d’excuse pour le contacter et cette enveloppe était devenue un excellent alibi. Ne voulant évidemment pas paraître d’être venu spécialement pour le voir, elle balaya les remerciement de sa main gantée tenant l’enveloppe:

- C’était l’occasion de sortir un peu de la ville, je ne viens jamais dans les environs.

Ne faisant pas de gros efforts pour cacher qu’elle frissonne et espérant sans l’avouer que Robert l’invite à boire un café, elle fut satisfaite de l’entendre l’inviter à entrer. Rien n’est suspicieux d’aller boire un café chez la personne à qui on vient déposer un chèque.

-Un café ne serait pas de refus, merci.

Ellen lui emboîte le pas pour le suivre jusqu’à chez lui, faisant de son mieux pour garder son équilibre et sa posture droite en marchant dans la neige. Elle laisse son regard s’attarder sur le dos de Buchanan marchant devant elle, un regard innocent ne faisant pas de mal. C’est là qu’elle voit du coin de l'œil la veste d’hiver du lieutenant toujours posée sur le bois, passant devant, elle s’arrête pour la prendre, la tenant entre ses mains, elle sent son odeur, mélangée à celle de l’air frais de l’hiver. Levant sa tête pour l’appeler:

-Robert, n’oublis pas ta veste.

C’était toujours étrange de le tutoyer et de l’appeler par son prénom, mais à force, ils étaient plus que de simples connaissances maintenant. Après lui avoir rendu, elle le suivit jusque chez lui, en évitant de se tordre une cheville sur le terrain pas du tout adapté à sa tenue. Ou plutôt le contraire, elle n’était pas du tout adaptée à ce genre de terrain. Elle entra dans la résidence, l’air plus chaud qu’à l’extérieur l’accueillit, elle enleva son écharpe, suivit de sa veste et ses gants. Elle était dans sa tenue de travail, donc une robe sombre formelle et simple, une veste de costard féminin et des collants noirs pour tenir l'hiver. Il faisait un peu frais, mais la promesse d’un feu de cheminée la rassura. Elle put voir qu’ils avaient bien fait de rentrer, la neige avait commencé à tomber à nouveau.