We look so damn good tonight // Misha

T'enchaînes les shift, t'enchaînes les nuits blanches. Entre les petites, la maison, les factures, les rendez vous, et tes deux boulots, t'es partout Avery. Partout et nul part à la fois. Tu fais tout par automatisme, tu ne réfléchis même plus. Perdu dans une routine que tu commence à exécrer. Mais tu tiens bon, tu tiens la barque, parce que tu n'es plus tout seul. Tu sais que si dérives, tu embarqueras les gamines avec toi et ça, tu ne te le pardonnerais jamais. Alors tu soupires devant ton miroir, boutonne ta chemise en tentant de rester éveillé. Tu te fou de l'eau sur la figure, espérant avoir l'air un peu plus frais avant de t'engouffrer dans le couloir pour récupérer les filles et les amener chez la voisine. T'as de la chance de l'avoir, cette voisine. Elle adore tes sœurs, et elle ne refuse jamais de les garder pour la nuit, quand toi tu peux pas veiller sur elles. Une dernière fois, t'embrasses les gamines, leur faisant promettre d'être sages et rejoins ta voiture sur le parking. Il est déjà tard, Avery, quand tu passe la porte du bar. Ton collègue termine son quart quand toi tu débute le tiens, tandis ce que tu salut les autres et les quelques habitués en arrivant, et passe derrière le bar. Tu te sens chez toi, ici, à ta place derrière le comptoir, aussi étrange que ça puisse paraître. C'est devenu tellement habituel de passer tes week end dans cet endroit, t'as tes habitudes. Et l'une d'elle consiste à mater ce gars, qui passe de plus en plus régulièrement, de loin. Canon à en mourir, un seul regard ferait fondre n'importe quelle midinette. Et toi. T'es pas spécialement du genre timide, mais tu n'arrive pas à déterminer si t'aurais tes chances ou non. Et puis, finalement, mis à part pour prendre sa commande, il te parle pas, ce gars là. Tu n'arrives pas à trouver le temps, ni le bon moment, pour aborder l'inconnu. Tenter de faire plus ample connaissance. Mais ce soir c'est calme, l'ambiance est bonne, et toi... Toi tu te décide enfin à tâter le terrain quand tu remarques que le verre du brun est vide. Tu t'approches, fin sourire sur les lèvres, choppe la bouteille au passage et t'appuie contre le comptoir, face à lui, tentant de percer son regard. "Comme d'hab ? Je te ressers ?"

Le bar se vide petit à petit. Il n'est jamais bien bondé, mais l'ambiance est toujours bonne. C'est ce que tu apprécie dans cet établissement, dans le fond. C'est jamais vraiment le bordel, les gens ne se prennent pas la tête. C'est aussi ce qui te fait resté dans cette ville. C'est sans grand problème, au fond. Et des problèmes, tu en as déjà bien assez, Avery. Alors certes, la routine ça t'emmerde, mais ça a un certain confort. Ca te permets d'assurer la sécurité de tes sœurs, un avenir, bien qu'un peu flou en ce qui te concernes. Tu serais bien incapable de dire où tu te vois dans dix ans. Tu ne sais déjà pas ce que tu feras demain, ce que tu pourrais bien faire de ta vie. T'improvises, au jour le jour, et au fond, ça te va bien. A peine arrivé, à peine le comptoir passé, ton regard à capté cet homme là. Il vient depuis quelques jours, tu l'as capté depuis un moment. T'as fais des heures supplémentaires cette semaine, t'es venu bossé tous les jours pour dépanner et te faire un peu de fric au passage. Il a un charme fou, un truc que tu ne saurais expliquer mais qui fait vibrer la totalité de ton âme. Un sourire ravageur, un regard dans lequel n'importe qui se perdrait - bien que triste, et ça t'intrigues - et un cul à se damner.  Alors tu te lances, Avery. Tu profites de son verre vidé pour le resservir, entamer la conversation. Tu le tutoies sans même poser la question, parce que tu le fais avec la quasi totalité des gens que tu rencontres. Dans le pire des cas, on te ramènera à l'ordre, c'est pas si grave. Mais il ne te reprend pas, répond à ta question tandis ce que tu laisse couler l'alcool dans le verre. Appuyé contre le comptoir, tu ne peux réprimer un léger rire de s'échapper de tes lippes à sa question. Tu hausses les épaules, semble réfléchir un instant. "Y'a pire. J'ai du taf et c'est déjà pas mal." Tu ne t'en plaindras pas, en tout cas. Tu ne te plains jamais de toute manière. "Je préfère être ici qu'au café. L'ambiance est meilleure, et les clients sont... Plus appréciables." Et il n'est pas si rare que tu rentre accompagné, chose que tu fais rarement quand tu fini ton service au café. C'est plus facile de flirter ici. Tes lippes s'étirent lorsqu'il se présente, tes opales toujours braqués sur lui. "Avery." Et tu hésites, Avery, parce que tu n'as pas envie de le vexer mais que ça brûle tes lèvres. "Ok... C'est quoi le deal ? T'es venu ici toute la semaine, t'as enchaîné les verres et t'as l'air plus bas que terre. Qu'est-ce qu'il t'arrives ?" Et puis tu te penches, imitant sa posture, le coude sur le bar, la main calée contre ta joue. "Racontes moi tout, je suis une bonne oreille il paraît." Et ça te fais rire, mais dans le fond tu sais mieux que personne que, parfois, le simple fait de parler peut débloquer une situation. Ou du moins alléger un coeur.

T'as osé prendre les devants, tu fais la conversation comme le bon barman qui se respecte, au fond. Parce que t'as déjà fais ça, discuter avec les piliers de bar pour qu'ils consomment plus longtemps, qu'ils dépensent plus d'argent. Pourtant, avec ce Misha, c'est différent. Parce que de toute la semaine, tu n'as pas osé lui adresser la parole. Il n'est clairement pas de la même catégorie, te déstabilises, toi qui n'es pourtant pas du genre timide. Tu fais doucement connaissance, tâtes le terrain pour tenter ta chance, glisses un petit compliment discrètement mais n'obtiens pas la réaction attendue. Peut être était-ce simplement trop subtile étant donné l'alcool ingurgité ? "Bah si t'as l'occasion de passer au Bailey's un de ces quatre, tu pourras comparer." Là encore, tu tentes, pousses les portes en observant ses mimiques. peut être que tu te trompes, peut être que tu te retrouvera face à un mur, mais tant que tu n'auras pas de réponse claire, tu tenteras, Avery. T'as peur de rien, là. Mais au delà de ce faciès qui te fais perdre la tête, tu captes surtout le regard triste qu'il à dès qu'il passe la porte de l'établissement. Ca t'intrigues, alors tu demande comment ce pauvre gars à pu en arriver à avoir cette gueule de déterrée. Tu te penches, l'observes faire de même non sans un rictus au coin des lèvres, les prunelles figées dans les siennes. Bien trop proche de lui pour ne pas sentir son souffle. Tu hausses les épaules à ses dires. Comprends une vérité qui n'est pas la sienne. "Ouai, j'vois ce que tu veux dire. C'est pas toujours simple à assumer, tu sais. Tu peux pas lui en vouloir." Tu crois comprendre, Avery, de quoi il parle mais tu te trompes lourdement. Toi tu t'assumes pleinement, sans pour autant le crier haut et fort. Tu te fiches pas mal de la carcasse, c'est le cœur, l'âme qui t'intéresses. Le plaisir, aussi, ça tu ne peux pas le nier. "Quelle idée de faire cette connerie, aussi." Se marier, pour toi c'est absurde. T'attacher c'est absurde. T'es humain, tu le fais aussi, mais ça t'effraies. Tu ne vois pas l'intérêt d'aimer si c'est pour en souffrir. De t'attacher si l'on t'abandonnes. Et puis faut avouer que t'as pas eu le meilleur des exemple en matière d'amour, avec tes parents. Le verre de nouveau vidé, tu t'empresses de le resservir. "Tiens, ça c'est de ma part, pour ta vie de merde." Un léger rire s'échappe de tes lèvres, tandis ce que tu glisses le mot "offert" sur la caisse du bar. Le patron t'as à la bonne, tu peux bien te permettre une fois de temps en temps. Tu reprends ta place, te penche de nouveau, les prunelles se glissant, accrochant les siennes. "J'ai une vie de merde aussi." Et ça te fais rire, pouffer alors que tu reprends doucement, nonchalamment. "Pour la faire courte : Mon père s'est barré quand j'avais dix ans, il se tape une nana plus jeune que moi, ma mère est toxico, je la vois que quand elle veut m'emprunter du fric pour son dealer, j'ai deux petites soeurs de quatre et six ans à charge, et deux tafs pour subvenir à leurs besoins." T'hausses les épaules une nouvelle fois, comme si rien ne pouvait t'atteindre, te servant toi même un verre. "On va dire que je suis en vie, et que c'est déjà pas mal." Et tu te l'enfiles d'une traite comme du petit lait. Encore une fois, le patron t'as à la bonne et - surtout - il n'est pas là ce soir. Le bar se vide, et tu t'en fou Avery. De tout. "Tu va pouvoir reprendre la route, toi, sorti d'ici ?"

Le quiproquo est tellement énorme que tu ne te rend compte de rien. Tu plonge la tête première, tu te laisse absorber par des prunelles, par un sourire, par des mots qui - au fond - ne te sont pas vraiment destinés. Toi tu flirt, lui il se montre sympathique. Il ne les voit pas tes allusions, tes regards, tes lippes étirées. Il ne voit pas ce que tu tentes de faire et toi, Avery, tant que tu n'as pas un mur devant la gueule, tu fonces. Quitte à te le prendre un peu plus fort, tu t'en fiche. Tu finiras par en rire, t'as peur de rien. Pas même du ridicule. Et vu l'état dans lequel il est, tu te dis qu'il finira par oublier, si jamais tu te trompes à ce point. Tu ris à ses frasques, ou plutôt à celles de sa femme, secouant doucement la tête en prenant un air faussement choqué. "Sacrilège ! Blasphème !" Tu te montres outré, fini par éclater de rire. "Ca va, ça te va bien. T'es canon mon vieux, pourquoi tu râles ?" Et c'est à ton tour de partir dans un monologue, alors qu'il te demande ce qui ne va pas dans ta vie. La vérité, c'est que rien ne va Avery. T'as pas eu d'enfance, encore moins d'adolescence. T'es perdu, tu ne sais pas même pas qui tu es. A l'âge où on se cherche, où l'on se construit, toi tu cherchais des petits boulots pour payer le loyer et les doses de ta génitrice, tout en changeant les couches de ta petite soeur. Tu sais pas ce que c'est l'innocence, tu sais pas ce que c'est que la liberté. Il n'a toujours qu'été question d'être adulte, de gérer pour deux. D'être plus mâture que ta mère. Mais tu ne te plains pas, jamais. T'enchaînes les boulots, les problèmes, les nuits blanches et pourtant... Tu reste digne, fier, droit. Même là, quand tu explique ce qui ne va pas, tu souris. Tu prends ça avec nonchalance, comme si rien ne pouvait t'atteindre. Tu te persuades toi même, au fond, que rien ne t'atteindras jamais, Avery. Tu te martèle le cerveau, c'est plus simple que d'assumer ce qui ne va pas. Et puis, tu lui demande s'il pourra rentrer seul. il se lève, titube, se trompe et revient vers toi alors que tu lâche un léger rire en secouant la tête. Tu le resserres à sa demande, détournant le regard un instant avant de lâcher sobrement. "Sinon, mon appart est juste à côté. Ca t'éviteras de t'écrouler dans la rue, ou de te tromper de baraque." Presque timidement, tu relèves tes prunelles sur Misha, mordillant l'intérieur de ta joue. "Je vais bientôt fermer, de toute façon." Le bar est vide, même la rue l'est, et toi, toi t'as d'autres projets en tête. Si tant est qu'il est de la partie. Tu t'approches doucement, glisses le verre vers lui en te penchant. "Tout est gratuit, chez moi."

Il titube, ton nouvel ami. Il cherche une direction, se plante, revient vers toi. Ouai, il est plus bourré que bourré mais toi, toi tu t'en fou Avery. Il a l'air réceptif, enfin tu crois. T'en sais trop rien mais tu l'invite chez toi dans un coup de tête. T'es impulsif, tu l'as toujours été, et t'as bien envie de voir jusqu'où ça ira, cette histoire. T'es pas certain qu'il ait totalement comprit ce que t'avais derrière la tête, mais tu tentes. Tu n'as rien à perdre dans cette histoire, alors tu te lances, tu lui propose ton appart en resservant un verre de whisky. Un léger rire foule tes lippes à ses question, tandis ce que tu secoue vaguement la tête. "J'ai peur de rien, moi." Et c'est peut être là le problème. Tu laisses un peu trop d'inconnu fouler le parquet. Toi qui reprochais à ta mère de ramener n'importe qui, finalement t'es pas mieux qu'elle. A la différence que tu ne le fais pas, toi, quand tes petites sœurs sont à la maison. Là t'es certain qu'elles ne croiseront jamais son chemin, qu'elles ne verront jamais de défilé dans l'appartement. Alors tu t'en fou. T'as besoin de ça, t'as besoin de te perdre dans les bras de quelqu'un, qu'importe que tu ne le revois plus jamais. Pourvu que tu ne le revois plus jamais, d'ailleurs. Tu ne veux pas de grande histoire d'amour, parce que s'attacher, c'est prendre le risque de tout perdre, de souffrir. C'est bien pour ça que t'as rembarrer Lina après votre nuit. Tu l'aimes bien trop fort pour risquer de la perdre. Tu préfère t'oublier dans les draps d'inconnus, c'est bien plus simple à tes yeux. Le bar est vide, Misha approuve ton idée et tu termine de tout ranger, de nettoyer les quelques dernière tables avant de chopper les clés de l'établissement. Chose faite, tu prends la sortie en compagnie de Misha, referme le bar derrière toi en arquant un sourcil à sa question. "T'es si impatient que ça ?" Ca t'arraches un léger rire, alors que tu t'avances pour rejoindre ton appartement. "Mais ouai, il est confortable." T'as mal compris, encore une fois, ou peut être que tu pousse le bouchon un peu loin, t'en sais trop rien. Chez toi, ce n'est pas loin du bar, c'est l'avantage. Tu grimpes les escaliers, rejoins le troisième étage en tentant de ne pas faire trop de bruit. Tu sais que dans l'appartement d'à côtés, tes gamines doivent dormir à point fermés, et tu ne veux pas les réveiller. La porte ouverte, tu t'engouffres à l'intérieur, laissant ton nouvel ami y pénétrer avant de refermer derrière lui. C'est pas un palace, c'est certain, mais c'est plein de vie. De photos, de souvenirs, de jouets aussi, dans un coin du salon. Parce que la plus âgée n'a jamais su ranger derrière elle. "Tu veux un dernier verre ?" Que tu glisses en entrant dans la cuisine. Tu choppe deux bouteilles, posent celle de whisky et de téquila sur la table basse en posant ton regard sur Kane. "Choose your weapon." Peut être que le dernier verre se transformera en cuite monumentale et que t'auras mal au crâne demain. Au fond, tu t'en tapes, si tu te le tape. Pour toi, c'est téquila en tout cas.