Howdy neighbour. || Robert

Une journée ordinaire à la boutique. Quelques habitués qui s’arrêtent pour prendre une tisane avec Stevie ; des passionnés qui lui tiennent le crachoir et lui apprends des choses : il n’y avait pas à dire la jeune femme avait un travail qui la comblait. Et cela n’était pas fini puisque dès la fermeture, elle pouvait passer du temps avec ses animaux : dans la paix de son ranch. Pour rien au monde, Stevie ne changerait sa vie : elle aimait bien trop la combinaison des deux qui étaient assez différents pour qu’elle ne s’ennuie pas. Il y avait toujours quelque chose à faire et pour une active comme elle : cela était essentiel. Elle préférait largement ne plus savoir où donner de la tête que se tourner les pouces. C’est pourquoi, en fermant la boutique et en montant dans son pick-up : elle avait le sourire. Stevie ne mettait jamais de temps à s’endormir le soir, car bien trop fatigué par ses journées.

À peine garer devant chez elle que les trois chiens qui avaient le droit de se promener en liberté dans la propriété accoururent pour la saluer de quoi la faire sourire. Ainsi donc elle salua les deux bergers allemands et un border collie puis alla poser ses affaires à l’intérieur avant de toute de suite ressortir pour commencer la ronde traditionnelle. Vérifier que tout le monde allait bien dans la grange, qu’ils avaient de l’eau et les nourrir avant de sceller Bucephalus : un mustang bien trop habitué à être travaillé pour pouvoir être arrêté même si Stevie le ménageait le plus possible. Prête, elle siffla Titania, le border collie et partit pour vérifier que les vaches et les ânes ne manquaient de rien. Elle venait de les mettre en pâturage, mais allait les voir tous les jours. C’est en faisant son inspection qu’elle remarqua de nouvelles têtes. Un âne, une ânesse et son ânon piochaient allégrement dans le foin.

“Hey vous faites quoi ici hein ?” Elle descendit de Bucephalus et caressa son encolure avant de s’approcher des bêtes qui n’étaient pas farouches pour deux sous. “Je ne vous ai jamais vu dans le coin.” Les pas de Stevie étaient feutrés pour ne pas les affoler : elle ne les connaissait pas après tout. La femelle releva enfin la tête : “Il est beau ton bébé.” A sa taille, il devait avoir quelques mois, trois tout au plus. “Ok on va vous ramener chez vous hein ?” Encore fallait-il qu’elle sache à qui appartenaient les bêtes. Elle regarda le mâle qui semblait plus intéressé par les autres ânesses que Stevie. “Ah non, hein, tu les laisses tranquille.” Elle ne voulait pas se retrouver avec de nouveaux bébés ! Elle retourna auprès de Bucephalus et décrocha de la selle quelques cordes. Des nœuds improvisés serviront à faire des licols. “Et voilà, petit ânon, tu vas suivre ta maman gentiment hein ?” Stevie arriva à les attraper et accrocha l’autre bout des cordes à la salle pour rentrer au ranch.

Les nouveaux arrivants installés dans un enclos à l’écart des autres, avec de la nourriture et de l’eau fraîche : la propriétaire des lieux rentra le cheval et après l’avoir brossé prit son téléphone pour appeler le seul ranch qui avait des ânes : celui de Buchanan, Robert de son prénom. Elle ne l’avait jamais rencontré, ayant toujours eu à faire à ses employés quand il y avait des fuites d’animaux. Que cela soit de son côté ou du leur. N’ayant pas de réponses, elle souffla longuement et remonta dans son pick up. Il semblerait que les heures supplémentaires soient de mise. Titania dans la voiture à ses côtés - ne sortant jamais le soir sans un des chiens - elle prit la direction du domicile de Robert Buchanan, espérant qu’il soit chez lui.

Devant les portes d’entrée du ranch qui étaient fermées, elle se gara et sortit. Nul besoin d’appeler ou de trouver un moyen de contacter le propriétaire : ce dernier était encore dehors. Stevie fit de grands signes pour attirer son attention avant de mettre ses mains devant sa bouche en cône : “Howdy !” Commença-t-elle : “Je crois que j’ai retrouvé vos ânes ! Ils étaient dans mon pré.” Il n’y avait plus qu’à attendre qu’il s’approche pour lui ouvrir ou l’envoyer paître. L'avait-il seulement entendu ?

Un inconnu qui entendrait Robert siffler en travaillant pourrait facilement croire qu'il était de bonne humeur, ce jour-là. C'était faux. Une affaire compliquée au travail lui grugeait de l'énergie, des satanés voleurs qu'ils n'arrivaient pas à attraper, et ces derniers temps, ses pensées étaient encore hantées par Jude. On venait tout juste de passer son anniversaire, et ça le faisait complètement chier, le vieux Robert. Ça le faisait chier, parce qu'il avait oublié. Il avait oublié la fête de Jude. Le vieux était en train d'oublier sa belle blondinette, et sa frustration était après lui même, parce qu'il s'était promis que dans son coeur, et dans sa tête, elle serait là pour toujours. Et à l'évidence, il commençait à l'oublier. C'est ce que tout le monde lui conseillait de faire, mais même si des aventures ici et là avec des belles femmes comblait le besoin physique et faisait en sorte que son entourage le laisse tranquille, son coeur, lui, en prenait un bon coup. Alors Robert, il passait sa frustration sur les travaux sur le ranch. C'était une journée fraîche aujourd'hui, pour un début d'été, alors il avait décidé de faire une petite addition sur le poulailler, pour que Poule Walker, Sean Poule, Poule Anka et Aaron Poule puissent avoir un peu plus d'espace à l'intérieur de leur cabane lorsque les temps froids reviendront.

Il ne s'était pas vraiment rendu compte que le soleil avait fini par commencer à se coucher, bien trop pris dans sa construction, à siffloter avec la radio. Mais du coin de l'oeil, il voit quelque chose bouger. Sur le coup, il croit à une bestiole, comme un coyote qui voudrait manger ses poules, mais il réalise vite que c'est une voiture. Il hausse les épaules avant de recommencer à travailler, assumant que c'était quelqu'un qui allait surement juste utiliser le bord de son entrée pour faire demi-tour. Il attendait personne le vieux, alors... Mais la voiture ne fait pas demi-tour. Il relève la tête, et voit une femme agiter ses bras, tentant visiblement d'attirer son attention. Elle s'arrête quand il tourne la tête vers elle, et semble faire un cornet avec ses mains, sa fainte voix se rendant toute juste à lui. Tout ce qu'il avait entendu, c'était "ânes" et "pré". Il se gratte la barbe le voeux avant de commencer à avancer.

Avec son pas las, ça lui prend presque deux minutes avant d'arriver près des portes du ranch. C'est là qu'il la voit réellement. La minette du ranch voisin. Ils partageaient une clôture, elle et lui. Ils avaient jamais vraiment eu à se parler officiellement, mais faut le croire quand il dit qu'il l'avait défintivement remarquée. Une belle femme comme il les aime.

Il lève son chapeau de cowboy en guise de salutation, mais il sourit pas, le Lieutenant.

- Ch'ui désolé, j'ai pas entendu c'que vous avez crié.

C'était presque grogné, à peine poli. Mais il s'en foutais de ça.

- Vous parliez d'ânes?

Au même moment se fait entendre le son de ses ânes dans le camion de la nouvelle venue. Il plisse les yeux, pour mieux voir, puia les ouvre grand, surpris.

- AH! Mais c'est Perlin, Petunia et Polly ça! Ils ont de s'échapper...

Il fait quelques pas plus vigoureux pour ouvrir manuellement les portes du ranch.

- Allez, je vais vous aider à les sortir de là!

Stevie était plutôt contente au fond que ces ânes se soient perdus dans son pré. Cela allait lui permettre d’enfin mettre un visage plus net sur un nom qu’elle avait entendu par-ci, par-là de la bouche de ses employés. D’une nature peu sauvage, il n’y avait pas de raison pour elle d’avoir de l’animosité ou d’être en colère de retrouver des animaux qui n’étaient pas les siens sur ses terres. Après tout, la conception des clôtures était quelque chose de très humain. Elle était plus inquiète sur le fait que ses ânesses aient été salies qu’autre chose : puisque cela n’était pas prévu dans le budget. Les aléas d’avoir des animaux certainement. Stevie trouverait un moyen, une autre occasion de rencontrer l’homme à qui elle faisait de grands signes pour l’interpeller. Le voyant s’approcher finalement, elle fut satisfaite : elle ne voulait pas rentrer sur sa propriété sans y avoir été invité. Cela ne se faisait pas et puis elle savait que cela pouvait facilement dégénéré si la personne n’était pas enclin à recevoir de la visite. Même si pour l’occasion, Stevie faisait une bonne action en ramenant les bêtes chez elle.

“Pas de mal.” Elle répéterait avec plaisir : “En effet, j’ai trouvé vos ânes dans mon champ. Il semblerait que le mâle ait été attiré par les ânesses.” La propriétaire n’avait pas relevé le ton de Robert, il en faudrait plus pour qu’elle s’offusque. Les animaux dans le camion se firent entendre ce qui fit sourire Stevie : “Il semblerait qu’ils reconnaissent votre voix !” Ce qui était bon signe. Elle hocha la tête : “Merci.” Elle s’éloigna et se mit au volant pour rentrer, caressant la tête de son chien pour le rassurer avant d’aller garer le pick-up près des autres. Elle redescendit : “J’ai laissé leurs licols. Y’a que l’ânon qui n’en a pas. J’ai vérifié et ils ne se sont pas blessés en passant la clôture, même si je ne sais pas où ils sont passés encore.” Elle allait enquêter, Stevie, c’était certain. Elle ouvrit la petite porte à l’avant de la remorque et y sortit les longes pour en tendre une à Robert : “Au fait, moi, c’est Stevie.” Elle avait réalisé qu’elle ne s’était même pas présentée encore, bien trop absorber par le bien-être des animaux. Nul doute qu'il devait déjà savoir son prénom, mais elle aimait faire les choses bien.