one cannot plan for the unexpected -- misha

Plus les jours passés, plus Darcy commence à angoisser sérieusement. Elle a beau retourner la situation dans sa tête pour la scruter sous toutes les coutures, mais rien n’y fait. Elle arrive toujours à la même conclusion. Fais chier, qu’elle pense. Cela fait presque trois semaines qu’ils sont mariés, et les histoires à la con, engueulades — avec les réconciliations — se succédaient à leur porte. Darcy, elle a essayé de tout faire pour le rendre jaloux, qu’il parte de lui-même, qu’il parle de divorce de son côté. Bref, quelque chose pour mettre fin à cette putain de mascarade. Il y avait eu cette soirée au nightclub, un rendez-vous qui devait démontrer qu’ils pouvaient être comme un couple normal. Il était arrivé en retard et avait trouvé Darcy en bonne compagnie. La main du gars sur ses fesses avait suffi pour le faire dérailler. Maintenant, le visage du gars était digne d’un Picasso, à afficher dans un musée. Elle n’aime pas qu’on soit possessif avec elle. Darcy c’est loin d’être une demoiselle en détresse. Après, elle avait eu envie de le présenter à son père, avant que la nouvelle ne sorte sur Scandale ou par un autre réseau de potins. Finalement, le paternel l’aimait bien, et la comédie qu’il lui avait servit ce soir là l’avait convaincu. Même sa demie sœur était sous le charme. Elle était coincée. Comme un malheur — tout dépends de quel point de vue on se place — n’arrive jamais seul, là voilà qui a un du retard dans son cycle. Elle qui a l’habitude d’être régler comme une horloge suisse se retrouvait à attendre depuis une semaine. Si cela avait été un ou deux jours, elle n’aurait pas eu peur, mais une putain de semaine. Darcy commence à perdre patience. Elle ne sait pas quel dieu prier pour les avoir. En tant qu’apprenti médecin, la demoiselle sait qu’il y a des tas de raisons qui peuvent entrainer un retard, comme par exemple le stress, mais il y avait aussi, la grossesse. Pas ça. Elle ne veut pas d’enfants pour le moment, pour ne pas être comme sa mère.

Pour en avoir le cœur net, elle a acheté un test de grossesse et l’a caché dans son tiroir. Misha n’allait pas souvent à cet endroit-là, alors elle s’était dit que la cachette serait parfaite. Mort de rire, pas du tout. Lui, il cherchait naïvement son rasoir pour se débarrasser de la barbe qu’elle aimait tant. Elle avait fini par céder et lui avait indiqué l’endroit. Darcy était au travail à ce moment là et le fait que le rasoir était dans le même tiroir que ce test lui était sorti de l’esprit. C’était trop tard, il l’avait vu et l’avait même fait. Comme s’il pouvait être positif pour lui. Darcy avait eu envie de le trucider sur place, elle pouvait plus le faire en secret et lui en parler si le test s’avéré être positif. Quelle merde. Alors, elle partage ses doutes et sent qu’il commence à flipper lui aussi. Manquait plus que ça. Il l’attend de pieds ferme à la maison avec quatre nouveaux tests. Elle avait beau cherché toutes les excuses du monde, Darcy ne pourrait pas y échapper, tant qu’elle aussi avait envie de savoir si une nouvelle s’était logée en elle. Pour se donner du courage, sur le parking de l’hôpital, elle parle un peu à Juliet qui lui donne le sourire aux lèvres et l’envie de démarrer. Quelques dizaines de minutes plus tard, la belle arrive devant l’immeuble et c’est avec des semelles de plomb qu’elle monte les escaliers qui mènent à son appartement. Elle ouvre la porte doucement et se retrouve presque face à face avec Misha. Quoi ? Le résultat est déjà marqué sur ma tête ou quoi ? lâche-t-elle avec toute la nonchalance du monde. Elle pose son sac dans un coin de la pièce. Je dois aussi me préparer pour ce soir. Mais je suppose que tu vas pas me laisser tranquille même un instant ?. Darcy avait envie et besoin de s’affaler dans son canapé pour évacuer le stress de la journée qu’elle venait de vivre. Tu t’es pas rasé finalement ? Tu m’as fait chier pour rien alors ?

Pas d’affolement. C’est sûrement ce qu’il essaie de se convaincre, alors que tout tourne en boucle dans sa tête. Tout ça pour une histoire de rasoir. Darcy, elle aime les barbus, elle ne s’en cache pas, elle le répète sans arrêt, elle tripote sa barbe à lui, dès qu’elle en a l’occasion. Et quand il a osé sous-entendre que peut-être, il pourrait se raser, c’était la fin du monde. Si bien qu’elle lui avait confisqué son rasoir, allant jusqu’à le planquer à travers l’appartement. Il a pourtant cherché un peu partout à chacune des absences de la jeune femme, pendant qu’elle travaille. Il a fouillé dans la cuisine, dans la salle de bain, et même dans la machine à laver. Il avait fini par se rendre à l’évidence, qu’elle était plus douée que lui à ce petit jeu. Et lassé de tout renverser dans son nouveau chez-lui, il avait finalement déclaré forfait à travers un sms. Peut-être caressé dans son orgueil, elle lui a alors donné la position du précieux, sous sa trousse à maquillage. Et ô miracle, il l’empoigne son rasoir, et le lève en l’air en signe de victoire. Sauf qu’il en renverse la trousse, et il fait tomber un espèce de thermomètre par terre. Intrigué, il le ramasse, et en trouve la petite boite carton, restée avec le maquillage. Un test de grossesse ? Plutôt marrant comme truc. Il repose son rasoir, et file aux toilettes pour faire sa petite affaire sur le test, s’imaginant peut-être qu’il aurait un résultat hors normes ? Déception, trois minutes plus tard, ce n’est qu’une barre qui s’affiche sur le test. Peut-être que ça veut aussi dire qu’il est réellement stérile ? Il envoi tout ça à Darcy, ricanant de son côté. Il prend même le test en photo et commence à l’envoyer à quelques potes, pour informer le monde entier qu’il n’est pour ce mois-ci, pas enceinte. Ça fait rire la galerie, quel homme finalement, n’a jamais rêvé de pisser sur ce genre de truc ? Darcy elle, elle prend bien moins la plaisanterie, même la mouche. Ça l’intrigue, il la trouve un peu rabat-joie. Jusqu’à ce qu’elle crache le morceau, à travers ses sms. Un retard de règle, beaucoup d’angoisse, elle lui rejette la pierre sur son manque de protection lors de leur nuit de noces, et ça fuse. Lui, il n’a même pas encore fini de taper sa réponse, qu’il est déjà en bas de l’immeuble, à courir après une pharmacie. Se marier, d’accord, c’était drôle. Mais fonder une famille, beaucoup moins. Il n’a certainement pas l’étoffe d’un super-papa, il est déjà loin d’être un bon mari. La pharmacienne, elle lui propose une promotion sur les préservatifs au passage, il en prend dix boîtes, histoire d’en mettre deux à la fois la prochaine fois, et d’éviter la même frayeur qu’il est en train de subir à l’instant présent. Et puis ils s’en rajoutent avec Darcy, s’imaginant le pire des scénarios, avec des jumeaux, lui et son super gêne. C’est donc avec quatre tests de marques différentes qu’il rentre à la maison, et commence à en éplucher les notices, histoire que les résultats ne soient pas mal interprétés.  

De repos aujourd’hui, il avale des vidéos You-Tube toute la journée, sur l’éducation d’un bébé, le changement de couche, les poussettes, et même des aides pour trouver le prénom parfait pour sa progéniture. Misha, il n’a probablement jamais été aussi assidu de sa vie. Mais ça se comprend. Même s’il s’affole peut-être un peu trop vite. Misha il n’a pas de souvenir très attendrissant de ses parents. Lui, il était l’enfant instable, colérique, difficile à gérer. Alors on l’a refourgué aux psychiatres, aux professeurs spécialisés. Et ses parents, ils se détournaient bien trop de lui. Finalement bien trop vite livré à lui-même, il s’est imaginé que les parents idéals, c’étaient ceux des séries tv, bien loin de ses deux ratés. Et que si un jour, lui, il devait avoir un enfant, jamais il ne serait comme ça. C’est peut-être le moment de tenir sa propre promesse. Mais Darcy, elle étouffe sous les angoisses du Misha, alors elle lui demande de se calmer, de ralentir le pas, et de la laisser respirer aujourd’hui. Ce qu’il finit par faire, tout en terminant sa journée par les cents pas dans la cuisine, en attendant qu’elle rentre. Et puis il se met à faire des pâtes, parce qu’elle le prévient qu’elle a faim. Lui, faire cuire quelque chose, c’est un exploit. Mais faut croire qu’il tient vraiment à ce que Darcy rentre, qu’ils en parlent, qu’elle fasse la vidange sur ses fichus tests. Qu’ils soient fixés. Il prépare les deux assiettes de pâtes qu’il pose sur le bar de la cuisine, puis il entend des pas dans le couloir. Il empoigne deux tests qu’il garde dans ses mains, puis il se poste devant la porte, pour les tendre en avant alors que la future médecin apparaît. “ Quoi ? Le résultat est déjà marqué sur ma tête ou quoi ? “ Elle a l’air sur les nerfs, alors il rabat ses mains pleines vers son torse, tournant sur lui-même pour suivre des yeux sa femme, qui parcoure la pièce pour se poser.  

_ “ Pas encore. “

Qu’il rétorque maladroitement, fixant le ventre encore si plat de Darcy. “ Je dois aussi me préparer pour ce soir. Mais je suppose que tu vas pas me laisser tranquille même un instant ? “ Il hoche la tête de droite à gauche, un léger petit sourire en coin des lèvres. “ Tu t’es pas rasé finalement ? Tu m’as fait chier pour rien alors ? “ Ho le con. Il sursaute presque alors qu’il fourre les deux tests dans une même main, pour tapoter sa barbe de l’autre.  

_ “ Quel con... J’ai oublié ! J’ai eu... Beaucoup de choses à faire ! “

Qu’il assure, posant ses prunelles azurées sur l’ordinateur de Darcy, qui jonche sous les feuilles qu’il a imprimé toute l’après-midi. Puis il en revient à elle.

_ “ Arrête d’être chiante maintenant, et vas pisser là-dessus ! “

Il bouderait presque subitement, les sourcils se fronçant alors qu’il tend les deux premiers test à la jeune femme.  

_ “ On n’a pas le temps, ton père nous attend, et j’irais pas tant que t’auras pas fait ça ! “

Histoire de savoir si leur vie prend fin toute de suite, pour les 21 prochaines années, ou s’il a encore au moins un petit sursit. L’espoir d’une meilleure vie. Ça risque de compliquer les choses pour sortir le soir, s’il a un marmot aux fesses. Quoi qu’il paraît que les gosses ça attendrit les filles. Ça peut aussi servir d’appât. Est-ce que finalement l’idée lui tire un sourire ? Totalement.  

“ Putain, mais il t'est passé quoi par la tête pour que tu décides de faire ce test ? Je dois te refaire un cours de médecine ou quoi ? C'est presque impossible que ça soit positif pour un mec “ Et c’est reparti. Faut croire qu’à part lui faire des reproches, elle ne sait pas vraiment tenir une conversation. Il lève les yeux vers le plafond, comme si ça l’agaçait, alors que dans le fond, ça lui passe bien au-dessus de la tête. C’était marrant, ou était le mal ? En plus, il avait réparé sa connerie en lui en achetant d’autres de ses fichus tests. “ Tu t'emmerdais tant que ça ? Si tu veux, je peux te donner des trucs à faire, du style, faire les poussières ? Retrouver les jouets de Buddy qu'il a coincé sous les meubles ? Lui remettre de l'eau ? “ Et ça continue, on croirait entendre sa mère. Ou une mégère. Qui ne sait pas se poser deux minutes. Les tâches ménagères faut savoir les repousser aussi de temps en temps. En plus, Buddy, il fait sa vie. Misha ne s’en préoccupe pas vraiment, il sait bien que le furet ne l’aime pas. Il lui pisse dessus dès qu’il en a l’occasion. Alors il grimace, tandis que ses yeux clairs retombent sur Darcy.

_ “ Parce que c’était marrant, un mot qu’tu connais pas ! Détends-toi, je t’en ai racheté d’autres, t’auras toute la liberté de pisser dessus, arrête de m’en faire tout un scandale ! “

Qu’il rétorque en fronçant les sourcils, la fixant alors que son regard s’assombrit. Elle vraiment le don de lui chercher des noises, n’importe quand. Partout. “ Qu'est-ce que.. “ Assise dans le canapé, elle s’est penchée vers le bordel qu’il a foutu et ses recherches sur l’ordinateur. Sachant pertinemment que même là, elle va trouver à lui redire, il croise ses bras sur son torse, et lève la tête pour bouder, hautain, l’ignorant, ou s’apprêtant à ignorer ses prochains reproches. “ Tu sais que le test peut être négatif aussi, hein ? “ Ouai, mais au moins lui, il ne tombera pas sur le cul, il sera préparé. Contrairement à elle, qui semble vouloir faire comme si tout ceci n’était qu’une mauvaise angoisse et que finalement, il ne se passerait rien. Donc, il continue de bouder, la tête haute. “ Hé, tu me donnes pas d'ordre, et puis la chiante, elle t'emmerde. Cordialement même “ Alors là, il s’offusque. Son visage redescend pour se braquer vers elle, ses sourcils se froncent et sa bouche s’ouvre en O. Le cordialement, c’est son insulte à lui, et son avocate. Et c’est comme un copyright bien placé.

_ “ Tu vas la fermer, et aller pisser là-dessus, merde ! “

Qu’il s’exclame, alors qu’il secoue les tests juste sous le nez de Darcy. Il s’impatiente, ça n’a jamais été une grande qualité chez lui, faut le dire. “ T'as de la chance que j'ai un peu envie là, mais j'en fais que deux, c'est tout “

_ “ Tu feras les deux autres en rentrant ce soir, et c’est pas refusable ! “

Il l’a vraiment mal éduqué sa femme, pour qu’elle lui parle comme ça. Heureusement, elle les prend les deux tests, ou plutôt, elle lui arrache des mains, avec tout l’amour qu’elle lui porte. Indéniablement, le couple le plus amoureux de tout Klamath Falls, c’est eux. C’est beau à voir. Ils sont dignes d’une série familiale des années 2000. “ Mais après, je mange les pâtes ou sinon c'est toi que j'aurais envie de te bouffer. Surtout si on est en retard “ Ha, pour le coup, elle lui arrache un sourire, alors qu’il se redresse fièrement, la suivant des yeux, elle se dirige vers la salle bain.

_ “ Si tu veux me bouffer, moi je suis d’accord, mais on sera en retard chérie. “

Petit sourire coquin aux lèvres, lèvre qu’il se pince même, parce que le Misha, il ne pense jamais à rien d’autre. Faut toujours que tout soit ramener à son cul. Ou celui de Darcy. Qu’elle a de très joli d’ailleurs. Il le confirme en arrêtant ses prunelles sur ses fesses, alors qu’elle tourne les talons. “ T'as pas intérêt à rester derrière la porte ou sinon ça va me bloquer “

_ “ Je t’attends là, la chiantise jusqu’au bout... “

Qu’il marmonne, jusqu’à ce qu’elle s’enferme dans les toilettes. Et là, sur la pointe des pieds, il se faufile vers la porte. Il va jusqu’à appuyer ses paumes de main contre elle, et son oreille. Il écoute, mais c’est le silence radio. Jusqu’à ce qu’elle s’insurge toute seule, et qu’après un sursaut, il se recule machinalement de la porte. Il s’éloigne de trois pas en arrière, au moment où elle ouvre la porte à la volée. “ J'espère que t'es content. Je suis enceinte. Tu vas être papa dans neuf mois “ Elle n’a pas l’air aussi ravi que la femme dans la publicité pour le test de grossesse... Et elle agite les dit-tests dans tous les sens, alors qu’elle vient de faire la vidange dessus. Il en grimace lui, se reculant le visage de peur de se prendre une goutte perdue, victime collatérale.

_ “ Arrête de secouer ce truc p’tain, t’as pissé dessus t’es dégueulasse ! “

Qu’il se plaint alors qu’il finit par se faufiler de l’autre côté du bar, pour garder une distance de sécurité.

_ “ Et j’te signale que pour faire un gosse, faut être deux, arrête de tout m’reprocher comme si t’étais tombé sur Popeye par accident, putain ! “

Bon, il aurait pu le dire avec un peu plus d’amour et de tendresse, mais c’était bien vrai. Faut croire que leur tendresse à eux, c’est de se chercher des poux. Ça marche plutôt bien, quand vient le temps de la réconciliation sur l’oreiller.

_ “ Et bien sûr que je suis content, je suis ravi, je sors de taule et je m’assure que les vingt et une prochaines années de ma vie seront piétinées par un Kane Junior ! Ou même deux ! Putain, si ça se trouve ils sont deux avec ma chance ! “

Il plaque sa main sur son front, avant de se laisser tomber sur le tabouret, derrière lui. Un gosse, c’est gérable. Deux, beaucoup moins. Surtout s’ils sont comme lui, parce qu’il a beau adorer faire chier le monde, il a bien conscience que le monde se fatigue de lui.

_ “ Putain si y’en a deux, je vais devoir revendre ma superbe voiture pour me coltiner un Monospace familiale ! “

Ouai, vraiment, Misha il n’a pas les mêmes priorités que le reste du monde. Vraiment pas.  

A l’entendre parler de la sorte, Darcy a la légère impression qu’elle se rapproche plus de la fille rabat-joie. Celle qui met fin à tout instant d’humour. Pourtant quand on la connait bien, qu’on apprend à savoir comme elle est en public et en privé, on découvre que c’est totalement contraire. C’est même la première à rire. Là, simplement, la situation ne lui donne pas envie de sourire. Ce qui l’avait le don de l’agacer par-dessus, c’est le manque de sérieux dont fait preuve Misha. Ce n’était pas anodin un enfant. La jeune mariée avait l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus d’elle. C’était quoi la prochaine merde qui allait leur tomber dessus ? Que si ce test est positif, qu’il n’y a pas qu’un, mais deux ? Avec la chance qu’ils ont, ça ne serait pas étonnant. Mais arrête, c’est pas dans ce sens-là que je parle. C’est juste que t’es pas foutu de prendre quoi que ce soit au sérieux, merde. J’ai des doutes oui, mais je voulais le savoir avant de t’en parler, pour pas t’alarmer pour rien. Et là, c’était complétement raté pour agir en toute discrétion. Elle aurait pu sonder son esprit, voir si lui, était capable d’assumer un bébé. Comme couple, il y a beaucoup plus stable qu’eux. Normalement, on se marrie pas sur un coup de tête ou bien en ayant un taux d’alcool dans le sang qui bat tous les records.

Les voilà en pleine scène de ménage, une énième engueulade. Cette fois-ci, cela ne sera pas — sans doute — une qui finira avec une réconciliation sur l’oreiller, mais plutôt chacun de son côté. Peut-être même qu’elle ne l’acceptera pas dans le lit ce soir pour lui montrer la gravité de la situation. Une fois qu’elle avait les tests en main, la chose qu’elle avait envie de faire, c’était de lui faire bouffer. Parle-moi comme ça encore une fois, tu verras de quel bois je me chauffe. Ce n’est pas des menaces en l’air qu’elle lui fait, pas comme le lendemain de leur mariage où elle s’était laissée marché dessus bouffée par le plaisir. Ah non. Là, clairement, c’est plutôt de la colère qu’elle ressent. Avant de s’enfermer dans la salle de bain, Darcy reste dans le pas de la porte pour lui adresser un dernier message. Espèce de cochon. Je n’ai pas envie de te faire quoi ce que soit ce soir, en tout cas. Elle claque la porte, ne prends même pas la peine d’écouter ce qu’il a lui dire en retour. Tant pis. Pas de gâterie ou autre pour lui. Elle l’avait puni. Peut-être qu’il comprendra comme ça.

Bien sûr, elle savait qu’il ne pourrait pas se retenir. Au lieu de rester en place dans la pièce à vivre où ils avaient commencé leur dispute, elle tombe nez à nez avec lui quand elle sort avec les tests. Des tests quand elle avait tenté de claquer contre le meuble, histoire de voir si le résultat change en fonction. Mais non. Deux putains de tests positifs. Il y a tout plein de noms d’oiseaux qui lui vienne à l’esprit à ce moment-là, que ce soit en anglais ou en espagnol. Tout y passe. Attends t’as donné un nom à ton machin ? qu’elle lâche naïvement. C’était bien les mecs ça. Elle manque de tomber dans les pommes quand il lui parle de jumeaux. Il manquerait plus que ça. Deux pour le prix d’un. Ah non. Les seules promotions qu’elle acceptait, c’était dans les supermarchés, et non dans son utérus. Attends, t’es vraiment content ou tu fais de l’ironie ? Que tu me dis le contraire de ce que tu penses ?. Elle était totalement perdue. Je te jure que s’il y en a deux, je.. je sais pas ce que je fais probablement qu’elle s’énerverait contre, lui balancerait tout un tas de vacheries et d’objets à la tronche. Mais là, elle a le cœur qui se sert et se laisse aussi glisser contre le mur mais pour lentement se laisser tomber au sol. Elle allonge ses jambes et pose les tests à terre, à côté d’elle. Darcy, elle a les larmes qui viennent lui gâcher la vue. Ses yeux mouillés se posent sur son mari. J’en veux pas, de ça qu’elle dit en pointant son propre ventre. Peut-être que c’est sur le coup qu’elle dit ça, le temps d’accuser la nouvelle. Après tout, ils avaient encore le temps de peser le pour et le contre. Est-ce qu’ils allaient se lancer dans cette aventure ? Me parle pas de voiture, on en est pas encore là, crois moi. Et aussi.. ce soir, on dit rien à mon père. Je veux pas qu’il sache, je veux pas qu’il influence le choix qu’on va faire pour le bébé

“ Mais arrête, c’est pas dans ce sens-là que je parle. C’est juste que t’es pas foutu de prendre quoi que ce soit au sérieux, merde. J’ai des doutes oui, mais je voulais le savoir avant de t’en parler, pour pas t’alarmer pour rien. " Et en l’occurrence, c’était pas rien. Il roule des yeux le ténébreux, ça l’agace peut-être un peu ce ton qu’elle emploi. Comme si elle lui remettait tout sur le dos, alors qu’ils étaient deux cette nuit là. C’est pas lui qui l’a forcé à quoi que ce soit. C’est elle qui a dit oui. Et elle ne lui a jamais demandé d’arrêter ou de se reculer quand il a commencé à déboutonner son pantalon, une fois à l’hôtel. Elle était même plus pressée que lui, à fourrer ses mains dans le sien. C’était pas seulement sa connerie à lui. Ils sont tous les deux concernés. “ Parle-moi comme ça encore une fois, tu verras de quel bois je me chauffe “ Par à mon cul, ma tête est malade, comme qui disait. Il lève encore les yeux au ciel, il ignore la jeune femme, qui claque la porte des toilettes. Il ne voit pas pourquoi il n’aurait pas le droit de lui hurler dessus, alors qu’elle en fait de même. “ Espèce de cochon. Je n’ai pas envie de te faire quoi ce que soit ce soir, en tout cas. “ Il l’imite en silence, grimaçant, marmonnant un “sgrogneugneu” pour lui-même, dans sa barbe, avant d’empoigner une fourchette et de plonger le couvert dans une des assiettes de pâtes. Il n’a même pas vraiment faim lui, d’autant plus qu’ils vont aller dîner chez le beau-père dans quelques minutes. Mais mâcher les pâtes, ça lui passe la frustration, sûrement. Puis il part attendre devant la porte, mâchant ses pâtes qui prennent pour le reste du monde. Et elle ressort, le menaçant avec ces trucs dégoutants, ce qu’il s’empresse de lui rappeler.  “ Attends t’as donné un nom à ton machin ? “ Comme tous les hommes, oui. Il hausse les épaules, préférant ne pas répondre à cette question. Il retourne à sa place, se lamentant sur son sort, ou sur celui de sa voiture. “ Attends, t’es vraiment content ou tu fais de l’ironie ? Que tu me dis le contraire de ce que tu penses ? “

_ “ Va falloir que je te précise à chaque fois que j’fais de l’ironie ?! “

Il n’a peut-être pas une culture générale très travaillée, mais ils font la paire. “ Je te jure que s’il y en a deux, je.. je sais pas ce que je fais “

_ “ Bah le fait pas. “

Il est moqueur Misha, mais c’est aussi une façon d’éviter de sombrer dans la panique. Il a l’air calme vu d’ici, mais c’est loin d’être le cas dans tout son esprit embrumé. Il ne voit plus très clair, il ne sait même pas ce qu’il va devoir faire en premier. Probablement les magasins, acheter une poussette par exemple. Ou des biberons. Ses yeux sont perdus sur le comptoir sur lequel il est avachi, y réfléchissant sérieusement. “ J’en veux pas, de ça “ Elle a soudainement une voix enraillée. Il relève alors le visage, ses yeux clairs croisant sa silhouette. Elle est assise au sol, contre le mur, les yeux rougis. Elle pleure ? Il déteste ça lui, les gens qui pleurent devant lui. Ça le rend mal à l’aise. Il grimace alors, légèrement, alors qu’elle désigne son ventre, encore si plat. “ Me parle pas de voiture, on en est pas encore là, crois moi. Et aussi.. ce soir, on dit rien à mon père. Je veux pas qu’il sache, je veux pas qu’il influence le choix qu’on va faire pour le bébé “ Comme s’ils avaient vraiment le choix de toute façon. Elle songeait vraiment, à peut-être interrompre la grossesse ? Il se redresse, les sourcils se fronçant sous la réflexion. Est-ce qu’il aurait envie de ça lui ? C’est vrai que c’est une connerie. Ils ne se connaissent qu’à peine. Leur mariage est bidon. Même s’ils s’en amusent cruellement, en particulier avec le père de Darcy. C’est vrai que c’était marrant, de pointer son doigt avec son alliance à tout bout de champs. Et de répéter partout qu’ils sont mariés. Qu’il faut laisser passer Monsieur et Madame Kane. C’est toute de suite beaucoup plus inquiétant, s’il faut utiliser les places familles sur les parkings. Ou les espaces couches dans les toilettes publics. Enchaîner les rendez-vous chez les médecins, parce que les mômes c’est toujours malade. Nettoyer du vomi partout, ou entendre hurler toute la journée. Non de dieu, quelle connerie. Il inspire, expire, puis il descend de son perchoir, se dirigeant vers le mur de Darcy. Il s’assoie à ses côtés, le dos contre le mur, les mains tombant juste entre ses cuisses. Les pieds aussi étalés devant lui. Il fixe d’ailleurs le bout de ces derniers un instant, en silence, avant de finalement, détourner le regard vers sa femme.  

_ “ Tu y pense sérieusement... ? J’veux dire... A ne pas avoir ce bébé ? “

Qu’il murmure, la voix aussi raillée que la sienne, soudainement. Il n’est pas prêt pour tout ça lui, mais faut croire que le simple fait de penser à un avortement, ça le rend malade. Peut-être parce qu’il a quarante ans. Peut-être parce que son subconscient essai de lui rappeler qu’il serait temps de repeupler la planète, qu’il n’est pas venu sur terre pour autre chose. Ou peut-être juste parce qu’il sait que ce serait la meilleure chose à faire, même si au fond, ça lui semble impensable. Alors il redescend ses yeux, sur leurs cuisses. L’une de ses mains allant justement se poser sur l’une des cuisses de Darcy, qu’il caresse doucement.  

_ “ J’veux pas qu’tu fasse un truc que tu regretterais. Que ce soit de l’avoir, ou pas. Parce que... “

Il grimace un peu plus, il sait que la discussion va devoir être sérieuse, et qu’il déteste ça. Alors l’arrière de sa tête vient se poser contre le mur, le temps d’un petit silence. Et ses yeux en reviennent à Darcy. Un regard paumé, vraiment paumé.  

_ “ Notre mariage est bidon, que tu me déteste de plus en plus. Que j’suis déjà pas facile, alors avec un mini-nous... Parce que t’as pas un caractère simple non plus, vraiment. “

Il ne peut empêcher un léger petit sourire s’afficher sur ses lèvres. Il est peut-être con lui, mais elle a du caractère elle aussi. Et le mélange des deux, ça va donner un animal sauvage, pas un môme. Ils auront du fil à retordre, s’ils décident d’aller jusqu’au bout.  

_ “ Je sais même pas ce que tu veux nous concernant, Lizzie ? “

Qu’il ajoute plus doucement, les sourcils s’affaissant. Faudra bien qu’ils en parlent de ça aussi. Elle qui voulait divorcer il y a un mois. Elle n’en parle plus aujourd’hui. Et pourtant, elle doit supporter un homme instable, lunatique, pilier de bar, et qui va sans arrêt voir ailleurs, de surcroit. Même s’il faut reconnaître que depuis quelques temps, il s’est bien calmé. Drew est hospitalisé, et courtisé par Noah alors il s’est bien mis en tête de ne plus la chercher. Il finit trop ivre mort au bar depuis quelques jours, pour réussir à pêcher quelque chose. Et ses deux proies habituelles, Alexie et Hazel, sont bien déterminées à ne pas se laisser avoir. C'est peut-être ça aussi qui l’effraie, le Misha. S’enterrer dans un vrai mariage. Une vraie fidélité. Encore faudrait-il qu’elle le soit elle aussi ? Il n’est pas fait pour ça Misha Kane. Et pourtant, il se retrouve marié, et probablement bientôt papa...     

Elle secoue de la tête du haut vers le bas. Oui, maintenant, il va falloir qu’il lui dise ce qu’il pense vraiment. Pas la peine qu’il essaye de lui servir un mensonge, elle n’allait plus y croire. Plus jamais. Du coup, c’est quoi là ?, plus têtue que Darcy, c’était impossible. Une fois qu’elle avait une idée en tête, impossible de s’en défaire. Elle croise les bras sous sa poitrine, la mettant étrangement en avant.

Puis il y a son monde qui se défait sous elle. C’était comme si elle était en chute libre, sans pouvoir faire demi-tour. Une putain de trappe qui s’était ouverte quand son attention était portée sur autre chose. Plutôt une personne. Putain… t’imagines toi ?. Parce qu’elle, pas du tout. Là voilà au sol, au moins, elle ne pourra pas tomber plus bas. Littéralement. Elle lui avait dit qu’elle ne voulait pas d’enfants et maintenant que ça se produit, qu’elle a un polichinelle dans le tiroir, un petit pain dans le four, c’est compliqué de réfléchir. Alors que s’ils avaient le temps de mettre en place ce projet, qu’ils se fassent à l’idée de devenir parents, cela aurait été autre chose. Elle est presque sans voix. C’était pas prévu, elle enfonce des portes ouvertes la petite. A l’entendre parler, on dirait qu’elle n’a pas inventé l’eau tiède. Elle met la main sur son menton, comme si ça pouvait l’aider à réfléchir. Elle regarde dans le vide, la porte encore ouverte de la salle de bain. Et si elle allait s’y enfermer à nouveau, et ressortir quand elle y verrait plus clair ? Cela serait une fuite, elle serait lâche d’espérer éviter cette conversation. Tu crois qu’on serait prêt ? Parce que voilà, si on décide de le garder…, voilà qu’elle l’intègre amplement dans l’affaire. il va falloir assumer jusqu’au et pas que l’un de nous deux se barre ou abandonne à la première difficulté. Je n’ai pas envie que tu sois aux abonnés absents. Qu’on soit vraiment unis. C’est après ça qu’elle pose sa main sur celle de Misha. Un geste de tendresse, pas quelque chose de faux, cette fois-ci. Un acte assez déroutant qui lui donne envie de jouer avec sa propre alliance. Cette dernière tourne légèrement sur elle-même avant de reprendre sa place initiale. tu resterais avec moi? Enfin, moi, je m’en fiche, mais que tu sois là pour le bébé. Elle n’est pas bête Darcy et sait très bien que son esprit n’est pas libre, tout comme son cœur. Elle n’aurait jamais la même place que Juliet et lui, n’aurait jamais la même place qu’Isabel. Qu’est-ce qu’elle penserait de tout ça ? Est-ce qu’elle la jugerait ? Elle ne veut pas être déviée de son plan. Arrête de dire des conneries, je te déteste pas. Bon des fois, j’ai juste envie de t’étrangler, c’est vrai, mais c’est que j’ai surtout l’impression que tu prends tout à la légère. Elle se pince les lèvres quand il commence à s’imaginer à voix haute comme serait leur gamin. Pour une fois, il n’avait pas tort. ça serait un peu comme un cocktail molotov ce bébé. Oui, elle vient de décrire l’enfant à naître comme une arme de destruction. Elle plonge son regard dans le sien. Et si on essayait ? Genre vraiment ? Pour lui. Puis, elle remarque que quelque chose cloche. Un bout de nouille qui était resté dans la barbe de son mari. Darcy vient l’en débarrasser d’un coup de main et en profite pour caresser sa joue. Pardon, ça m’énervait.

Elle n’en fait qu’à sa tête Darcy, et Misha, ça l’agace un peu pour une fois. Peut-être parce qu’ils n’ont pas vraiment le temps de rigoler, avec cette décision qu’ils ont à prendre. Il se contente donc de lever les yeux vers le plafond, reposant l’arrière de sa tête contre le mur qui les soutient tous les deux. “ Putain… t’imagines toi ? “ Non justement, c’est pour ça qu’ils en sont là. Il rabaisse son regard vers elle, inquiet, et battu. Fatigué aussi, de la journée qu’il vient de passer à stresser. Et des vingt-et-unes prochaines années qu’il lui reste à angoisser aussi. “ C’était pas prévu “ Pas vraiment pour lui non plus. Ni ce mariage d’ailleurs. Lui il se voyait papillonner encore longtemps, jusqu’à ce que Juliet elle réalise qu’il est l’unique homme de sa vie, et qu’elle accepte enfin de passer sa bague en pissenlit le long de son doigt. C’était un programme quand même vachement moins angoissant, que l’idée même d’un bébé. “ Tu crois qu’on serait prêt ? Parce que voilà, si on décide de le garder… il va falloir assumer jusqu’au bout et pas que l’un de nous deux se barre ou abandonne à la première difficulté. Je n’ai pas envie que tu sois aux abonnés absents. Qu’on soit vraiment unis “ Il se crispe un peu le Misha, il sent bien qu’elle lui sous-entend des choses, dont il ne sait même pas s’il en est capable. Avoir un gosse, certainement. S’en occuper, pourquoi pas. Mais être capable d’être toujours là pour elle, dès qu’elle en a besoin ? Est-ce qu’elle n’était pas en train de lui demander d’être surtout fidèle ? De faire fonctionner leur mariage ? Alors qu’elle est assez bien placée pour savoir que lui, la femme qu’il aime, c’est Juliet, et que ça ne changera probablement jamais. Jusqu’à la fin de ses jours, il pensera à elle, tout le temps. Il serait capable de prononcer son nom en pleins ébats. Ou même en pleine engueulade. Juliet, Juliet, Juliet... Si seulement il y avait un remède à l’amour, il sauterait dessus. Parce qu’on peut vous faire croire que c’est beau, dans les films. La réalité est toute autre. C’est douloureux, quand en retour, les sentiments ne sont pas les mêmes. Parce que c’est ce que lui il croit. Et sous son silence, elle pose sa main contre la sienne. Ses yeux retombent sur leurs deux mains liées, alors qu’il reste muet comme une tombe. Les idées confuses, et l’esprit embrumé. “ Arrête de dire des conneries, je te déteste pas. Bon des fois, j’ai juste envie de t’étrangler, c’est vrai, mais c’est que j’ai surtout l’impression que tu prends tout à la légère “ Ses yeux se reposent brusquement sur les siens, alors que ses sourcils se froncent. Elle était assez mal placée pour dire ça, parce que dans le fond, elle est aussi chiante que lui.  

_ “ Vaut mieux tout prendre à la légère que de se pavaner un balai dans l’cul, si tu veux mon avis. “

Qu’il rétorque, buté, refusant pertinemment de changer quoi que ce soit dans sa petite personne. Elle l’a épousé, faudra qu’elle fasse avec le vrai Misha. Et si ça ne lui plait, il ne l’a jamais empêché de demander le divorce. Mais ce serait beaucoup moins drôle. “ ça serait un peu comme un cocktail molotov ce bébé “

_ “ Ca j’te le fait pas dire. Mon sex apeal, et ta chiantise. “

Etrangement là, son sourire est réapparu, bien rapidement, étirant ses lèvres jusqu’aux joues. Et il la toise la jeune mariée, malicieusement, prouvant encore une fois, que rester trop sérieux, c’était pas son truc. Sauf quand il s’agit de lui faire la tête, comme deux minutes plus tôt. “ Et si on essayait ? Genre vraiment ? Pour lui “ Son sourire s’efface automatiquement, laissant place à l’inquiétude, l’angoisse, les questionnements. Elle est en train de lui sous-entendre, de faire fonctionner leur mariage, donc, vraiment ? Elle se penche vers lui, sans qu’encore, il n’est le temps de répondre. Elle approche sa main de son visage, et instinctivement, comme avec Hazel avant elle, il a un léger mouvement de recul. Mais le mur l’empêchant de bouger, elle fait facilement partir cette saleté dans sa barbe. Et la caresse qu’elle dépose sur sa joue, le met aussitôt très mal à l’aise. Il détourne les yeux, le corps crispé. Ses mains se joignent et viennent se bloquer entre ses cuisses, fuyant les doigts de sa femme.  

_ “ Je sais pas... Je suis pas sûr... “

Il grimace de malaise, se tordant légèrement sur place, se dandinant comme un enfant. En fait, Misha, il se connait. Il n’a surtout pas envie de faire des promesses qu’il ne sera pas capable de tenir. Alors ça le turlupine, avant qu’enfin, ses yeux bleus se reposent sur Darcy. Il ne peut pas l’abandonner non plus, ça c’est évident.  

_ “ Je veux pas que tu t’imagine des trucs... “

Qu’il murmure légèrement, la voix raillée par tout un tas de sentiments contraires. Parce qu’après tout Darcy, il l’apprécie vraiment beaucoup. Il adore passer du temps avec elle, ils s’amusent tout le temps. Puis le sexe avec elle, faut reconnaître que c’est un peu comme avec Dany. Seulement, Darcy, elle n’est pas Juliet. Et lui, il est loin d’être un mari fidèle. Ca, il ne pourra jamais se l’enlever, il le sait.  

_ “ J’ai pas envie que tu t’énerve, parce que je suis rentré tard, et qu’tu sais pas avec qui j’étais... Surtout qu’il y a des chances que moi-même j’connaisse pas son nom ! “

Et c’est probablement déconcertant pour Darcy, de le voir avouer ça avec autant de légèreté, une simple petite moue au visage.  

_ “ J’ai jamais été... Une exclusivité. “

Il se redresse légèrement, plissant ses yeux qui fixent ceux de Darcy.  

_ “ Sauf une fois... “

Elle se doutera certainement qu’il parle de Juliet, inutile de le préciser. La seule femme ayant passé les barrières infranchissables du cœur du grand Misha. Et aussi la seule femme de cette planète à ne pas en vouloir, du Misha. Comme quoi l’amour, c’est vraiment mal foutu.  

_ “ J’veux pas risquer de te blesser en te faisant une promesse que je vais briser demain soir, ou dans deux semaines. Juste.. Je sais pas être ce gars-là, des comédies romantiques et que toutes les filles attendent. Je sais même pas être romantique. J’sais pas cuisiner. Et les femmes m’épousent bourrées. Quand j’le suis pas, j’ai eu quatre non ! “

Il lève sa main pour montrer quatre doigts, avant qu’elle ne retombe sur ses cuisses.  

_ “ Et c’était la même fille en plus... “

Il soupire lourdement, sa tête se penchant vers son épaule, du côté de Darcy.  

_ “ Je peux essayer... Mais je garantie pas des résultats très probants. “

Et il se hisse totalement du mur, pour venir à genoux devant Darcy, s’avançant à califourchon sur les jambes de la jeune femme. Ses genoux rencontrant le mur, son bassin non loin du sien, il minaude légèrement avant de poser ses mains contre le carrelage, et d’avancer son visage de celui de son épouse, un léger sourire se cachant dans sa barbe.  

_ “ Je compte pas abandonner le bébé, si tu décides de le garder. Et de toute façon, que tu veuille le garder ou non, ce sera ta décision. Et je serais là. Avec ou sans la bague. J’assume ce bébé, et le soutient que je te dois. Ça doit pas être pire que la prison, j’ai survécu à dix ans de taule, je peux survivre à 21 ans de paternité... “

Ou il sera mort avant, le foie en vrac, voir même passé sur la chaise électrique pour avoir trop emmerdé le monde. Il n’y pense pas trop lui, à l’avenir. Il voit le présent. C’est souvent le problème des gens de nos jours, à trop regarder devant eux, ils en oublient l’instant présent. Alors il pose deux doigts sous le menton de Darcy pour qu’elle relève le visage vers lui. Il fait un petit sourire, presque tendre, parce que dans le fond, il se passe quand même quelque chose entre eux, ce serait mentir que soutenir le contraire. C’est pas de l’amour, du moins, pas comme avec Juliet. Mais c’est tendre. Et c’est peut-être tout ce qui compte pour ce bébé. Alors il se pince légèrement la lèvre, et ses yeux tombent sur celles de Darcy. Il ne réfléchit pas beaucoup plus, avant de laisser sa bouche rencontrer celle de la jeune femme. Ses lèvres pincent les siennes, avant qu’il se rapproche d’elle, et qu’il laisse à ce baiser, plus d’intensité. C’est peut-être aussi ça qu’elle attend de lui. Ça c’est pas un côté désagréable du mariage. Puis il le sait lui, à quel point ce sera quand même amusant, qu’elle le harcèle de message s’il se noie au bar le soir, pour savoir avec qui il était. Peut-être que la jalousie de Darcy, il s’y est attaché autant qu’à elle. Elle est bien la seule à s’inquiéter de ce qu’il fait le soir, avec qui il traîne, ce qu’il avale, à côté de l’alcool. Personne ne lui envoie des messages comme ça, à part elle. Personne.     

Alors que d’habitude, Darcy avait toujours quelque chose à dire, là, les mots qu’elle emploie sont maladroit. En faculté de médecine et sur le terrain des stages, on l’avait habitué à annoncer une bonne ou une mauvaise nouvelle, mais pas ce qu’il fallait dire quand on s’apprêtait à avoir un bébé. L’école de la vie, c’était ce qu’il y avait de plus vrai. Il lui sort une de ses phrases toute faite, comme si Misha devenait subitement philosophe. Tu en as d’autres comme ça ? Qu’on fasse un recueil de tes meilleures phrases. Au moins, quand ils auront tous les deux Alzheimer, ils auront de quoi se souvenir de leurs jeunes années. Des jeunes années où ils ont passés la plupart de leur temps à s’engueuler pour un oui ou pour un non. En parlant du futur bébé à naître, Misha se jette des fleurs. Tellement que le jardin s’en retrouve vide. Il y a ce grognement qui sort de ses lèvres. Si elle avait été plus sauvage que ça, Darcy aurait pu le mordre, mais non, elle laissera ce plaisir à Buddy. Cette petite bête qui mène déjà la vie dure à Misha en pissant dans ses chaussures quand il avait le dos tourné. Peut être que c’était une sorte de bizutage. Alors pour prouver qu’elle est quand même quelqu’un de calme, mais qui ne dit pas oui à tout, Darcy lui donne un simple coup sur l’épaule et le pince légèrement. La chiante, elle sait comment te faire plaisir dit-elle en lui lançant un petit regard coquin. Tant que il ou elle a mon physique qu’elle ajoute pour le taquiner. Parce qu’on sait tous que la barbe, ça cache la misère, est-ce qu’elle avait été trop loin ? Sûrement. Cette barbe, elle l’aime, malgré ce qu’elle venait de dire. A ce qu’on dit, tu peux perdre dix ans, si tu te rases, facebook et les réseaux sociaux regorgent de memes à ce sujet. Darcy, les as tous vu et se demande ce qu’il en serait pour son mari.

Alors qu’elle a ce geste d’affection vers lui, Misha décide de la fuir. Elle fronce les sourcils et ça la casse dans son élan. Darcy aussi se braque, mais ne peut s’empêche de demander, Il t’arrive quoi là ?. Est-ce qu’elle venait de faire quelque chose de mal ? Si c’est ça, elle ne l’a pas remarqué. Alors elle se contente de l’écouter parler, le regard tourné vers le sol. La discussion s’annonce bien. Tu sais, je commence à te connaître, je me fais pas des films sur cette relation, elle lève la tête. Enfin, si on peut appeler ça comme ça. Qu’est-ce qu’on va lui dire si il ou elle pose des questions plus tard ? Est-ce qu’on lui mentira en disant qu’on était un couple parfait ? Ou bien on lui raconte la vérité ?. Elle aussi avait sa vie à côté. Même si elle était mariée, elle avait du mal à se sentir réellement en couple. Enfin, elle aime la liberté. La liberté d’aller où elle veut. Je sais que tu penses à elle en permanence, je suis pas stupide. Elle m’a raconté ce que vous avez vécu. Enfin pas dans les détails. Et dire qu’elle fait beaucoup de mal à la personne qu’elle considère comme sa grande sœur, ça l’a tuée à l’intérieur. Son regard se pose timidement sur Misha quand il se retrouve à ses genoux. Tout ce que je veux réellement c’est que tu sois là jusqu’au bout. Et pas que jusqu’à la naissance, si naissance il y a. Je ne veux pas que tu te barres au bout de quelques années pour n’importe quelle raison. Tu sais, j’ai tellement souffert du départ de ma mère que je ne le souhaite à personne. Je ne sais pas comment ça va se passer dans quelques années, si on sera encore ensemble ou pas, mais je veux que tu fasses parti de sa vie comme il faut. Parce que je peux mettre de l’eau dans mon vin, mais faut pas me prendre pour une conne. Voilà qu’elle se livre à certaines confessions, elle préfère s’arrêter là. Mais je veux que tu me fasses confiance aussi. S’il y a quelque chose, je te dirais. Plus jamais, tu me fais le coup du nightclub, je suis une grande fille, pas une princesse en détresse. Je ne veux pas que tu casses la gueule à la première personne qui s’approche de moi, mais plutôt que tu me laisses gérer. Est-ce qu’il allait accepter ? Est-ce qu’ils allaient apprendre à se faire confiance mutuellement. Bien que surprenant, ce baiser lui fait tant de bien et la rassure à l’intérieur. Elle se recule légèrement pour pouvoir parler. Et si on disait à mon père qu’on avait un contre temps ? Je suis sûre qu’il comprendrait. On aura l’occasion de passer une soirée tranquille. Elle était complétement lessivé par sa journée et cette confrontation, alors un peu de repos ne lui ferait pas de mal. Et puis, si mon père voit que je bois pas d’alcool, ça risque de lui mettre la puce à l’oreille. Tu te vois m’aider à éviter les verres qu’il nous proposera ?

“ Tu en as d’autres comme ça ? Qu’on fasse un recueil de tes meilleures phrases “ Oh il en probablement plus d’une dans son sac. Le problème c’est que ça sort comme ça, sans réfléchir, et que c’est aussitôt oublié. Misha, il ne mâche pas ses mots, et il n’a aucune honte à faire savoir le fond de ses pensées. C’est comme ça qu’il refait le catalogue des expression paillardes de Klamath Falls. “ La chiante, elle sait comment te faire plaisir “ Qu’elle ajoute, d’un coup d’épaule malicieux. Il pose de petits yeux tout aussi suggestifs sur elle, se pinçant la lèvre rien qu’en souvenir de leurs ébats. Et des petites gâteries de Darcy, faut pas les oublier. Elle ferait de lui un mari comblé même s’il se limitait à une seule femme. Le problème ne vient certainement pas de leur mariage, encore moins de Darcy. Le problème, c’est l’instabilité de Misha, ou sa fuite constante de l’engagement.

_ “ Elle devrait recommencer. “

Qu’il murmure dans sa barbe, le dos droit, et les yeux baissés vers elle, les idées pleines derrière la tête. “ Tant que il ou elle a mon physique “ Ouai, bah ça, ils pouvaient pas savoir à l’avance à qui il allait ressembler ce bébé. De toute façon, il aura obligatoirement un peu des deux, ou alors, faudra remettre en cause la paternité du Misha. Pour lui faire plaisir, il hoche la tête de bas en haut, bien qu’intérieurement, il espère que ce gosse aura le charme inébranlable de son père. “ Parce qu’on sait tous que la barbe, ça cache la misère “ Il lève sa main pour tripoter ses poils au menton justement, fixant suspicieusement Darcy. Chez lui, y’a pas grande misère physique à cacher, tout est à l’intérieur. Mais la barbe, faut reconnaître qu’elle lui permet de faire son âge. Parce que sans ça, on a du mal à le voir comme un quarantenaire. Surtout avec son mode de vie. Vingt ans de retard dans sa tête. “ A ce qu’on dit, tu peux perdre dix ans, si tu te rases “ Transmission de pensé. Il laisse son bras retomber le long de son corps, sur sa cuisse, et il penche légèrement la tête vers elle.

_ “ J’ai compris, tu préfères le vieux Misha. “

Mais qu’elle s’y tienne, parce qu’à la moindre contrariété, Misha n’hésitera pas à sortir le rasoir. Et puis, il ignore sa question, alors qu’elle s’offusque de le voir éviter la tendresse qu’elle tente de lui apporter. Il se contente d’hausser les épaules, les sourcils froncés, comme un gamin qui boude. Pourtant il ne fait que fuir face à ce qui pourrait sembler être, une vraie relation, un véritable acte de tendresse entre une femme et son époux. Il n’aime pas ça Misha. L’idée même de s’enfermer dans un mariage... S’interdire tout débordement. Tout privilège. Ou toute indécence. Il se plait dans une vie spontanée, et improvisée. Sans rien devoir à personne. Sans menottes. “ Tu sais, je commence à te connaître, je me fais pas des films sur cette relation “ Au moins ils sont sur la même longueur d’onde. Du moins, c’est ce qu’il s’imagine. Sans même réaliser que pendant qu’il court les fleurs à butiner, il se refuserait de voir Darcy dans les bras d’un autre. Surtout dans son état. “ Enfin, si on peut appeler ça comme ça. Qu’est-ce qu’on va lui dire s'il ou elle pose des questions plus tard ? Est-ce qu’on lui mentira en disant qu’on était un couple parfait ? Ou bien on lui raconte la vérité “ Ho ça... Ils auront certainement le temps d’y penser. Et de s’enfermer plus sérieusement dans leur mariage, ou au contraire, choisir de prendre des chemins différents en ôtant leurs alliances. Alors il arque un coup les sourcils, parce qu’il n’a aucune réponse lui non plus. Pour parler à un gamin, faut déjà plus en être un, et lui, il manque bien trop de maturité. “ Je sais que tu penses à elle en permanence, je suis pas stupide. Elle m’a raconté ce que vous avez vécu. Enfin pas dans les détails “ Le sujet Juliet... Trop délicat pour Misha, qui se braque légèrement, le dos se redressant un peu plus, et ses yeux fuyant vers le mur d’en face.

_ “ Ça sert à rien d’en parler, elle veut plus de moi, fin de l’histoire. “

Qu’il marmonne, alors qu’une sale impression de yeux qui brulent l’envahie. Sensation qui disparait aussitôt que Darcy lui fait la morale, sur son rôle de père. Rôle qu’il compte bien tenir, si bien qu’il lève les yeux au ciel avant de la couper en l’embrassant, alors qu’un petit sourire se dessine sur ses lèvres, quand il recule son visage, juste légèrement. Juste assez pour que ses yeux captent les siens.

_ “ Tu parles vraiment trop, sérieusement. “

C’est des monologues qu’elle leur pond. Tout le temps, si encore c’était juste ce soir. Et puis elle propose d’annuler la soirée chez beau-papa. C’était pas Misha qui s’en plaindrait, parce qu’endosser le rôle du parfait gendre, c’était une tâche usante. S’empêcher toute blague salace, refuser un quatrième verre de whiskey, ou assurer que Darcy est l’unique femme de sa vie, sans même se tromper de prénom en l’appelant Juliet. Ceci-dit, s’ils décidaient de garder le bébé, faudra bien finir par le lui dire.

_ “ Okay. Mais tu lui dis, moi j’veux pas passer pour le gendre qui n’a pas envie de le voir ! “

Et il lève la tête, comme s’il boudait, alors qu’il se relève, aidant Darcy à en faire de même. Il la laisse rejoindre le bar ou les attendent les pâtes, qui seront finalement, leur dîner du soir. Heureusement qu’il en avait préparé.

_ “ Puis ça te laisse le temps de réfléchir... Si tu veux le garder ou pas... Le bébé. T’en parlera à ton père que quand tu seras sûre de toi. Dans tous les cas, je serais là. Même si je suis pas doué pour tenir des promesses. “

La décision elle pourrait aussi lui appartenir à lui, mais il préfère que ce soit elle qui décide. C’est elle qui va le porter cet enfant, et le sortir d’entre ses jambes, au périple de ses souffrances. Il n’a pas vraiment son mot à dire. Juste à la soutenir si elle décide de tout arrêter. Et d’être présent, si elle préfère continuer. Il s’installe donc à ses côtés, pour finir la soirée sur un tout autre sujet. Ils en avaient visiblement besoin. Changer d’air. Et étonnement, il n’a même pas fini sur le canapé, pour la nuit.