Première impression - Alexie

Voilà déjà deux heures qu’il traverse Klamath Falls, aidé de ses deux seules jambes, son sac sur l’épaule. Il n’a pas beaucoup d’affaires, après dix ans de prison. Probablement un peu de biens chez ses parents, qui ont dû tout récupérer après son incarcération. Mais honnêtement, il préfère ne pas s’y pointer, il sait qu’il n’y est pas le bienvenu. Ils ont certainement tout brûlé en plus, pour se débarrasser de son souvenir, comme de lui. Un gosse en taule quand on représente la haute société d’une ville, ça casse l’image. Lui, il s’en fout, il n’a jamais ressenti la moindre chose pour ses vieux. Ils l’ont toujours traité avec du mépris, parce qu’il avait du mal à se canaliser. C’était peut-être un problème qu’ils auraient pu gérer en y passant plus du temps. Plutôt que de refiler ce gamin à des psy et des gourous, comme s’il avait un grave problème qu’il fallait effacer. Il n’y a que Luke et Michael qui comptent pour lui. Mais Luke semble avoir imité ses parents. Pas une seule visite en dix ans, pas même un coup de fil. Son jumeau est abonné aux absents, comme ses parents. Michael lui a pourtant dit qu’il pourrait crécher chez lui. Mais Misha sait bien que c’est faux. Qu’il ne lui ouvrirait même pas la porte. Il a souffert Luke, d’avoir un frère aussi con. C’est la monnaie de sa pièce. Il s’arrête pourtant, devant la maison de son frère jumeau. Grande, classe, il devine même une piscine à l’arrière. Amusant pour un type qui n’a pas de famille. Pas d’enfant, du moins pas qu’il le sache. Il se résigne, il trouvera bien le canapé d’un pote. Certains seront peut-être contents de le voir revenir. Alors il remet sa capuche sur sa tête, pour cacher son visage, puis il reprend son chemin. De toute façon, il a rendez-vous avec son avocate. Sa liberté n’est pas définitive encore. Il doit se tenir à carreau, pendant deux ans. Sans quoi c’est retour à la case départ. Pas de drogue, pas de cambriolage, pas de vol et surtout, pas de bagarre. L’avocate en question, elle sera chargée de le surveiller mais aussi de le défendre, s’il venait à flancher. Mais lui les avocats, il n’a plus confiance en eux. Il se doute qu’ils le rejetteront en taule au moindre écart.  

Il déteste faire bonne figure Misha. Être le gars bien ordonné, qui rentre dans le moule. Celui qui respecte les règles sans se poser de question. Ça c’est Luke. Alors il le fait exprès, de traîner dans la rue du cabinet Pearson, surveillant l’heure sur sa montre. Il a rendez-vous à 3h de l’après-midi. Il attend 3h10, avant de pousser la porte, l’air de rien. Fier de son petit retard, qui n’en n’est pas tellement un. Mais il sait qu’on le fera chier avec ça. Alors il les fera chier aussi.  

_ “ Hey. “

Marmonne-t-il les mains dans les poches, devant la fille de l’accueil. Ça l’agace déjà, elle ne s’occupe pas de lui, plongée dans un dossier ou dans des mots croisés. Il n’y a personne là-dedans, mais ses yeux clairs divaguent sur les vitres des autres bureaux. Les gens ont l’air en rendez-vous.  

_ “ Je dois me pointer ici, apparemment. “
_ “ Ha, Monsieur Kane. Vous êtes en retard. “
_ “ Bah je suis là maintenant. “
_ “ Tâchez d’être à l’heure la prochaine fois, Mlle Golberg déteste les retardataires. “

Il reste de marbre, mais un petit sourire se dessine en coin des lèvres. Il se le note. Arriver en retard à chaque rendez-vous. Cependant, Golberg, il n’avait jamais entendu ce nom. C’était une Norvégienne qui s’occupait de lui la dernière fois non ? Ou une Danoise, un nom bizarre. Une petite blonde aux lèvres pulpeuses, super sexy. Barbie, il l’a toujours appelé comme ça, alors son vrai nom, il ne sait même plus ce que c’est.  

_ “ Barbie, elle est pas là ? “

Ajoute-t-il alors que l’hôtesse le toise avec dédain. Elle ne sait peut-être même pas qui est Barbie. Elle lui fait un signe de tête vers le bureau derrière elle, celui de Golberg sûrement. Il se sent le bienvenu, ça fait plaisir. Il manque de lui renvoyer un petit “merci pétasse” mais il se retient, se contentant de rouler des yeux tout en traînant des pieds vers la porte de derrière. Avant de la passer, il jette un coup d’œil aux feuilles de l’accueil. C’était bien des mots croisés.  

_ “ Arlequin. “

Lance-t-il alors, ayant trouvé en un simple coup d’œil, le mot qu’il manquait à la vieille dame. Celle-ci se retourne et le fusille des yeux. Des mots croisés, il a eu le temps d’en faire en prison. Il sourit, ironiquement, puis il pousse la porte de Golberg, sans même frapper. Il passe la porte, et se retrouve face à une jeune femme, derrière le bureau. Jolie, même canon en fait. Plus simple que Barbie. Fine, à l’aspect doux et posée, mais il se doute qu’elle doit bien cacher son jeu, pour qu’on lui ait refilé son cas.  

_ “ C’est vous Golberg ? Je dois vous signer un truc comme quoi je suis venu ? Puis je me casse, ok ? “

Il n’a franchement pas envie de perdre du temps avec une gamine, aussi mignonne soit-elle. Puis faut qu’il trouve où crécher avant la tombée de la nuit. Ses yeux tombent quand même sur le bureau. Elle a son dossier d’ouvert, avec sa photo, du jour de son arrestation. Il a prit dix ans en pleine tête depuis. Plus ridé, plus cerné, plus dur, plus carré aussi, parce que le sport, il n’avait que ça à faire en prison.  

_ “ J’étais pas très à mon avantage. “

Il relève son regard vers les beaux yeux de la blondinette, il lui sourit malicieusement, un peu mauvais garçon. Blondie, ça lui suffira comme surnom. Elles sont engagées sur leur physique dans ce cabinet ? Il continue son étude des lieux, et remarque qu’elle a préparé un bloc note, pour peut-être, lui poser des questions et noter des trucs sur lui. Ouai, du coup, il garde bien son sac sur son épaule, ses mains dans les poches de son sweat, pour bien lui faire comprendre qu’il compte repartir aussi vite qu’il est arrivé.  

Elle lui fait face l’avocate, droite, neutre, impassible. Probablement l’une de ses femmes “fatales” comme ils disent. Excitantes, belle, froides, sauvages, mais peut-être trop dominatrices. Il n’aime pas vraiment ça lui. Misha préfère être celui qui mène les choses, celui qui tape sur la table. Alors il l’observe, en silence, les yeux rivés sur les siens. Il n’a pas peur de lui tenir tête, il sait qu’elle voudrait qu’il se rabaisse, qu’il pense qu’elle soit la seule à pouvoir le protéger d’un retour derrière les barreaux. Mais la vérité c’est qu’il s’en tape, et qu’il est persuadé de pouvoir se débrouiller tout seul. Comme il l’a très bien fait ces dix dernières années. A éviter les gros kaids du centre pénitentiaire. Les coups. Les violences, quelles qu'elles soient. A s’imposer pour faire peur, plus qu’être apeuré. C’est comme ça qu’il a survécu. En rejoignant le bon gang, ne pliant pas les genoux. “ Désolé de vous l'apprendre mais vous vous faites des films. “ Il s’en serait douté. Il étire un peu plus ce mauvais sourire, sans bouger, l’observant en silence. Il est impassible, peu bavard. “ Si vous voulez être vraiment libre, va falloir plus qu'une signature. Maintenant, installez-vous et on va parler. “ Elle lui donne un ordre là ? Sans bouger, ses yeux s’abaissent vers le fauteuil qu’elle désigne, pour finalement remonter jusqu’à elle, les sourcils légèrement froncés.

_ “ J’suis bien debout. “

Il a l’impression de lui tenir tête comme ça. De ne pas faire ce qu’elle attend de lui. Ouai, c’est complètement stupide, mais ça lui laisse l’impression de dominer la chose. Il n'a pas envie de coopérer. “ Je crois qu'on n'a pas besoin de se présenter mais soit. Je m'appelle Alexie Golberg et je serais celle qui fera en sorte que tout aille pour le mieux pour vous. Vous voulez la liberté, je veux réussir ce dossier. Il faut qu'on collabore pour nos intérêts. “ Qu’elle réussisse son dossier, ça, ça lui importait peu. Il ricane légèrement, presque en un souffle discret, arrêtant ses yeux sur les siens, sans sourciller.  

_ “ Moi je veux rester dehors, vous, je m’en fous un peu. “

Rétorque-t-il avec toute sa délicatesse légendaire. Elle ne se déstabilise pas pourtant la petite. Elle prend son stylo, son carnet, elle se prépare à ce qui ressemble à un interrogatoire de psychiatre. Ca lui rappelle exactement ça. Il en a suivre tous les mois des rendez-vous comme ça. Des têtes à tête silencieux. Ou il ne dit rien.  

_ “ Elle est ou Barbie ? Emilie. Celle s’occupait de mon dossier avant. Une blonde. Petite. Mignonne, pas trop autoritaire. “

Moins chiante, quoi. “ Il faut qu'on vous donne une vie stable. Je sais que vous venez seulement de sortir de prison mais, avez-vous quelqu'un qui vous héberge ou même une idée de ce que vous voulez faire de votre vie ? “ Elle veut écrire un roman sur lui ou quoi ? P’tain ça le saoule. Il pose son sac au sol puis se laisse tomber dans le fauteuil, dans le fond, pas très poli mais il espère bien qu’elle comprenne son désintérêt total pour cette séance d’exorcisme.  

_ “ J’me débrouille. “

Ronchonne-t-il pour simple réponse. Pas décidé à lui en dore plus. Il n’a pas envie de bosser avec des avocats sur son cas, avocats qui n’ont pas réussis à lui éviter dix ans d’enfer. Alors il croise ses mains, devant lui, le regard figé sur Alexie. Si elle veut jouer au jeu du regard, il est son homme.  

_ “ Et vous vous créchez où ? Vous passez vos journées à écrire des romans sur la vie des gens ? “

Finit-il par lancer, ignorant ses questions et les détournant en sens inverse. Même si tout cela l’intéressait peu. La seule chose qu’il peut retenir, c’est qu’elle est physiquement à son gout, pour le reste, si elle se la joue dominatrice, elle fera face à un mur solide. Il se redresse, se penche vers le bureau, puis attrape un cadre photo qui y trône. Elle est en photo avec quelqu’un, peut-être de la famille, des amis. C’est pas intéressant. Il le repose, sans y faire attention, dans le mauvais sens. Il soupir, relève ses yeux clairs vers elle, la toisant d'un mauvais air, malicieux.

_ “ Sans vouloir être désagréable, Blondie. Vous en avez rien à battre de mon discours, donc... Je signe, et on fait comme si on avait accordé nos violons ? “

Ok, Misha est loin d’être un génie, mais il ne faut pas non plus le prendre pour une huitre. Expression qu’il n’a jamais vraiment comprise, qui peut juger une huitre ? Elle se la joue, là, devant lui, fière, assurée, droite, imposante, dominatrice. Mais ça se devine qu’elle est loin d’être sûre d’elle. C’est sûrement son premier cas, à en juger de sa jeunesse. Elle a quoi, 25 ans ? Allez trente, au pire des cas. Des gars comme lui, elle en a vu sur le papier, jamais en vrai. Elle l’a épluché son dossier, les pages en sont cornées. Elle a dû y réfléchir, longtemps, pour savoir comment prendre le taureau par les cornes. Mais il n’est pas né de la dernière pluie. La psychologie des gens, ce n’est pas compliqué. Tout se voit dans un regard, dans les gestes, ou dans ce qui l’entoure. Il est observateur le brun. Pas très bavard, mais ses yeux font le job. “ Pas de soucis, être debout permet de garder la forme. “ Son sourire en coin s’élargit, alors qu’il l’observe de haut. Hautain. Rebelle. Elle ne pense pas une seconde ce qu’elle dit. Elle a mal aux pieds, ça se voit. Des escarpins, peut-être neufs, qu’elle n’a pas eu le temps de faire à ses petits petons. “ Emilie a été écarté de l'affaire. C'est pour ça qu'on a fait appel à moi mais, vous en avez rien à foutre de qui s'occupe de vous, c'est ce que vous venez me dire après tout. “ Non, c’est pas vraiment la réalité. Il a dit qu’il n’avait pas besoin d’aide, pas qu’il ne voulait pas d’Emilie. Emilie qui lui manque, terriblement, là toute de suite.

_ “ J’aimais bien Barbie, je préfère que ce soit elle qui reprenne le truc. “

Grogne-t-il en retombant dans le fauteuil. Tripotant le cadre, avec tous ces inconnus sur la photo. En réalité, même Emilie ce n’est pas le fond du problème. C’est qu’une excuse, un moyen d’agacer la blonde pour qu’elle finisse par signer son papier et écourter cet entre vue. Tu parles de liberté, entre ses rendez-vous chez le psy, et chez les avocats, il est comme en taule, sauf qu’ici il n’a même pas de lit au chaud. “ Oh oui j'adore écrire sur des mecs complètement paumés comme vous. Vous avez quoi... Quarante piges ? Et vous ni vie stable, ni envie de vous poser, au vu de ce que je vois. La vie parfaite ! “ Il échappe un petit rire, moqueur cette fois, mauvais, avant de la fixer de ses yeux bleus, avec intérêt, et insistance.

_ “ Réplique typique de nana. J'rêve. “

Il roule des yeux, il est probablement un peu macho, mais il l’assume. C’est Misha ça. Elle apprendra à le connaître et avec le temps, ça ne la surprendra même plus.

_ “ En quoi il me faudrait un lutin pour avoir réussi ma vie ? Je suis très bien comme ça. Si c’est pour supporter une nana dans votre genre, merci la solitude. “

C’est juste un peu froid la nuit, mais il se tiendra de l’avouer. Il n’en n’est peut-être pas encore là, à réaliser qu’il a tout foirer, vraiment tout, parce qu’il n’a ni femme, ni enfant. Il a encore à peine trente ans dans sa tête. N’ayant pas fêté ses dix autres anniversaires, derrière les barreaux. Il est loin de se douter qu’il a tant perdu. Ou peut-être qu’il ferme les yeux pour ne pas se l’avouer. Pour ne pas le reconnaître.

_ “ Puis... Mon p’tit loup, je vois pas de photo de bambin sur ce bureau. Ni même une seule photo de vous avec un Monsieur rabajoie. J’en déduis quoi ? Que vous avez une vie parfaite vous aussi ? “

Plutôt fier de sa réplique, il sourit un peu plus, malicieusement, c’est narquois, et moqueur. Il sait que ce genre de chose, ça touche plus les filles que les garçons. Elles sont toutes là, à douze ans à peine, rêvant d’une robe blanche, d’enfants, et du prince charmant. Elles sont nombreuses à tomber de haut, comprenant que la vie est loin d’être aussi fun que quand on joue à Ken et Barbie. Elle finit par se pencher sur le bureau, vers lui, comme si enfin, il venait de l’agacer. Lui ça lui plait de lui faire perdre ses moyens, alors il reste impassible, les lèvres victimes de ce mauvais sourire. “ Vous n'êtes qu'un grain de riz dans cette ville. Mais je ne vais pas vous lacher Kane. Mon boulot, c'est de vous rendre complètement libre. Je le ferais même si je dois vous attacher au même endroit pour ne pas que vous fassiez de conneries. “ Hou, là ça devient intéressant. Son sourire devient carrément plus coquin, indécent, alors qu’il se redresse sur sa chaise, serrant les reposes mains entre ses doigts pour s’y appuyer.

_ “ Là, j’aime l’idée. Vous êtes moins coincée que j’l’imaginais. “

Ça en serait presque excitant, si encore elle n’avait pas cette fichue ambition de ne le voir que comme un dossier numéro je ne sais combien. Il se relève, quittant son fauteuil, puis il se dirige vers la bibliothèque du bureau, fouinant dans les bouquins. Que des livres de droits, de lois, de justice. Nul. Il les sort, il les range. Il touche aux bidules et aux objets posés sur les planches de bois, il les retourne dans ses doigts avant de les remettre, mal certainement, mais il les repose.

_ “ Bon, j’peux y aller maintenant ? “

Il en est rendu derrière le bureau, à fouiner. Alors il se retourne vers elle, les sourcils relevés. Persuadé qu’elle va bien finir par le laisser partir après cette réflexion trop sous entendue. Elle va avoir besoin d’air, et l’envie de le jeter dehors, non ? Il se penche encore vers elle, attrape sa photo sur le dossier, juste en passant au-dessus de son épaule, puis il se redresse, examinant l’imagine avant de la fourrer dans sa poche.

_ “ Ca je reprends, je ne voudrais pas que vous ne pensiez qu’à moi en vous endormant ce soir. “

Connard. Elle devait certainement le penser très fort. Lui ça l’amuse, encore, ce sourire qui pend sur ses lèvres, trop fier, trop chiant, trop hautain. Sans une seule once de respect. Misha Kane dans toute sa splendeur. Ça lui avait manqué, après dix ans de taule. Là-bas, c’était un coup de matraque au moindre mot de travers...

“ Dommage va falloir vous contentez de moi. “ Mh, il minaude, détournant les yeux. Barbie était en plus, plus sexy, moins chiante, plus facile à manipuler. Du moins il en avait l’impression. Loin de s’imaginer les préférences sexuelles de Barbie, il s’était en plus mis en tête, qu’il en ferait son déjeuner. Dommage. “ Il voudra se contenter de moi. “ Si elle laisse tomber son balais, coincé entre ses fesses, il pourrait effectivement, vue d’ici. Mais elle se la joue trop dominatrice. Et c’est lui qui mène, point final. “ Ça tombe bien, je suis une nana. “

_ “ Ca j’en sais rien, j’ai pas vérifié. “

Rétorque-t-il du tac au tac, laissant ses yeux vagabonder sur la silhouette d’Alexie, de haut en bas, d’un mauvais sourire, trop coquin et scandaleux, ne le nions pas. Il n’est pas gêné de la toiser de la sorte, tout est bon pour la mettre mal à l’aise. Elle manque de répartie et il compte bien ne profiter. Plus il la fera sortir de ses gongs, et plus vite elle le délivrera de cette entrevue.  “ La vie professionnelle et privée doit juste être séparée. Je ne laisse juste rien dans mon bureau qui soit personnel. “ Mensonge. Des avocats il en a vu beaucoup quand il a commencé à enchaîner les merdes. Et encore plus quand il a fini par être arrêté avec toute cette drogue dans les poches. Et à chaque fois, on pouvait voir des diplômes, des photos, des babioles. Les avocats sont plutôt fiers de pavaner avec leurs réussites, leur belle famille. Des familles probablement souriantes sur les photos, alors qu’il n’en n’est rien en réalité. Infidélité, autorité, faux semblant. Le fric et la carrière n’ont jamais rendu plus heureux les gens, ça il en est persuadé.

_ “ C’est marrant, mon avocat il y a cinq ans, il ne cachait rien de sa vie professionnelle sur ses murs. Il avait un yault. “

Il lance des piques, il s’amuse de ce manque d’assurance qu’elle a, et qu’elle cache difficilement. Elle use de mensonge, comme lui. Il sait les déceler maintenant. Il est prince en la matière. “ J'étais certaine de vous interpeler avec ce genre de chose. “ Elle rougit, trop, sans pouvoir se contrôler. Il s’en pince la lèvre, s’émoustille de la vue, alors qu’elle fuit son regard. Elle n’a aucune répartie, et lui, ça lui plait. Finalement, elle n’est peut-être pas si dominatrice que ça, la louve.  

_ “ Evidemment. “

Murmure-t-il avant de se pencher à nouveau vers elle, par-dessus son épaule. Juste assez pour que son souffle chaud s’écrase contre le cou féminin, déposant sur sa fine peau, une légère vague de chaleur.  

_ “ Vos émotions vous trahissent. Mais le rouge aux joues vous va bien. “

Il chuchote, de sa voix suave, avant de se redresser et de récupérer sa photo. Non pas qu’elle soit réellement utile, juste pour embêter Alexie. Et ça semble fonctionner. Elle s’agace, elle sort les papiers et plaque un crayon par-dessus, l’invitant à signer et confirmer son passage dans le bureau. Son sourire prend des airs bien trop fier, alors que ses doigts entourent le Stabilo pour déposer sur le papier, sa signature. “ Vous n'êtes pas du tout mon genre, dommage, vous devrez vous la mettre derrière l'oreille avec moi. “ Ho il en doute. Ses joues rouges pour preuve. Il pose le crayon, se redresse, puis refait le tour du bureau pour récupérer son sac.  

_ “ Dommage, si vous changez d’avis, vous avez mon numéro. “

Il est aguicheur, provocateur, le Misha, le même qu’il y a dix ans. Rien n’a changé chez lui, si ce n’est cette carrure carrée et ses traits plus abimés par le temps. Le sac sur le dos, il se retourne vers elle, avant de poser sa main sur la poignet de la porte.  

_ “ Décorez donc ce bureau pour la semaine prochaine, que j’ai quelque chose à dire. “

Pouvait-elle comprendre par-là, qu’il n’était pas décidé à parler de lui ? Il passe la porte, la saluant d’un simple signe de la main, irrespectueux, du parfait Misha. Il s’arrête juste derrière l’hôtesse d’accueil, encore sur ses mots croisés. Et d’un simple coup d’œil, il se la joue une dernière fois :

_ “ Ligne de droite, vous devriez vous trouver un autre passe dent ma belle. “

La femme le toise, mais lui a déjà reposé son attention sur Alexie, resté devant son bureau.  

_ “ Dites à Barbie que je suis passé. “