Il sourit alors qu’il pianote sur son téléphone, confortablement installé dans son canapé. Enfin celui de Luke. Mais c’est presque comme le sien. Non pas parce qu’il ressemble un peu trop à son jumeau, mais parce qu’il vit ici comme s’il en payait le loyer. Précision : Il ne paye rien. Il vit au crochet de son frère, ou de son avocate, chez qui il s’invite n’importe quand. Comme aujourd’hui. Bon, d’habitude, c’est lui qui lance la corde, mais là, vraiment, elle le cherchait non ? Elle vient l’interpeller pour un caleçon laissé chez elle ? Elle pouvait le jeter ? Le ranger et le lui rendre n’importe quand ? Non, elle l’agresse par sms. On est d’accord que c’est comme une invitation à venir piquer sa crise et finir sous la couette ? Alors il la lance, mais elle recule. Comme si elle ne savait pas vraiment ce qu’elle voulait. Dans le fond, c’est compréhensible, elle se tape son patron. Ou le flic. Ou les deux ? Il ne sait plus vraiment. Elle a l’air un peu paumé cette femme. Et il va jusqu’à pleurer chez son patron, parce qu’elle refuse finalement qu’il vienne. Et il a gain de cause. Elle l’invite à dîner. Sourire trop satisfait aux lèvres, il abandonne son téléphone dans un coin pour aller profiter de la piscine, le reste de la journée. Il a promis à Luke qu’il irait démarcher pour chercher un job, mais qui viendra vérifier ce qu’il fait ?  

En fin d‘après-midi, il disparait dans la salle de bain pour se doucher, et comme s’il allait à un rendez-vous galant, il prend soin de son apparence. Parfum, cheveux soignés. Ça l’amuse Misha, de flirter et de voir les joues des filles rougir, quand il s’approche un peu trop de leur silhouette. Alexie elle est dans ce lot de fille. Elle le repousse, trop à son gout, mais il sent bien qu’elle réagit. Et au fond, il est presque certain qu’un jour il l’aura cette fille. Comme Drew avant elle. Elles veulent jouer mais elles finissent toujours par perdre. Quoi qu’ont-elles réellement perdu ?  

Teeshirt blanc, avec un col en V, moulant. Jeans serré, boots montantes, et veste en cuir. Sac à dos avec ses affaires sur le dos. Le voilà parti pour la résidence d’Alexie. Il prend les transports en communs, le bus, le métro. Il voulait emprunter la caisse de Luke mais ce dernier avait un rendez-vous, visiblement. Lui et les filles, c’est une autre histoire. Misha n’avait pas vraiment d’inquiétude, les chances qu’il retrouve une fille dans le lit de son frère le lendemain était quand même limitées. - à son avis. Le bus le dépose non loin du bâtiment d’Alexie. Il prend le temps de fumer une clope sur le chemin, cigarette qu’il abandonne au sol une fois devant l’immeuble de la blonde. Il pénètre à l’intérieur comme s’il était chez lui. Et probablement que d’après les voisins, il était le nouveau mec de l’avocate. Sauf si son patron vient souvent aussi ? Les voisins doivent s’y perdre. Elle doit avoir une sacré renommée ces derniers temps, non ?  

Arrivé devant la porte de la jeune femme, il s’apprête à toquer... Mais après réflexion, il pousse silencieusement la porte, passant son visage à l’intérieur pour espionner. Pas âme qui vive. Elle est là pourtant, sinon se serait fermé. Il entre discrètement, posant son sac à l’entrée. Ça sent bon, les légumes. Sa mère cuisinait des trucs comme ça quand il était petit. Il se pince les lèvres en entrant dans la cuisine, reniflant les plats qui cuisent. Il attrape même deux ou trois petits trucs qu’il grignote au passage. Puis ses yeux clairs se posent sur le salon. Elle est là. Endormie ? Elle a l’air. Il se penche pour l’observer, sourcils froncés. Puis après réflexion, il s’avance sur la pointe des pieds. Il passe sa main devant les paupières closes d’Alexie, balayant l’air face à son visage. Pas un mouvement de cil, ni de sourcil. Elle dort. Si elle s’était endormie dans son lit, il s’y serait glissé à moitié nu pour qu’elle s’imagine des trucs à son réveil. Déception que ce ne soit que le canapé. Il en tire quand même son parti, évidemment. Il s’assoit à ses côtés, délicatement, pour ne pas la réveiller. Il pose un bras sur le dossier du canapé, dans le dos d’Alexie. Puis il se colle à elle, le visage proche du sien. Il l’observe, sourire assouvi en coin des lèvres. Puis de sa main libre, son téléphone. Il rapproche son visage du sien, ferme ses yeux, et prend une photo. Au moins si elle l’emmerde à l’avenir, avec quoi que ce soit, il aura un bon moyen de pression auprès de son patron ou de son flic, ou des deux. Et puis, il repose ses yeux sur elle, le visage trop proche du sien.

_ “ Sweetheart... “

Murmure-t-il à son oreille, chuchotant sensuellement, comme le ferait un homme à sa femme. Il laisse son souffle chaud caresser le visage de la jeune femme, et quand enfin elle ouvre un œil, puis l’autre, il étire son sourire, et hausse les sourcils malicieusement.  

_ “ J’ai faim. “  

De sa main dans le dos de la belle, il remonte juste assez ses doigts pour les glisser dans les longs cheveux blonds de la jeune femme. Il minaude légèrement, malicieusement aussi. Il s’amuse de cette proximité qui, au réveil, l’aura sûrement surprise.  

Il en a réveillé des filles à ses côtés. Mais jamais il n’avait eu droit à cette réaction. Elle est même démesurée. Il en vient à douter de son physique d’Appolon. Elle sursaute alors que ses yeux clairs s’ouvrent. Elle se recule, brusquement, trop, et en perd l’équilibre. Elle tombe sur son joli fessier, entre le canapé et la table basse, le faisant baisser la tête pour suivre cette trajectoire, un tantinet comique.

_ “ C’est pas la mienne qui vient de cogner. “

Réplique-t-il d’un petit sourire moqueur. Bien loin de s’imaginer le passé qui peut hanter la blonde, il la trouve excessive là. D’autant plus qu’elle le fusille du regard, comme s’il avait fait un geste de trop. Or, il n’a rien fait de mal, on est d’accord ? Il ne l’a même pas touché. Il s’est juste amusé à prendre une photo. Photo qu’il se gardera pour lui, évidemment. Il n’a pas inventé l’eau chaude, mais il est loin d’être con à ce point-là. Elle s'énerve sur lui, le menace. Il arque un sourcil alors qu’il la suit toujours de ses yeux. Il se sent un peu paumé là, c’est bien le cas de le dire. Elle qui se la joue autoritaire avec lui à longueur de temps, qu’est-ce qui lui prend soudainement ? Elle disparaît. Il reste immobile, dans ce canapé, penaud, papillonnant des cils avec incompréhension. Qu’est-ce qui venait de se passer là ?

_ “ What the fuck. “

Murmure-t-il pour lui-même, cherchant au plus profond de son cerveau vide, ce qu’il avait pu faire pour la mettre dans un état pareil. Lui avoir touché les cheveux ? Elle n’aime pas qu’on lui touche les cheveux ? Il en plein son flic ou son patron, ou les deux. D’autant plus, si elle s’énerve comme ça pour un rien. Il finit par se relever, et installer assiettes et couverts sur le bar qui sépare la cuisine du salon. Il n’a rien compris, mais il s’exécute. S’imaginant que la mettre plus en colère n’était probablement pas la meilleure des idées ce soir. Même si, il faut l’admettre, il sait qu’une fille bien énervée devient une vraie tigresse très excitante. Excitante, mais dangereuse, et il tient un minimum à sa vie. Elle réapparait finalement, alors qu’il essaie de se décider sur la position des couteaux. A droite ou à gauche de l’assiette ? Il les met du même côté que la fourchette, abandonnant sa question intérieure en la voyant rappliquer dangereusement. Il se recule même un peu, sans trop savoir pourquoi. Elle s'explique, ou essaie. Toujours aussi dure. Ça risque fort d’arriver ce qu'elle dit, parce qu’entre son imagination qui divague et songe qu’elle s’envoie en l’air avec son patron et avec Gimenez. Et maintenant de sous-entendu... Il était pourtant loin de l’imaginer croqueuse d’hommes celle-là. Et ça en devient moins intéressant. Parce que les filles faciles, c’est pas un challenge excitant. Il va peut-être la rayer de sa liste des potentielles proies.

_ “ Je pense pas que j’aurais été le plus mal placé de la situation. “

Rétorque-t-il d’un sourire en coin des lèvres, ton moqueur. Ça l’aurait probablement amusé lui, en plus, il en aurait profité pour se rincer l’œil. Elle s’approche des casseroles, il rase le mur pour contourner le bar et aller s’assoir sagement. Sagement, mot si rarement employé quand on parle du Misha. Elle dit qu'elle à fait un Gambo. Il ne sait même pas ce que s’est, mais il hoche la tête positivement, rapidement, juste pour ne pas la froisser. Toute façon, ça sent le ragout. Ça doit sûrement être la même chose.

_ “ Je sais pas s’que j’ai fais, mais je suis désolé. Et j’ai pas pour habitude d’être désolé, donc vous devriez reposer cette espèce de colère dans vos yeux. “

Il empoigne sa fourchette alors qu’elle remplit les assiettes, ouai, c’est ça, c’est du ragout. Petit soulagement, si ça avait été un truc dont il a pour horreur, c’était sûr qu’il finirait sa soirée à la porte. Et dormir tout seul cette nuit, il n’en n’avait clairement pas envie. Bien qu’après réflexion, si elle reste aussi froide toute la soirée, il serait mieux dans le canapé de Luke. Il plonge sa fourchette dans son assiette, puis commence à manger, même savourer la cuisine de la blonde. Il n’est pas habitué à ce qu’on cuisine pour lui encore. Et depuis dix ans il n’avale que de la bouffe de cantine, ou depuis son retour, de la mal bouffe. C’est comme être de retour dans la cuisine de la maison familiale, trente ans en arrière.

_ “ Alors, du coup, vous et le flic, ou vous et le patron ? Ou les deux ? Je vous jugerez pas. “

Ouai, il a l’art de calmer les nerfs des gens, n’est-ce pas ?

Petit silence, lourd, et surtout incompréhensif. Il pouvait bien comprendre que peut-être parfois, il allait trop loin avec les filles, comme quand il use de l’alcool pour les mettre dans son lit. Bien loin d’être très saint. Mais en aucun cas il n’aurait profité de la jeune femme en plein sommeil. Et sans accord. Il n’est pas un criminel non plus. Il finit tout de même par rompre le silence et s’excuser. Il ne sait pas top de quoi, mais elle a l’air si bouleversée, qu’il ne peut s’empêcher de culpabiliser un tant soit peu. Oui, le grand Misha a peut-être une conscience, aussi petite soit-elle. Il sent bien que quelque chose ne va pas, qu’Alexie a quelque chose dans la tête, qui brouille ses pensées. Mais il n’est pas psychologue, ou psychanalyste lui, il est bien incapable de savoir ce qui cloche. Ou même de connaître les phrases magiques qui font qu’elle parlerait et se libérerait l’esprit. Puis avouons-le, il n'en a rien à foutre de ses problèmes. Il a assez des siens à gérer, non ? “ C'est moi qui désolé... J'ai été excessive, je le sais... J'ai... La vie n'a pas souvent été toute rose de mon côté aussi et vous voir aussi proche alors que je dormais... “ Elle ne finit pas sa phrase, mais l’observant en silence, Misha remarque qu’elle est comme prête à pleurer. Il hausse les sourcils, il ne comprend pas, évidemment. Comment deviner ce qu’elle a subi ? Surtout dans un cerveau aussi vide que le sien. Il s’enfonce dans le fond de sa chaise, lève sa fourchette pour commencer à manger sans rien ajouter. Sa curiosité est légèrement piquée au vif, mais il sent qu’il ferait mieux de ne pas poser trop de questions. Ca a l’air de la toucher, et si elle se met à pleurer, il est bien incapable de savoir comment réagir.

_ “ Vous allez pas pleurer là ? Non parce que je déteste ça, ça me met hyper mal à l’aise. “

Finit-il par lancer, presque comme une complainte. Heureusement la discussion change rapidement de tournure, et elle lui assure ne pas être du genre fille facile. Ça il en doutait quand même fortement, parce qu’à l’évidence, elle avait un truc avec le moustachu ET avec le boss. Quoi qu’elle en dise.

_ “ Vous savez, les secrets ça fini toujours sur la table. “

Murmure-t-il, mauvais sourire en coin des lèvres. Il sait de quoi il parle, il a quand même fini en prison avec les siens. Quoi que l’un d’eux n’a jamais éclaté. Le fait qu’il formait Mickey à ses conneries, et que le soir de son arrestation, il avait autant de drogue sur lui parce qu’il avait chipé celle de Mickey pour qu’il ne se fasse pas coffrer aussi. Ça, personne ne l’a jamais su. Il a protégé Mickey contre vents et marées. Et le petit frère culpabilise beaucoup aujourd’hui, Misha le sait bien. Pour ça aussi qu’il essaie de le laisser tranquille et de se rapprocher de Luke, pour le laisser respirer. “ Quand j'ai lu votre dossier, je me suis posée une question... Comment vous en êtes venu à faire ce que vous avez fait ? Je me doute que vous ne répondrez pas mais... On a tous des soucis dans la vie... On n'a pas tous des enfances joyeuses, moi la première... Mais c'était quoi le déclic ? “ Un sourire presque blasé se pose sur ses lèvres, alors qu’un peu frustré par la question, il lâche sa fourchette en s’enfonce totalement dans le dossier de sa chaise. Ses deux mains retombant sur ses cuisses, il lève ses yeux clairs mais profondément agacés, sur la jeune femme. “ Loin de moi l'idée de jouer la psy... Je veux juste comprendre... “

_ “ Ca vous donnera quoi, de savoir par quoi je suis passé ? Tout est écrit dans votre fichue dossier, vous savez lire non ? “

Lui aussi il peut s’agacer pour une broutille. Quoi qu’avec Misha, une minuscule broutille suffit. Il est complètement instable. Et dès qu’il s’agit de le juger sur son passé, c’est encore pire.

_ “ J’suis parti de chez mes vieux j’étais même pas majeur, je me suis démerdé. C’est tout. Et venez pas vous comparer, votre histoire je m’en fous. “

Il se braque, il grogne, il lève les yeux. Il est définitivement vénère. Tellement qu’il finit par se lever, et rattraper sa veste sur le canapé. Il en sort son paquet de clope, il en attrape une. Il la garde en main, sort son briquet, puis il se dirige vers la fenêtre du salon qu’il ouvre pour allumer sa cigarette. Il aurait pu fumer comme ça, mais il sait que certaines personnes n’aiment pas l’odeur de la cigarette froide. Lui non plus d’ailleurs. Il s’accoude au rebord de la fenêtre et commence à tirer sur le tabac, pour ne pas avoir à causer avec la fouineuse. Ouai, il boude, comme un adolescent en pleine crise.

“ En même temps, qui aime avoir quelqu'un à ses côtés qui pleure ? Tout le monde est mal à l'aise. C'est normal. “ Elle ne semble même pas en colère. La plupart des gens pourtant, quand il leur fait savoir son malaise, s’agacent et montent sur leurs grands chevaux. “ Je ne pleurerais pas. Je l'ai trop fait auparavant. “ Il baisse ses yeux, silencieux. Il ne sait pas trop de quoi elle veut parler, il ne connait rien d’elle finalement. C’est peut-être mieux comme ça. Ils ont chacun leurs failles, leurs secrets. Ils n’ont pas à fouiner dans la vie de l’autre. Il n’est pas son psy, elle n’est pas la sienne non plus. Du moins c’était ce qu’il croyait. Parce qu’elle profite de ce silence de mort pour lui poser des questions indiscrètes. Peut-être qu’elle s’imagine que le faire parler lui, ça lui changera les idées. Elle est tellement loin de savoir tout ce par quoi il est passé. Des parents qui n’assument pas d’avoir un gosse avec des problèmes mentaux. Que bien trop vite il se retrouve obligé de subvenir à ses besoins, mis à la porte. A moins que ce ne soit lui qui l’ait claqué la porte, finalement il ne sait même plus. La chute dans la drogue, les trafics, les vols, et j’en passe. Et la prison, parlons donc de ces dix ans de violences, de gangs, et d’impression qu’on te poignardera à chaque recoin. Il sort de l’enfer, nul autre mot. Il se braque, il lui en manque peut-être un peu de respect. Et le ton monte en face, aussi. “ Je me doute que vous vous en foutez de ma vie, à part me sauter, c'est tout ce qui vous intéresse. Je voulais simplement que vous vous confiez à moi non pas comme une avocate ou une psy de pacotille mais comme une amie... ou une connaissance parce que, visiblement, on ne dépassera jamais ce stade ! “ Un sourire agacé étire le coin de ses lèvres, alors qu’il pose défectivement sa fourchette.  

_ “ Désolé, mais les filles au balai dans le cul, c’est pas mon trip. “

Ho il y a bien pensé pourtant, plus d’une fois. Mais depuis qu’il sait qu’elle passe sous Gimenez et Pearson, c’est vrai qu’il a changé de proie. Il est comme ça Misha, il se donne le droit de vagabonder partout mais il préfère les filles qui ne lui appartiendraient qu’à lui. Plus elles sont faciles et moins elles l’excitent. Et la pauvre Alexie avait mauvaise réputation dans sa tête de macho. Sentant la colère montée en lui, et préférant éviter de briser quelque chose dans un appartement qui n’est pas le sien, il se réfugie à la fenêtre, cigarette en bouche. Elle range la cuisine pendant ce temps, il espère avoir un peu de répit, qu’elle arrête de fouiner dans sa vie. Ca n’en vaut pas la peine. “ Vous n'êtes qu'un imbécile. En vérité, vous avez peur qu'on découvre le réel Misha Kane alors vous vous cachez derrière le rôle du parfait connard qui en a rien à foutre des autres. “ Il coince la clope entre ses doigts, alors qu’il tourne la tête vers Alexie. Il n’a pas le temps de croiser son regard, il reçoit un sac en pleine figure. Sac qui retombe à ses pieds alors qu’elle, elle disparait dans sa chambre. Seul dans le salon, les yeux rivés sur la porte qu’elle vient de claquer, il finit par abaisser le regard vers le sac. Il éteint sa clope sur le rebord de la fenêtre et l’abandonne dans un petit cendrier sur le rebord, qu’il a installé dès qu’il a commencé à crécher ici. Il ferme la fenêtre puis se penche pur ouvrir le sac. Des caleçons. Un petit sourire se dessine sur ses lèvres, plus franc, presque amusé par la situation. Quand elle disait qu’elle lui en paierait pour pas qu’il ne se promène nu chez elle, il ne la pensait pas capable de vraiment le faire. Il inspire, soupir, puis se redresse déposant le sachet sur la table du salon. Il finit par se diriger vers la salle de bain pour enfiler un caleçon de nuit, un teeshirt, puis il revint pour s’installer sur le canapé. Lit de fortune auquel il s’est habitué depuis sa sortie de taule. Il est certainement mieux installé chez Drew, dans son lit, mais allez savoir pourquoi. Lui, il préfère ne pas s’installer. Ce serait comme devenir plus que son simple plan fesse, et il s’en protège. Pas d’attache. Puis de toute façon même s’il le voulait, il n’y parviendrait pas. Son esprit, son cœur tout est brouillé par l’image de Juliet, constamment. Au fond il en vient à se demander s’il ne finira pas sa vie seul, sans connaître mariage ou enfant. Parce que si Juliet continue de le rejeter, il sera bien incapable d’aimer à nouveau. De toute façon, Juliet est une erreur dans l’équation de sa vie. Le Misha n’a pas de cœur. Alors pourquoi bat-il autant pour elle ?  

Allongé sur le canapé il essaie de s’endormir, en vain. Il n’y a plus un bruit, plus une lumière. Mais l’insomnie elle, règne. Il a souvent du mal à dormir, depuis plus de dix ans maintenant. Mais ce soir ça n’a rien à voir avec ses problèmes de taule, ou de drogue. Il est clean ce soir-là. Il a juste des remords. Faut croire que finalement, il n’est pas si intouchable que ça. Alors il se redresse, échappant un soupir. Puis ses yeux se posent sur la porte d’Alexie, close. A peine visible dans la pénombre. Il finit par se relever, et s’avancer vers elle. Il toque, doucement, espérant ne pas la réveiller. Il pousse la porte, délicatement, et pose son regard sur le lit de la jeune femme. Elle lui tourne le dos. Il s’avance doucement, se penche pour tenter de voir si elle dort ou pas.  

_ “ Blondie, tu dors ? “

Elle fait semblant, c’est sûr, elle enfouie son visage sous son oreiller. Ça lui va mal de bouder, c’est plutôt son truc à lui ça. Alors il sourit, ça l’amuse. Et alors que la malice se dessine sur ses traits, il se glisse dans le lit lui aussi, juste à côté d’Alexie, sous sa couette. Un coude contre le matelas, sa tête reposée sur sa main. Il laisse une fine distance entre eux, mais il fixe la nuque d’Alexie, se doutant qu’elle finira bien par se retourner.  

_ “ Je dors mal sur ton canapé. “

Il ne la vouvoies même plus, intentionnellement.  

_ “ Merci pour les caleçons. … Bon tu vas vraiment bouder ? C’est mon truc ça, pas le tiens. Hey. Faut que j’appelle Gimenez ou Pearson pour que tu bouges ? “

Il est chiant. Insupportable. Il ne s'arrête jamais, il parle trop. Elle va commencer à le comprendre. Il marque un silence, une pause. Il minaude, puis il lève sa main libre pour venir, avec son index, appuyer légèrement sur le bras dénudé de la jeune femme.  

_ “ T’es morte Blondie ? “

Evidemment que non, elle l’ignore, il aurait fait pareil si c’était lui qui boudait. Il soupir, fait riper ses lèvres pour plus de bruitage. Il finit par se laisser retomber sur le dos, fixant le mur, ses deux mains sur son corps au-dessus de la couette.  

_ “ J’ai menti tout à l’heure. Je t'aurai bien sauté c’est vrai. Mais j’ai changé d’avis. “

Quoi que, piquer à un infidèle, sa copine, ce serait assez jouissif. Puis briser les ménages c’est un peu sa spécialité à lui. Même son propre ménage. Suffit de regarder le désastre avec Juliette.

_ “ Et t'as raison, j'suis un connard. Mais c’est pas pour cacher quoi que ce soit, parce que je m’en fous réellement d’la vie des autres. “

Il a pour une fois, un ton très calme, apaisé, même fatigué. Il tourne la tête vers Alexie, espérant qu’elle en fasse de même et qu’enfin, il croise ses jolis yeux.

Il n’est même pas sûr qu’elle finisse par se retourner. Tout dépend de sa capacité à faire la tête. Lui il est du genre tenace, mais elle ? Un petit silence s’est installé, alors qu’il l’observe, pleine vue sur sa chevelure blonde. Elle met du temps avant de bouger, quand enfin, elle se retourne. Juste un peu. Juste pour se mettre sur le dos. Il ne l’a que de profil, mais enfin, il peut espérer avoir une vraie discussion avec elle. “ Je suis désolé de t'avoir posé des questions... Je ne voulais pas penser à mal... Parce que toi, tu t'en fous de moi mais moi, je m'en fou pas de toi... “ Le sourire bêta et bien trop fier qu’il arborait quelques secondes plus tôt, à la voir se retourner, disparait aussitôt. Touché, et ça, il déteste. Il n’aime pas ça, qu’on s’inquiète pour lui ou pire encore, qu’on s’attache à sa personne. Sauf Juliet, évidemment. Mais pour ce qui est du reste du monde, c’est tellement différent. S’ils se mettent tous à s’inquiéter pour lui, il faudra qu’il en fasse de même, sinon il y aura un déséquilibre. Ça le met mal à l’aise, alors il détourne la tête pour fixer le plafond, à nouveau. Il y a un petit silence, embarrassant. Il serre la couette dans ses doigts, nerveusement, cherchant quelque chose à dire pour rompre tout ça. Mais rien ne lui vient...

_ “ J'préfère qu’on s’en foute de moi. “

Murmure-t-il presque en chuchotant. Il tente de l’observer à nouveau, et c’est là, qu’il les voit. Les larmes sur ses joues. Ses cernes gonflés. C’est à cause de lui qu’elle pleure ? Il ne lui avait pas dit pourtant, qu’il détestait ça, qu’on pleure en sa compagnie ?  

_ “ T’as rien écouté quand je t’ai dit que pas j'aimais voir les gens pleurer ? “

Il souffle, bruyamment, pour bien qu’elle l’entende, comme un gosse qui s’impatiente. Mais il se redresse, pour se réappuyer sur son coude. Il se rapproche légèrement d’elle, puis bien qu’un peu maladroit, il passe ses doigts sur la joue d’Alexie la plus proche de lui, pour sécher toute cette eau salée qui glisse sur sa douce peau.  

_ “ C’est quoi ton problème Blondie ? Parce que si c’est moi qui t’fais pleurer comme ça, y’a vraiment un problème. C’est ton patron, il t’a largué ? Ou le poulet ? J'peux t’écouter si tu veux. J'sais comment fais ma psy, regarde. “

Il ôte sa main et se redresse pour s’assoir contre la tête du lit. Puis il pose ses mains jointes sur la couette, au-dessus de ses cuisses. Il prend un air très sérieux, impassible, alors que le bleu de ses yeux divague sur la silhouette d’Alexie, éclairée seulement par la lune qui passe les rideaux.  

_ “ Je t’écoute. Mais me demande pas de parler de mois après. Je dirais rien. Et pour feinter, j’vais essayer de baiser avec toi, donc... Si tu veux pas de tripotage de doigts pourtant particulièrement habiles... Ne demande rien ! “

Il garde tout son sérieux, il est très sérieux. Il sait qu’il tentera quelque chose si elle veut parler. Il n’a pas envie de revenir sur son enfance biaisée par des parents incapables. Ses difficultés à s’en sortir quand il les a quitté. Les trafics de drogues, la violence que ça encourait. La prison, dix ans de taule à surveiller ses arrières, à risquer les bastons, et pire, les meurtres, les viols, à longueur de temps. Puis se retour à la vie normal, dix ans plus tard, quand tout a changé, sauf toi. Que tout le monde te tourne le dos, même l’amour de ta vie. Que ton frère ne veut plus de sentir. Il soupir, tout en faisant riper ses lèvres pour ajouter du prix.

_ “ Voilà, maintenant j’ai envie de baiser. “

La vraie question c’est quand n’a-t-il pas envie. En fait.

]m
KoalaVolant

“ Tout ne tourne pas autour de toi. A quoi bon tout te dire alors que tu m'as bien fait comprendre que tu t'en foutais ? “ Elle a l’air frustré la mignonne, et lui ça le dépasse un peu. Il n’est pas doué pour les relations sociales, surtout avec les filles. Il ne les comprend pas, il n’a jamais cherché à les comprendre. Il s’intéresse toujours aux jolies blondes pour une seule chose : Les glisser sous ses draps. La suite, il ne cherche pas à l’écrire, il a déjà disparu avant que les rayons du soleil n’apparaissent. Ce n’est pas mieux avec les hommes, des amis il en a oui, mais ils sont toujours la bonne opportunité, plus qu’autre chose. Sauf peut-être Noah. Mais Misha ne saurait même pas décrire ce qui se trame vraiment entre lui et le blond. Ils ne s’entendent pas vraiment bien, le Noah ne le comprend pas toujours. Il lui fait la morale dès qu’il en a l’occasion. Pourtant, il retourne toujours vers lui, et pas que pour chouiner. Il y a quelque chose entre eux, une amitié malgré les hauts et les bas. Et ce depuis toujours. Misha ne lui en veut même pas de ne pas être venu le voir en taule. Lui, toujours si rancunier. Il ne l’avouera jamais, mais il tient à Noah, c’est comme ça.

_ “ Et alors, ça fait du bien de parler, que ma psy n’arrête pas de dire. Honnêtement, elle, elle parle trop. J’ferais bien autre chose que lui parler. “

Sa dernière phrase est plus pour lui-même, un sourire malsain au visage. Sa psy, elle a le droit à la même thérapie qu’Alexie. Le silence, les propositions indécentes, les feintes. Et quand il le dit qu’il se la ferait bien, il ne fait pas que déconner. Mais étrangement, ces deux-là sont très professionnels, et ne se laissent pas amadouer par les beaux yeux clairs du brun. “ A quoi bon tenter de te soutirer des infos ? J'ai bien compris que je n'y arriverai pas. Faut que j'arrête de croire que je ferais une bonne psy. Moi même j'ai jamais voulu aller en voir une. “ Il hausse les épaules, de toute façon pour lui, les psy c’est pour les fous, et de ce qu’il en sait, il ne l’est pas. Peut-être qu’il est un peu dérangé, et pas très normal aux yeux des autres, est-ce que ce ne serait pas eux qui ont un problème ? A jouer les moutons, tous dans le même panier. Il n’a pas besoin de jouer un rôle lui, et c’est pas un problème selon lui.

_ “ Je peux te passer l’adresse de la mienne, elle n’est pas très efficace, mais elle est plutôt canon. “

Bon bah évidemment, elle ressemble pas à Pearson. Et elle n’est pas encore ridée. Donc faut croire qu’elle ne sera pas trop à son gout.

_ “ Qui a cru un jour, que les gens avaient envie de parler de leurs problèmes avec un inconnu ? “

Marmonne-t-il en baissant les yeux vers ses doigts qu’il tripote nerveusement. Changement d’ambiance, juste une seconde. C’est vrai, lui qui n’arrive pas à parler à ses proches, comment pourrait-il se confier à quelqu’un dont il ignore tout ? Il parlerait certainement plus facilement à Barbie ou à Drew, qu’à sa psy qui ne partage rien de sa vie avec lui. Ça lui paraît d’une telle logique qu’il se demande comment le reste du monde peut être aussi con pour larguer des billets verts intentionnellement aux psys. Heureusement que la sienne lui est imposée et qu’il n’a pas à la payer, parce qu’hormis le libéré du poids de son argent, elle ne ferait pas grand-chose. Si au moins il parvenait à se la faire, elle servirait à quelque chose. Et puis faut qu’il en rajoute, qu’il case tout. Alexie s’énerve, elle se redresse, puis soulève la couette pour l’inviter à sortir du lit. “ et tu me demande de te dire la raison de mes pleurs après ça ? Tu ferais mieux d'aller dormir ailleurs. Au moins, tes autres hébergements, tu pourras baiser tranquillement parce qu'avec moi. T'auras pas ce que tu veux. “ La rabat-joie hein ? Il roule des yeux, puis se glisse hors du lit, pour se lever. Les pieds au sol, il croise les bras face à la jeune femme, la toisant de sa hauteur.

_ “ T'es vraiment coincée, c’est un truc d’avocat ça. Vous en avez bien besoin pourtant, une partie de jambe en l’air j’peux t’assurer que ça déstresserait. “

Il soupir d’agacement, ou de frustration, ou un peu des deux, puis il tourne les talons pour retourner se coucher dans le canapé. Sur le dos, il lève sa petite couverture sur lui, tout en fixant le plafond. Beaucoup moins coupable cette fois, pense-t-il. C’est juste elle qui est vraiment coincée. Ça ne va certainement pas l’aider à dormir. Il se rassoie, et se penche vers son sac pour en sortir son herbe. Il a un peu plus fort sur lui, mais il suppose que ça, ça suffira. Il s’en prépare dans du papier à cigarette, puis sans faire de bruit, il retourne vers la fenêtre qu’il rouvre, pour commencer à fumer son joint tranquillement. La clope entre ses doigts, il passe sa langue sur ses lèvres après avoir tiré dessus, puis il observe la rue en bas, quelques étages en dessous. Il ne se passe rien en pleine nuit, et il en vient à se demander s’il ne va pas rappliquer chez Drew sans prévenir.