Death around the next page | Ft. Andrew

La journée fut fastidieuse pour notre écrivain. La tête dans les cartons, à deux doigts de la perdre tant il devait s'organiser pour s'activer, chose qu'il n'appréciait guère. Le camion était comme à son habitude arrivait en retard, Andrew dû alors redoubler d'effort pour pousser, sortir, arranger, ses quelques affaires qu'il avait pu emmener de Londres. S'il ne s'était pas déjà attardé sur chaque petit objet qui lui rappelait un moment de sa vie, Andy aurait pu gagner déjà une bonne heure. Cependant, il ne pouvait s'empêcher de se remémorer de temps à autre les souvenirs du passé. Comme s'il devait ne pas oublier ce qui l'avait façonné.

Après une journée éreintante, il remercia l'équipe des déménageurs avant de se poser sur le trottoir. S'allumant une clope, il ne manquait plus qu'une chose pour finir cette journée une bonne fois pour toutes. Une bonne bière dans un pub, entouré de poivrot tous plus heureux de partager leurs histoires déjà raconté une bonne dizaine de fois. Andrew mangea sa cigarette en deux bouffées, avant de se précipiter chez son nouveau chez-soi, enfiler une tenue convenable. Il était temps d'affronter cette nouvelle ville, ce nouveau terrain de jeu, ce nouveau départ.

Écumant les rues de la ville à la recherche d'un bar plus ou moins accueillant, Andrew en profité pour observer les alentours. La façon dont les gens avaient de se côtoyer, les lieux qui semblaient plupart auprès des locaux. Il ressentait une certaine sensation de ville paumée du sud Londres, calme, prospère, mais jusqu'à quand. Après plusieurs minutes de balades, une enseigne portant le nom de "The Pikey", lui attira l'œil. Il vit deux hommes se faire éjecter par ce qui paraissait être le patron, en moins de deux, de ce charmant bar. Il n'en fallait pas plus pour Andrew qui enjamba les deux poivrots au sol pour s'immiscer à l'intérieur de ce lieu de rêve.

L'ambiance y était chaleureuse et conviviale. Il ne tarda pas à enlever son écharpe et son manteau avant de se diriger vers le comptoir pour pouvoir enfin profiter d'une bonne pinte bien fraiche. Andrew esquiva aisément le peu de personne présent dans le bar. Le mardi soir semblait une soirée plutôt assez calme pour ce genre de lieu. Notre écrivain trouva place sur un des seuls tabourets du bar encore disponible et pu commander rapidement son poison. Il ne tarda pas à prendre une grande lampée de son breuvage après avoir laissé la monnaie et quelques pourboires pour le barman. L'ambiance était plutôt calme et réconfortante. Ce qui suffisait amplement à Andrew après avoir dû tout quitter pour recommencer un nouveau chapitre de sa vie. Ce qui l'appréciait par-dessus tout actuellement, c'était de voir ces gens qui paraissaient si tranquilles. Loin de tout ce marasme angoissant ou stressant des grandes villes. Andrew fut tiré de ses pensées assez rapidement par la voix d'un local juste proche de lui. « Cela se voit tant que ça que je suis un intrus dans cette ville ? Allons bon, laissez-moi le temps. J'ai encore de la terre provenant d'Angleterre sur mes baskets ». Il reprit une gorgée de sa bière avant de trinquer avec celle de son nouvel interlocuteur. « Je suis Andrew et vous ? Et oui, je ne suis pas du coin, je viens juste de débarquer de Londres. Mais promis, je suis moins froid que mes homologues anglais. »

L'écrivain se doutait que pour pouvoir s'intégrer dans cette petite bourgade, il se fallait d'être le plus sociable possible. Prendre toutes les opportunités possibles pour essayer de se familiariser avec les locaux. Puis il avait toujours préféré partager un verre avec quelqu'un plutôt qu'avec ses pensées. Andrew analysa brièvement son interlocuteur se demandant, d'où il pouvait bien venir, était-il du coin ou de passage ? Avait-il été dans des affaires louches ou tout simplement un petit gars tranquille sans accrocs ?
Il eut le sourire aux lèvres à en décrocher ses fossettes lorsqu'il apprit que son compatriote de comptoir était aussi Anglais que lui. « Arrêeete... Canterbury ? Je comprends mieux pourquoi tu as décidé de changer d'air ! C'est coquet, mais il y a si peu d'endroit où sortir le soir… Un ennui pour moi ! », l'écrivain pris une gorgée de sa bière avant de se tourner un peu plus vers Eugene. La tête posait sur sa main, il ne put s'empêcher d'esquisser un rire à la demande son acolyte. Hum... Non pas vraiment, bien que cela aurait pu être une bonne idée. On va dire que c'est pour le travail que je suis venu ici ! », ce n'était pas complètement faux, même si c'était plutôt un prétexte. Puis une envie aussi de me mettre au vert, j'imagine ? Le brouahah des grandes villes m'a rendu fou dernièrement. » C'était surtout qu'il n'avait plus réellement les moyens actuellement de payer le loyer de ces immenses appartements New Yorkais ou de Los Angeles. En se remémorant ces derniers, il eut un petit pincement au cœur. Traduisant ce regret constant de passer à côté de quelque chose, tout le temps, de fuir ses responsabilités.
Andrew secoua sa tête pour faire fuir ses idées noires avant de rabattre son attention sur Eugene. Et toi alors ? Que fait Eugene à Klamath Falls ? Pour le travail ? Les amours ? La famille ? Ou peut-être es-tu un espion au solde la couronne ? Dis-moi que c'est ça je t'en supplie. » Andrew ria tout seul à sa bêtise avant de se désaltérer avec sa bière qui en était déjà bientôt à sa moitié. Il faut dire qu'il parlait tellement que sa gorge s'asséchait bien trop rapidement à son goût. Il n'avait pas eu vraiment l'occasion d'échanger plus de deux ou trois phrases depuis son arrivée. À part avec son agent, qui était plus qu'une plaie qu'autre chose.

La discussion battait son plein. Andrew se gargarisait souvent de pouvoir créer un contact rapidement avec n'importe qui. De nature plutôt chaleureuse, il avait tant de rencontre dans sa vie qui s'était faite au détour d'une bière, d'un café ou même d'une bousculade. Pourtant, bien qu'il semblât avoir rencontré la moitié de la côte Est avec ses livres, il ne se sentait pas moins seul aujourd'hui.
Andrew écoutait attentivement son interlocuteur qui paraissait s'être quelque peu déridé. « Finalement, tu t'es laissé séduire par la région. » L'écrivain bu la dernière gorgée de sa bière avant de faire un signe au barman pour une seconde tournée. « J'imagine que la ville ne m'a pas encore montré la totalité de son potentiel. » Il paya sa bière qui venait d'arriver avant de se tourner un peu plus vers Eugene. « Je dois bien avouer que cela m'intrigue beaucoup. Est-ce qu'on reste dans certains lieux par peur de l'inconnu ou simplement par plaisir du confort. J'avoue ne pas connaitre trop ce sentiment... »
Andrew n'était pas resté plus de deux ans au même endroit. Que ce soit avec ses parents ou par ses propres moyens, il avait écumé un nombre incalculable de villes. Ce qui lui donnait parfois cette impression d'être partout et nulle part à la fois. Est-ce qu'un jour aurait-il un pied-à-terre où il se sentirait chez lui ? Il n'arrivait toujours pas à se l'imaginer.
« Mon travail ? Rien en rapport avec la technologie, je ne suis pas assez intelligent pour ça, malgré mon accoutrement de scientifique des années 40. Et non, je ne travaille pas dans le bois, trop de manutention pour moi. » Il réfléchit plusieurs longues secondes, savoir si cela valait vraiment le coup de parler de son travail. Mais, après tout, cela finirait par savoir et puis de toute manière, ce n'était qu'un écrivain, pas Beyoncé. « J'écris quelques romans d'horreur, qui ont plutôt pas mal marché. Mais j'avoue être en panne sèche d'idée depuis quelque temps. D'où la superbe idée de mon agent de m'envoyer dans une ville loin de tout, pour une introspection non-bienvenue et peut-être trouver l'inspiration auprès de la faune locale. » Si seulement cet abruti d'agent savait que l'inspiration n'était pas juste affaire de voyage et de découverte de petit patelin américain.