ARCADE ▽ Line & Hortense

Si l'arrivée d'Hortense en ville s'était bien passée, il fallait bien avouer qu'elle désenchantait un peu ces derniers jours. Elle avait pourtant eu des bonnes nouvelles, son travail qui semblait plaire à la population locale pour commencer. Après les fresques demandées par Sebastian, elle avait eu différentes demandes pour des reproductions de tableaux et une maison d'édition locale lui avait fait une demande pour une couverture de livre pour enfant. Ce n'était pour l'instant que pour un tome vendu à très petite échelle, mais cela suffisait à lui donner du travail et à ce qu'on parle d'elle. Sans compter que son compte TikTok continuait à gagner des abonnés et cela lui permettait de parler de sa passion tout en gagnant de l'argent. Elle aimait ce qu'elle faisait et se sentait à l'aise dans l'appartement qu'elle avait enfin fini d'aménager après quelques semaines à vivre dans les cartons. Elle avait dû se trouver des meubles également, après avoir vécu en nomade pendant de nombreux mois, voir de nombreuses années, elle n'avait plus rien du tout. Elle ne s'était même jamais acheté un matelas depuis son départ d'Australie il y a plus de quatre ans. Il lui arrivait bien sûr de dormir sur des lits, notamment lorsqu'elle dormait dans des auberges de jeunesse, mais lorsqu'elle campait elle se contentait du confort offert par un camping-car ou alors par un matelas pneumatique qu'elle gonflait lorsqu'elle dormait sous tente.

Puis, évidemment, elle avait retrouvé Line. La femme dont elle s'était éprise peu après sa rupture compliquée avec sa seule et unique petite-amie finalement. Cela ne lui était jamais arrivé depuis, mais la revoir après tout ce temps avait réveillé des émotions et en voyant la joie avec laquelle Line semblait l'avoir retrouvée, Hortense s'était naïvement imaginé qu'il pouvait peut-être se passer quelque chose entre elle. Elles avaient échangé leurs numéros de téléphone et avaient repris contact de cette manière. Hortense savait que Line était occupée à cause de son métier et elle n'avait pas voulu lui donner l'impression d'être désespérée de la revoir. Pourtant, c'était le cas. Mais elle s'était retenue de trop lui écrire et de trop la contacter souvent. Et en tombant par hasard sur l'article de Scandale, elle réalisa rapidement qu'elle avait raison. Line lui avait dit être célibataire, mais il semblerait que cela ne soit pas complètement le cas. Elle n'estimait peut-être pas être en couple mais elle avait néanmoins une voir deux personne dans sa vie et il était hors de question pour Hortense de se retrouver dans un triangle ou un carré amoureux. Elle avait trop souffert lors de sa dernière rupture et la trahison de son ex. Elle avait préféré fuir l'Australie pour aller à l'autre bout du monde plutôt que de prendre le risque de la recroiser ou de se retrouver dans des endroits où elle s'était rendue avec elle. Autant dire qu'après près de cinq ans de relation, elles en avaient sillonné, des endroits.

Alors Hortense avait décidé de ne plus écrire à Line, attendant que cette dernière le fasse. Et lorsque c'était le cas, ses réponses étaient brèves, voir même cassante. Cela lui faisait mal au coeur, évidemment. Parce qu'elle tenait à Line malgré tout, du moins suffisamment pour ne pas l'ignorer complètement. Elle savait parfaitement en être incapable. Alors l'australienne s'était complètement plongée dans son travail, rendant ses commandes avec encore plus de rapidité que ce qui était prévu. Sans perdre de qualité, heureusement. Elle avait eu plusieurs commandes ces derniers jours et même si elle les traitait dans l'ordre d'arrivée, elle était heureuse d'avoir terminé celui pour le petit café proche de chez elle. Celui où elle avait peu à peu pris ses habitudes et dans lequel les serveurs et serveuses la saluaient par son prénom et connaissaient ses commandes habituelles. La demande de la patronne du café était assez simple, elle voulait des cadres pour décorer sa boutique et changer un peu de ce qu'elle avait jusqu'à maintenant. Hortense avait eu quasiment carte libre et cela lui avait fait plaisir de pouvoir laisser parler son imagination après avoir plutôt fait de la reproduction.

Appuyée contre le bar, Hortense regardait la propriétaire installer ses nouveaux tableaux, la tête appuyée entre ses mains. Elle était fatiguée, trouver le sommeil lui était compliqué ces derniers temps. Elle travaillait toute la nuit et finissait souvent par s'endormir au petit matin, généralement sur son canapé devant une série quelconque. Autant dire que ce n'était peut-être pas le sommeil le plus récupérateur possible. Mais elle espérait que cela puisse changer rapidement, peut-être devrait-elle parler à Line, mais d'un autre côté... Pour lui dire quoi? Elle aurait dû continuer à se dire qu'il ne se passerait rien entre elles au lieu de se mettre à espérer comme une imbécile. En plus du reste, elle commençait à être en colère avec elle-même. « Tu veux quelque chose à boire? C'est la maison qui offre » lui proposa la patronne en reculant pour s'assurer que les trois tableaux étaient alignés et droit. « Mh. Bon, d'accord » accepta Hortense en se remettant droite, s'étirant longuement, satisfaite de sentir son dos s'étendre comme elle le voulait. Elle n'eut pas besoin de lui dire ce dont elle avait envie, maintenant que c'était l'automne, l'établissement proposait des boissons à la cannelle, sa petite folie.

Pour être toute à fait honnête, Hortense ne s'attendait pas à tomber sur Line ici. Il lui semblait avoir compris qu'elle n'habitait pas dans le coin, ou du moins pas dans le quartier. Certes la ville où elle avait élu domicile n'était pas aussi grande que Sydney ou même Melbourne, il était donc plus difficile d'éviter de croiser des gens. Mais l'australienne ne s'attendait pas à la voir arriver ici, en plein milieu de journée, alors qu'elle avait une haute fonction et qu'elle était très occupé professionnellement. Et personnellement apparemment, mais ne remuons pas le couteau dans la plaie. Hortense essayait d'oublier cet article, ce qu'elle y avait lu et les émotions que cela lui procurait. Pourtant il fallait bien avouer qu'elle y songeait presque constamment ou qu'en tout cas cette étrange sensation de tenaille autour de sa gorge ne s'était pas défaite depuis. Alors qu'à la base elle ne connaissait même pas l'existence de ce blog, elle y était tombée purement par hasard.

En entendant la voix de Line, que la brune reconnut d'ailleurs peut-être un peu trop facilement, elle ferma brièvement les yeux et crispa son visage. Elle ne s'y attendait pas et se retrouva brusquement comme prise au piège. Elle ne se tourna pas dans la direction de Line, mais lorsque cette dernière vint à sa hauteur pour se commander un café, il fut plus difficile d'éviter la discussion. Elle lui adressa un demi-sourire qui devait plus ressembler à une grimace avant de lui répondre à voix basse. « On dirait bien » fit-elle simplement, cherchant un échappatoir à cette situation. Elle n'avait pas envie de vivre ce moment, souhaitant simplement prendre ses jambes à son cou et aller se cacher chez elle. De préférence sous sa couette. « En fait je venais livrer ça » fit-elle simplement en désignant son oeuvre d'un signe de tête. C'était finalement une preuve qu'elle n'avait pas raconté des bobards à Line, après tout elle avait vraiment du travail à faire. Elle y accordait peut-être un peu plus de temps que d'habitude, voilà tout. Elle était plus pointilleuse également, moins satisfaite du travail qu'elle pouvait produire. Cela lui arrivait parfois, mais c'était toujours lié à son état d'esprit. Elle avait par exemple recommencer ces peintures au moins quatre fois avant de craquer et de finalement décider de continuer le premier croquis. Une grosse perte de temps et de produits, mais c'était comme cela.

Remettant nerveusement une mèche de cheveux derrière son oreille, elle fit mine de se relever du tabouret sur lequel elle se trouvait. « D'ailleurs il faut que j'y retourne, désolée... » Elle allait lancer un "Je t'appelle" et déguerpir lorsque la patronne déposa son café devant elle. Dans une tasse en verre et on pas à l'emporter. Super. « Allez t'as bien le temps de te reposer cinq minutes de plus, vu les cernes que tu as sous les yeux tu as du peindre toute la nuit » pouffa la propriétaire, igorant sans doute le ravin de désespoir dans lequel elle venait de projeter Hortense. Cette dernière leva les yeux au ciel pour faire bonne figure, avant de se rasseoir. En entourant la tasse de ses mains, elle réalisa que la chaleur réconfortante signifiait qu'elle avait froid. Peut-être devrait-elle prendre un bain en rentrant? Et éventuellement se faire un masque, la remarque qu'elle venait de recevoir lui fit réaliser qu'elle n'était même pas maquillée actuellement. Peut-être qu'elle n'aura pas besoin de s'éloigner de Line finalement, cette dernière prendra peut-être peur toute seule?

Consciente qu'il était temps de lancer un sujet de conversation pour ne pas que cette dernière ne commence à la questionner sur la distance qu'elle avait instauré entre elles, Hortense se retrouva à sortir la phrase la plus stupide du monde. « Alors, quoi de neuf? » demanda-t-elle l'air de rien. Il était étrange pour elle de chercher un sujet de conversation qui les éloigneraient le plus possible de celui qu'elle n'avait clairement pas envie d'aborder. Les discussions entre les deux lui avaient toujours semblées fluides, agréables et spontanées. Aujourd'hui, c'était tout le contraire.

Si elle avait su qu'elle croiserait Line aujourd'hui, peut-être qu'Hortense aurait un peu mieux soigné son apparence. Elle aurait en tout cas fait des efforts pour masquer ses traces de fatigue, créées certes par le fait d'avoir peint toute la nuit mais également à cause de cet article qui la travaillait beaucoup trop. Cela ne devrait pas être le cas et elle aurait dû rester dans le même état d'esprit qu'à l'époque de sa rencontre avec Line. Certes elle n'avait jamais véritablement pu se la sortir de la tête, elle ne s'était même jamais mise en couple avec qui que ce soit depuis. Le traumatisme de sa rupture avec son ex ne se refermera sans doute jamais en plus, elle se sentait stupide d'avoir baissé sa garde en si peu de temps. Toutes ces histoires la fatiguaient pour être tout à fait honnête et elle se demandait parfois ce qui la retenait ici finalement. Bon certes elle avait des contrats à honorer et elle en acceptait d'autres, ce qui n'était sans doute pas très malin non plus. A croire qu'elle aimait se torturer, il faudrait peut-être qu'elle pense à se questionner sur la raison de ce comportement.

Elle n'avait jamais rien raconté à Line de sa relation avec son ex, du motif de leur rupture, de ses difficultés avec ses parents ou les autres membres de sa famille. Elle ne voulait pas attirer sa pitié plutôt que sa sympathie, elle lui avait vaguement raconté qu'elle n'avait contact qu'avec son frère et que c'était très bien ainsi. Peut-être avait-elle mentionné une quelconque brouille en raison de son orientation sexuelle, mais cela n'arrivait pas à la cheville des complications qu'elle avait vécu avec ses géniteurs.

Line admira son oeuvre, ou en tout cas complimenta Hortense sur son travail. Cela fit plaisir à la brune, sincèrement. Elle lui adressa un sourire, léger mais sincère celui-là. « Mhm » répondit-elle simplement en reportant son attention sur les cadres qui tronaient désormais fièrement dans l'établissement. Elle revoyait les coups de pinceaux qu'elle avait donné et ce qu'elle avait pensé en le faisant ou alors la musique qu'elle écoutait à cet instant précis. Sa tasse devant elle, Hortense se retrouva plus ou moins prise au piège dans ce café et elle jouait machinalement avec sa tasse et son liquide. Elle eut du mal à supporter le silence, aussi elle se retrouva à le briser. Cela lui permettait également de détourner Line de son comportement et de la manière qu'elle avait de la fuir. Si elle acquiesça brièvement d'un signe de tête au début des explications de Line, elle sentit sa mâchoire se contracter lorsque Line mentionna ses amis au bowling. Amis, vraiment? « Je vois » fut cependant tout ce qu'elle répondit avant de porter sa tasse à ses lèvres. La boisson était encore chaude, mais pas au point de lui brûler la bouche. Elle était déterminée à finir sa consommation rapidement pour rentrer chez elle le plus vite possible.

Line lui retourna la question et Hortense haussa les épaules, l'air de dire qu'il n'y avait pas grand chose à raconter. « Oh... Pas grand chose » répond Hortense en se perdant dans la contemplation de sa boisson. « Le travail, le train-train quotidien... Surtout le travail, en fait » Elle ne mentait pas et savoir que Line avait justement une preuve sous ses yeux la rassurait un peu. Elle ne devrait pas avoir à se sentir obligée de se justifier ainsi, c'était stupide de sa part. Elle le savait et cela la mettait encore plus mal à l'aise. Elle changea de position sur son siège, un peu mal à l'aise par la situation. « J'ai encore pas mal de choses à faire dans de courts délais » Ses projets étaient multiples et elle adorait cela, pouvoir se diversifier était une véritable chance à ses yeux. Elle porta une nouvelle fois sa tasse à ses lèvres et en but une grande partie. Plus que quelques gorgées et elle pourrait sauter en bas de son tabouret pour retourner se réfugier chez elle. Et éventuellement éteindre son téléphone pour deux voir trois semaines.

Parler de son travail était un bon échappatoire, cela lui permettait d'avoir une discussion suivie et peut-être un brin superficielle, mais qui ne la mettait pas trop mal à l'aise. Et elle pouvait en parler sans attirer l'attention de Line, que l'avocate réalise que son comportement était lié à de la jalousie ou à de l'égo mal placé serait particulièrement difficile à vivre pour elle. Ce n'est jamais facile de tomber sous le charme de quelqu'un pour qui ce n'est pas réciproque, cela semble arriver régulièrement à plein de monde. Mais ce plein de monde géraient peut-être les choses d'une manière différente qu'Hortense. Lorsque Line la questionna sur les projets professionnels qu'elle avait en cours, Hortense sauta sur l'occasion pour faire une phrase complète et précise. « J'ai plusieurs commandes en cours » répond l'australienne en jetant machinalement un regard en direction des peintures qu'elle vient de terminer. « Il y a une reproduction d'une peinture de Bansky, celle avec de la Petite fille avec le ballon rouge. » Un léger sourire éclaira le visage d'Hortense, c'était l'une de ses peintures préférées. Celle-là et Nighthawks, d'Edward Hopper. « Sinon j'ai aussi eu un contact plutôt agréable avec une femme qui écrit des livres pour enfants et dont je vais faire au moins deux couvertures. » C'était aussi quelque chose qui changeait un peu et qui faisait plaisir à la brune.

Elle avait encore d'autres projets mais elle n'avait rien commencé et ne voulait pas en parler tant que les choses étaient encore flou. En tout cas, rien qu'avec ces deux choses elle avait largement de quoi occuper son temps.

Alors qu'Hortense s'était un peu détendue et qu'elle avait cru pouvoir continuer à maitriser un peu la situation et la conversation, lorsque Line reprit la parole elle sentit son estomac tomber jusque dans ses talons. Elle bougea légèrement sur son tabouret, un peu mal à l'aise. Elle avait autant envie de refuser que d'accepter. « Tu ne dois pas bosser sur ton procès qui arrive? » commence à demander Hortense en la regardant du coin de l'oeil. Cette question était faite pour lui donner du temps pour réfléchir, mais elle n'a jamais été douée ni pour les mensonges, ni pour l'improvisation. Après s'être mordillé la lèvre, elle se retient de soupirer doucement et remet machinalement une mèche de ses cheveux derrière son oreille. « Mais oui, ok, si tu veux. » Elle lui adressa un bref sourire et, se sentant sur le point d'exploser, elle sauta de son tabouret et rassembla ses affaires. « Il faut vraiment que je file, désolée. » Elle fit quelques pas rapides en direction de la porte avant de réaliser que Line ne savait pas où elle habite. Soupirant, Hortense tourna les talons pour revenir vers elle en farfouillant dans la poche de son manteau. Elle en tira un stylo et écrivit son adresse à la hâte sur une serviette en papier. « Mon adresse. Ecris-moi quand tu penses arriver, je perds parfois un peu la notion du temps. A toute à l'heure » Elle lui tendit le morceau de papier, croisant brièvement le regard de son interlocutrice, avant de déguerpir en lançant rapidement un au revoir à la patronne.

Le stress que l'arrivée de Line dans quelques heures avait provoqué chez Hortense l'avait poussée à faire son ménage de fond en comble. Son appartement n'était pas sale à proprement dit, mais elle avait fortement tendance à laisser traîner ses affaires un peu partout. Allergique à la crasse elle faisait rapidement sa vaisselle ou rangeait tout aussi vite son linge, mais il n'était pas rare qu'une pile de livre traîne sur sa table basse ou que la quasi-totalité de ses produits de soin soient entreposé en montagne sur le bord de sa baignoire. Elle vivait seule, alors elle s'en fichait un peu. Mais maintenant qu'elle avait retrouvé le plaisir d'avoir un chez soi, elle en profitait. Sa folie ménagère passée, Hortense était allait prendre une longue douche pour rassembler ses esprits et se rafraîchir un peu.

Puis, pour se changer les esprits et arrêter de recommencer dix messages pour Line dans le but d'annuler sa visite, elle s'était remise à peindre. Cela lui permettait d'avancer ses commandes en plus de ne plus se prendre la tête. Elle s'était faite livrer ses courses le jour d'avant, aussi il y avait largement de quoi boire selon ce que Line comptait apporter pour le repas. La musique à fond et perdue dans ses pensées, Hortense n'entendit effectivement pas la sonnette de sa maison retentir. Par contre, elle repéra le vibreur de son téléphone qui lui annonçait l'arrivée d'un message. C'est alors qu'elle réalisa l'heure et qu'elle avait perdu toute notion du temps. Line était là et elle, elle n'était pas vraiment apprêtée pour recevoir quelqu'un. Pourtant, elle n'avait pas à coeur de laisser l'avocate sur son paillasson plus longtemps que nécessaire.

Ce fut donc avec une chemise blanche trop grande dont elle avait retroussé les manches sur ses bras plein de peinture, le même jeans artificiellement déchiré qu'elle portait tout à l'heure et ses cheveux remontés en un chignon désorganisé qu'elle ouvrit à Line. En ouvrant la porte, elle réalisa qu'elle avait également de la peinture sur les mains. « Salut » fit-elle avec un léger sourire hésitant en ouvrant la porte, se cachant à moitié derrière la planche de bois. « Désolée, j'étais... Enfin, je peignais. Je n'ai pas vu l'heure » Reculant de quelques pas, elle ouvrit la porte plus grande et attendit que Line soit entrée pour la refermer derrière elles. Bon dieu ce qu'elle n'était pas à l'aise.

Prenant sur elle, Hortense entraîna Line jusqu'au coin à manger. Son rez-de-chaussé était entièrement ouvert, si ce n'est la salle de bain qui se trouvait à côté de l'entrée. Son salon était délimité de la cuisine et de la salle à manger par trois marches qu'il fallait grimper pour y accéder, mais l'idée de pouvoir tout voir d'un seul regard était ce qui avait plu le plus à l'australienne. « Si tu n'as pas faim tout de suite, on peut mettre la nourriture au chaud quelques minutes, si tu veux » fait Hortense rapidement en se tournant vers son invitée. « En attendant, tu veux boire quelque chose? » Elle ouvrit son frigo de façon à ce que Line puisse voir ce qu'elle avait à disposition. Elle parlait beaucoup et sans doute pour ne pas dire grand chose d'intéressant, mais c'était avant tout pour empêcher l'autre brune d'aborder un sujet qu'Hortense n'avait pas envie d'entendre.

Malgré son malaise, Hortense était heureuse d'avoir pris le temps de prévenir Line qu'il sera très possible qu'elle ne l'entende pas sonner à sa porte d'entrée. Cela leur aura évité une nouvelle mésentente, déjà que la brune ne sait pas trop sur quel pied danser dans leur relation... Cela aurait sans doute été encore plus compliqué. Et une autre forme de complication que lorsqu'elle doit aller chercher des colis dans un relai postal à une trentaine de minutes en voiture parce qu'elle n'a pas entendu le livreur sonner à sa porte. Elle adressa donc un simple sourire à Line lorsque cette dernière lui certifia ne pas être dérangée par le fait d'avoir dû la contacter par son téléphone pour avoir enfin le droit d'accéder à l'intérieur de la maison.

Hortense regarda avec curiosité le sac en papier que Line transportait, l'écoutant attentivement lui détailler ce qu'elle a choisi pour leur repas de ce soir. Un léger sourire éclaira son visage lorsqu'elle entendit le mot "Tapas", la ramenant à ses nombreux souvenirs culinaires lors de ses voyages. Egalement les quelques repas qu'elle a pu partager avec Line, également. « C'est très bien » certifie l'australienne avec toujours un léger sourire. « Je ne connais pas ce restaurant, ça me donnera l'occasion de tester » Elle n'est pas en ville depuis très longtemps et n'a donc clairement pas eu le temps d'écumer tous les endroits de la ville.

Hortense prit délicatement le sac, s'efforçant de ne pas toucher les doigts de Line lorsqu'elle s'en saisit. Elle transféra ensuite les différents aliments dans des plats adaptés au four avant de l'allumer, leur permettant ainsi de garder leur repas au chaud pendant quelques instants. Elle se saisit également d'une bière qu'elle ouvrit après avoir servi Line. La jeune femme la questionna sur son atelier et Hortense hésita une fraction de seconde sur la réponse à lui donner. « A l'étage. Viens, je vais te le montrer » Ce n'est sans doute pas la chose à faire, montrer quelque chose qui compte autant pour soi à quelqu'un qui n'a pas la même vision de votre relation. Mais Hortense ne peut pas s'empêcher de laisser Line entrer un peu dans sa vie, malgré tout ce qu'elle a pu se dire jusqu'à maintenant. Malgré toute la préparation mentale à laquelle elle s'était faite à son arrivée. S'en est presque déprimant.

Hortense emmène donc Line à l'étage, ouvrant la porte se situant à côté de sa chambre à coucher. C'est sans doute la pièce la moins bien rangée. La brune se dépêche d'aller refermer la fenêtre qu'elle avait ouverte pour évacuer l'odeur de peinture et en profite également pour se laver les mains et les bras. Le tableau sur lequel elle travaille actuellement est sur son chevalet, placé face à la porte pour pouvoir bénéficier de la lumière du jour pendant qu'elle peint. A côté se trouve une table sur laquelle se trouvent une multitude de pots de peinture, de palettes et de bocaux de confitures transformés pour contenir des mélanges de couleurs précis. Des toiles vierges sont déposées sur le mur d'en face, à côté de sa chaîne hi-fi et d'un bureau sur lequel se trouvent les différentes commandes en cours et un bloc-note rassemblant des croquis et des idées écrites à la main. « Désolée pour le rangement, c'est rare que j'ai des visiteurs ici » fait gentiment Hortense en refermant le lavabo après avoir réussi à faire partir toutes les tâches sur sa peau.